Enfin une issue pour le D MP ?

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Publié le 18 avril 2009
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Non, ce n’est pas un poisson d’avril. Le dossier médical personnel (DMP) devrait enfin voir le jour. Mi-2010, si tout va bien. Grâce à une direction de choc, une évidente volonté politique, 100 millions d’euros mis sur la table, des médecins plus détendus et une philosophie basée sur l’expérimentation.

Pour moi, – j’ai compté -, c’est la quatrième relance du DMP, a ironisé Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), le 9 avril dernier lors de la présentation du nouveau plan de relance du DMP. Bon, cette fois, il s’agit d’une démarche pragmatique. » Fini l’usine à gaz, assurent les pouvoirs publics. « 2009 est l’année du passage à l’acte », a promis Roselyne Bachelot, qui veut « recentrer le projet sur les expérimentations de terrain pour un usage final concret », assurant que si « le DMP permettra peut-être des économies », « ce n’est pas son but ». Du coup, tout le monde souscrit, même les médecins, longtemps réticents, mais aiguillonnés par le succès du dossier pharmaceutique. Ils acceptent même le retour du qualificatif « partagé », pour la meilleure coordination des soins que veut la ministre de la Santé : « Nous sommes sans doute sortis d’un débat byzantin et stérile », a commenté Roselyne Bachelot.

La relance du DMP se fera en trois étapes

Les industriels de l’informatique médicale, qui réclamaient de pouvoir avancer petit à petit, concrètement, sans se voir imposer du jour au lendemain un cahier des charges inapplicable, disent eux aussi être prêts à se mobiliser. Ils saluent en parallèle la fin des rivalités entre administrations et ministères. « Nous tirons les leçons du passé, a renchéri Michel Gagneux, président du GIP DMP (1). Dans une période de relance, il est important de rétablir la confiance. Nous savons que l’évolution des pratiques professionnelles ne se décrète pas par la fourniture d’un outil technologique. » C’est pourquoi on a renoncé à l’idée d’un portail qui donnerait accès au DMP pour privilégier un accès via les logiciels métier. Le patient pourra de son côté le consulter via Internet. Objectif d’ouverture des premiers DMP « nationaux » : mi-2010.

Le processus de relance se fera en trois étapes. Première étape : le déploiement de « services initiaux de partage » (documents entre professionnels de santé, intégration des antécédents et allergies, prescriptions médicamenteuses, résultats biologiques et radiologiques, comptes rendus d’hospitalisation et de consultation). Deuxième étape : les expérimentations sur des « services à valeur médicale » comme le dossier communicant de cancérologie (DCC), déjà expérimenté dans 15 régions (2), le suivi du diabète, l’imagerie médicale, la prescription électronique et même, à plus long terme, la télémédecine…

Enfin, troisième étape (jusqu’en 2012) : l’apparition des « services aux patients » (réception automatique des résultats d’analyses, rappels de vaccination, programmes d’éducation thérapeutique…).

Reste à trouver un identifiant national de santé

Le prérequis sur les questions de sécurité et de confidentialité repose sur la définition de l’INS (identifiant national de santé) donnant accès au DMP à partir des données lues sur la carte Vitale. Les spécifications seront prêtes fin juin, assure Jean-Yves Robin, directeur du GIP DMP. Cet identifiant ne sera ni le numéro de Sécu (trop peu sécurisé), ni l’identifiant du dossier pharmaceutique (DP), comme le proposait Jean Parrot début avril. « L’usage de cet identifiant unique faciliterait la coordination des soins entre professionnels de santé. Il serait également une source d’économies importantes pour la collectivité », a expliqué le président de l’ordre des pharmaciens, se portant candidat, à ce titre, pour faire partie de la gouvernance de l’Agence des systèmes d’information de santé partagés (ASIP), cette toute nouvelle agence qui rassemble le GIP DMP, le GIP CPS (carte des professionnels de santé) et la partie « interopérabilité » du Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier. Elle est censée, par son organisation transversale, rompre avec l’organisation verticale qui s’est avérée calamiteuse. La proposition de Jean Parrot a été balayée par Jacques Lucas, vice-président de l’ordre des médecins. Jean-Yves Robin explique, lui, qu’un identifiant temporaire (celui du DP) n’est pas adapté au DMP car le patient est censé avoir un identifiant à long terme.

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« Réfléchir à la dématérialisation de la prescription »

Reste que le DP a servi d’aiguillon au DMP et est loué par tous, Roselyne Bachelot en tête. « Je dois arrêter les compliments car on va me dire que je ne parle que des pharmaciens », a-t-elle lancé avec humour. Frédéric Van Roekeghem, directeur de l’UNCAM, ou même Jacques Lucas, espèrent pour le DMP un aussi faible taux de refus d’ouverture par les patients que pour le DP (moins de 10 %…). Le succès faisant même dire au vice-président de l’ordre des médecins : « On peut désormais réfléchir à la dématérialisation de la prescription. » Des médecins qui réclament tout de même toujours un « dossier socle » (secret médical oblige) auquel auraient accès tous les professionnels, y compris les urgentistes et auxquels s’accoleraient des « dossiers liés ». L’affaire sera tranchée cette année au fil des expérimentations.

Les projets de dossiers issus des expérimentations, justement, seront amenés à rapidement migrer ou se connecter sur le DMP. Parmi elles, « le dossier pharmaceutique est dans le peloton de tête, cela ne se discute pas, même s’il faudra affiner sa configuration avec le DMP », observe Jean-Yves Robin. Et pour cause, le DP, ça marche !

(1) Michel Gagneux (inspecteur général des Affaires sociales) et Jean-Yves Robin (ex-Unimédecine, puis Santeos chez ATOS Origin) sont depuis décembre respectivement président et directeur du GIP DMP. Ils coprésideront l’ASIP.

(2) Déploiement effectif en Aquitaine, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Rhône-Alpes, Champagne-Ardenne et Martinique, et en cours en Bretagne, Limousin, Centre, Haute-Normandie, Picardie, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, PACA et la Réunion.

100 millions d’euros de plus !

Le DMP a déjà coûté 74 millions. Roselyne Bachelot y voit un investissement. « Ce n’est pas de l’argent perdu, abonde Michel Gagneux, président du GIP DMP. Les expérimentations de 2009 vont pouvoir se faire. » Et la ministre de citer – encore – le dossier pharmaceutique en exemple de l’utilité de cet investissement, rappelant les 4 millions qui lui ont été versés par le GIP DMP, auxquels s’est ajouté le million du Fonds d’amélioration de la qualité des soins de ville. Même Frédéric Van Roekeghem, directeur de l’UNCAM, est d’accord pour parler d’investissement car, « souvent, lorsqu’on améliore la qualité, il y a efficience… ». Pour l’ensemble du projet DMP, un budget sera établi fin 2009-début 2010, mais Michel Gagneux avance le chiffre d’une centaine de millions, 44 millions étant provisionnés rien que pour 2009. « Une somme assez minime pour un projet d’une telle envergure », estime Roselyne Bachelot. Quant à l’équipement des médecins et du marché, « ce n’est pas l’Etat qui paiera », indique Jean-Yves Robin, directeur du GIP DMP.

dates à retenir

– 10 avril : mise en ligne des documents publics de concertation. Jusqu’à fin mai, celles et ceux souhaitant apporter leur contribution peuvent faire part de leurs commentaires sur le site du GIP DMP (http://www.d-m-p.org).

– Juin 20O9 : sortie du cahier des charges sur l’identifiant national de santé (INS).

– Juillet-septembre 2009 : publication des référentiels d’interopérabilité (compatibilités techniques avec les autres projets, les logiciels).

– 3e trimestre 2009 : relance des expérimentations de DMP en régions.

– Début 2010 : déploiement progressif des cartes CPS de 3e génération (« sans contact ») et des plans d’accompagnements pour les hôpitaux.

– 2e trimestre 2010 : mise en place des messageries sécurisées et des annuaires de messagerie électronique des professionnels de santé.

– Mi-2010 : migration des projets régionaux vers le DMP (première version nationale) et ouverture des premiers DMP sur tout le territoire.

Sacré DP !

Isabelle Adenot, en charge du dossier pharmaceutique à l’Ordre, a enfoncé le clou lors de Pharmagora : « Le DP est le premier dossier de santé au niveau national. Il fera certainement avancer plus vite le DMP quand il verra le jour. » Qu’il aide ou non son futur homologue médical, le DP poursuit sa route. Les derniers chiffres font état de près de 3 millions de dossiers créés, avec une 1 pharmacie sur 4 raccordée et plus de 80 000 consultations quotidiennes. 800 à 1 000 pharmacies s’équipent chaque mois et 10 000 dossiers de plus sont créés chaque jour. Une réussite telle que les patients, désormais au courant de son existence, le demandent de plus en plus souvent. Isabelle Adenot a donc annoncé l’envoi, aux alentours du mois de juin, d’un « kit de visibilité » (vitrophanie, panneau, affiche…) à toutes les pharmacies, qu’elles soient équipées ou non. Il leur permettra d’indiquer qu’elles proposent le DP et constituera, selon l’Ordre, un moyen d’inciter les non-équipées à le faire. En parallèle, Isabelle Adenot a rencontré une vingtaine de journalistes de la presse féminine la semaine précédant Pharmagora pour leur présenter le DP, et « une grosse couverture médiatique est prévue vers juin-juillet », annonce-t-elle. A.-L.M.