La télésurveillance fait de l’œil aux officinaux
En approuvant, le 22 octobre, l’entrée de la télésurveillance médicale dans le remboursement de droit commun à compter du 1er juillet 2022, l’Assemblée nationale a ouvert la voie à un nouveau mode de prise en charge des patients nécessitant une période de suivi médical. Avec à la clé des bénéfices attendus pour les malades, les professionnels et le système de santé.
Permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données de santé recueillies sur le lieu de vie des patients : tel est le credo de la télésurveillance médicale. Et il faut croire que ce nouveau mode de prise en charge, fondé sur le triptyque dispositif médical, solution de télésurveillance et prestation d’accompagnement thérapeutique, recèle nombre de promesses. Le vote de l’Assemblée nationale du 22 octobre dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, est en effet intervenu alors que le rapport d’évaluation finale du programme Etapes (Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé) n’a pas encore été publié par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) et que le référentiel de la Haute Autorité de santé (HAS), qui fixera les conditions du déploiement, devrait être connu d’ici fin décembre. Les députés ont entre-temps approuvé le remboursement de droit commun de la télésurveillance qui devra être effectif le 1er juillet 2022. « La volonté du gouvernement d’accélérer sur le sujet est fondée sur les conclusions d’un premier rapport intermédiaire publié par la HAS en décembre 2020. Celui-ci, au vu de la littérature scientifique, a estimé que la télésurveillance médicale pouvait être considérée comme un levier d’action permettant d’améliorer l’organisation des soins et l’efficience », souligne Armelle Graciet, directrice des affaires industrielles du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem).
Vivre normalement
Depuis son lancement en 2018, Etapes a permis d’évaluer près d’une centaine de dispositifs médicaux auprès de plus de 30 000 patients à risque d’hospitalisations récurrentes ou de complications à moyen et long termes. Et ce sur cinq champs thérapeutiques : l’insuffisance cardiaque, rénale et respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables. Le programme a confirmé les vertus de ce mode de suivi à distance. « Pour les patients, l’usage est transparent, assure Philippe Montaner, président de Timkl, une start-up spécialisée dans l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques. Dans la majorité des cas, la télésurveillance s’appuie sur les dispositifs médicaux qu’ils utilisent au quotidien : les capteurs et lecteurs de glycémie pour les diabétiques, les concentrateurs d’oxygène pour les insuffisants respiratoire, etc. » Ce système génère aussi une diminution de la charge mentale pour les personnes suivies. « Lorsque vous êtes télésurveillé, vous n’avez plus besoin d’aller voir aussi régulièrement votre spécialiste, note Philippe Montaner. Les visites n’interviennent qu’en cas de symptômes annonciateurs d’une crise. Le patient peut donc mettre sa maladie en sourdine et vivre normalement. »
Pour les professionnels de santé, les bénéfices semblent aussi au rendez-vous. « Elle leur offre la possibilité de mieux prendre en charge leurs patients, souligne Armelle Graciet. Aujourd’hui, les médecins ont peu de temps à accorder à la prévention. Avec la télésurveillance médicale, ils sont alertés automatiquement lorsqu’intervient un événement inquiétant. Un cardiologue va, par exemple, recevoir une alerte si un patient insuffisant cardiaque prend du poids trois jours de suite. Il pourra alors adapter son traitement pour éviter un œdème du poumon. » Les pouvoirs publics ont, de leur côté, visiblement assimilé rapidement les substantielles sources d’économies que pourrait générer la télésurveillance pour le système de santé. « Un meilleur suivi et une meilleure prise en charge entraînent moins de complications et d’hospitalisations et des durées de séjour à l’hôpital réduites après une intervention chirurgicale, note Philippe Montaner. Finalement, vous limitez les coûts pour l’Assurance maladie. »
Sous la surveillance des pharmaciens
La télésurveillance devrait aussi constituer une source d’opportunités pour les officines. « De par sa proximité, le pharmacien est considéré par les patients comme le professionnel de santé de premier recours. Il est donc légitime de l’intégrer dans la chaîne de valeur de la télésurveillance, estime le président de Timkl. Comme il le fait déjà avec les dispositifs médicaux prescrits par les médecins, il pourra être celui qui délivre et configure l’accès à la solution de télésurveillance et apprend aux patients à s’en servir. Son rôle pourrait être aussi, s’il le souhaite, de contrôler les données du patient via une plateforme de télésurveillance mise à sa disposition, et d’orienter celui-ci vers l’équipe de soins en cas de problème. La télésurveillance médicale constitue donc une chance formidable pour la profession de récupérer une partie du marché du dispositif médical. »
Et le jeu pourrait en valoir la chandelle. La télésurveillance médicale devrait en effet très vite s’aventurer au-delà des cinq champs du programme Etapes. « On peut imaginer que, demain, elle sera proposée aux patients nécessitant un suivi à distance d’un épisode aigu, avance Armelle Graciet. Après une intervention chirurgicale par exemple, une télésurveillance pendant deux ou trois mois permettrait de détecter et de prévenir une complication ou une exacerbation de la pathologie. » « Elle a aussi vocation à être utilisée pour n’importe quelle pathologie chronique, telle que l’hypertension artérielle et l’oncologie », ajoute Emmanuel Sève, auteur de l’étude sur « les nouvelles perspectives du marché de la télésurveillance médicale », publiée par Xerfi en octobre 2020.
Un gain pour l’avenir
C’est d’ailleurs dans le champ de l’oncologie que Moovcare, une solution qui détecte les premiers signaux de complication ou de rechute du cancer du poumon, a été le premier dispositif de télésurveillance médicale à obtenir en juillet 2020 un remboursement par l’Assurance maladie. Chaque semaine, le patient télésuivi doit répondre à une douzaine de questions afin de signaler d’éventuels symptômes. Les données transmises à la plateforme de télésurveillance au moyen d’un mobile, d’une tablette ou d’un ordinateur sont analysées par un algorithme d’intelligence artificielle qui alerte l’équipe de soins en cas de souci. « Quand on sait que, dans le cancer du poumon, le suivi intervient en général tous les trois ou six mois, une télésurveillance hebdomadaire permet d’intervenir plus rapidement. Ce qui par conséquent augmente les chances de survie », souligne Armelle Graciet. Un gain en survie globale estimé par Moovcare à 7,6 mois.
Couplée à des dispositifs médicaux de boucle fermée, la télésurveillance médicale pourrait enfin ouvrir de nouveaux horizons dans le traitement des patients atteints de maladies chroniques. La start-up grenobloise Diabeloop a conçu un dispositif médical qui change la donne pour les patients diabétiques. « Nous plaçons entre le capteur et la pompe à insuline un terminal qui récupère toutes les 5 minutes la valeur de glycémie. A la différence des systèmes habituels de surveillance du glucose en continu qui n’affichent que des résultats ponctuels et non contextualisés, notre algorithme autoapprenant basé sur l’intelligence artificielle calcule la quantité d’insuline dont la personne a besoin, en se fondant sur les données physiologiques du moment, mais aussi sur ses réactions aux injections réalisées sur une période de plusieurs semaines, après la prise des repas ou des activités physiques, explique Marc Julien, codirigeant de Diabeloop. Nous avons pu démontrer que Diabeloop améliorait de près de 20 points le temps dans la cible, et divisait par deux ou trois les hypoglycémies ». Fort de ces résultats, Diabeloop a obtenu l’inscription sur la liste des produits et prestations remboursables depuis fin septembre 2021, le pharmacien d’officine étant rémunéré pour ses prestations de suivi du patient.
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