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Données de santé : les pharmaciens épinglés dans l’émission Cash Investigation
Dans son numéro intitulé « Nos données personnelles valent de l’or », l’émission Cash Investigation, diffusée sur France 2 le 20 mai et présentée par Elise Lucet, met en cause les pharmacies d’officine pour non respect du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Au cœur du problème, l’autorisation accordée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à Iqvia en septembre 2018. Grâce à cet accord, le groupe américain spécialisé dans les données médicales collecte dans les 14 000 officines équipées de son logiciel Pharmastat le numéro de sécurité sociale des patients, l’année de naissance, le prénom, le sexe, ainsi que toutes les données de facturation : médicaments prescrits, médicaments conseil, et parapharmacie…
Le reportage reproche aussi aux pharmaciens de ne pas informer individuellement leurs clients par la remise d’une notice d’information du traitement des données les concernant, et de ne pas afficher au sein de la pharmacie ou sur leur site web, l’affiche qui détaille le mode d’utilisation des données et la procédure pour faire jouer les droits d’accès, de rectification et d’opposition. Ces deux obligations étant pourtant inscrites noir sur blanc dans l’autorisation de la Cnil. Pour étayer leurs propos, les journalistes de France 2 ont visité 200 officines à travers la France. Aucune n’affichait la fameuse affiche. Et le reportage de conclure que « sans le savoir, 40 millions de Français seraient ainsi pistés. »
Des données pseudonymisées
Mise en cause dans le reportage, la Cnil rappelle dans un communiqué que les données contenues dans l’entrepôt Iqvia sont pseudonymisées et ne mentionnent donc ni le nom ni le prénom des personnes. Et que le degré de pseudonymisation est élevé puisque le numéro de sécurité sociale permettant de faire le lien entre plusieurs dispensations de médicaments dans des officines différentes ne peut pas être transmis « en clair » à la société Iqvia.
De son côté, Iqvia s’est aussi fendue d’un communiqué pour indiquer que dès leur sortie du logiciel du pharmacien, les données sont anonymisées une première fois par un tiers de confiance, puis une deuxième fois par un second tiers de confiance qui les agrège avant de les transmettre à son entrepôt de données de santé. Elle rappelle en outre que la donnée nominative sur les patients ne présente pas d’intérêt pour ses activités. « Dans une étude de marché, une étude épidémiologique, une analyse de parcours patient… seul le comportement général de groupes de patients est pertinent, et en aucun cas les comportements individuels », est-il écrit dans son communiqué.
Iqvia indique enfin qu’elle envoie régulièrement à tous ses pharmaciens partenaires des affiches comprenant un QR code donnant accès à toute l’information sur l’utilisation des données, et des notices d’informations pour les patients explicitant la procédure d’exercice de leur droit d’opposition.
Des pharmacies contrôlées
« Ce que le reportage de France 2 ne dit pas, c’est à quoi servent ces données collectées, regrette Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui s’est lui-même fait interviewer par les équipes d’Elise Lucet. Elles permettent d’adresser des sujets de santé, comme le suivi de la vaccination, des tests antigéniques, du taux de médicaments génériques, et de faire du suivi longitudinal de patients. C’est comme cela que l’on s’est aperçu que les traitements immunodépresseurs étaient mieux suivis par les patients greffés lorsqu’ils étaient dispensés en ville qu’à l’hôpital. » Ceci étant dit, le président de la Fédération reconnait que les deux reproches formulés aux pharmaciens sont fondés. « Informer individuellement chaque patient, dans la pratique, c’est ingérable. Quant à la notice d’information et à l’affiche, c’est vrai que peu de pharmaciens respectent cette obligation qui leur incombe. Nous sommes donc en défaut sur le sujet », concède Philippe Besset. La Cnil a d’ailleurs annoncé qu’elle allait renforcer les contrôles en pharmacie.
Les explications à donner aux patients
Quant au discours à tenir devant d’éventuels clients mécontents qui se présenteront dans les officines les jours suivant la diffusion du reportage, il est très simple pour Pierre-Olivier Variot, nouveau président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO). « Il faut leur expliquer que les données remontées à Iqvia sont totalement anonymisées, et qu’il n’y a donc aucun moyen de relier un patient, à une pharmacie et à un traitement donné. Et leur rappeler que les pharmaciens ne sont pas rémunérés par Iqvia puisqu’ils sont uniquement indemnisés 6 € par mois pour frais de service. La contrepartie étant que cette société nous fournit des tableaux de bords très utiles pour le pilotage de nos officines et pour mesurer l’impact des réformes conventionnelles. »
Et si un patient demande à faire jouer son droit d’opposition ? « Là encore, c’est très simple, assure Philippe Besset. Il suffit d’appeler Iqvia, ou d’envoyer une facture à blanc dans le LGO avec le code barre d’un produit fictif qui va entraîner automatiquement la suppression de la base du pseudo de ce patient. » Ce dispositif a été mis en place suite au reportage de France Télévisions…
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