Antoine Vial, auteur de « Santé, le trésor menacé »
Dans son livre « Santé, le trésor menacé »*, Antoine Vial dresse un constat alarmant de notre système sanitaire. Abordant tous les sujets y compris l’e-santé et l’information des patients, il prône la coparticipation et la décision partagée pour refonder notre système.
Dans votre ouvrage, vous critiquez les professionnels de santé, mais également l’Etat. Que lui reprochez-vous ?
A.V. : Mon premier reproche est qu’il n’y a pas d’ambition et, sans ambition, il n’y a pas de politique. On agit en urgence et on fait du colmatage. Le ministre de la Santé est là pour donner un projet et son cabinet pour agir. Il manque un moteur dans la voiture ! Le deuxième point concerne l’économie : elle est devenue le seul filtre des politiques de santé. Lorsque j’écoute la ministre de la Santé, j’ai l’impression d’entendre le ministre des Finances !
Vous mettez en cause les pharmaciens dans la délivrance de Dépakine. Pourquoi ?
Concernant Dépakine, il y a le problème des prescripteurs et celui de la délivrance. Des pharmaciens ont délivré ce médicament à des femmes enceintes sans plus de demandes d’informations. C’est un problème et les pharmaciens doivent s’en emparer : soit on attend que le pharmacien délivre une ordonnance en la contrôlant, soit il la délivre sans contrôle avec une attitude plus commerciale que de conseil. Je pense franchement qu’on forme de bons spécialistes des médicaments, les pharmaciens, mais qu’on n’exploite pas leurs compétences. On les laisse dans ces pratiques plus commerciales. Les pharmaciens ont un rôle prépondérant à assurer en matière d’iatrogénie.
Que pensez-vous de la polémique au sujet de la vaccination par les pharmaciens ?
Nous sommes ramenés au 19e siècle ! Nous manquons d’une modernité impressionnante. D’une vision. Nous sommes en 2017 et nous voyons tout ce qu’il est possible de faire aujourd’hui et demain. Il y a un gisement de performances évident mais qui n’est pas exploité. Je pense par exemple aux dispositifs dans l’e-santé. Les pharmaciens devraient se positionner dans ce domaine, mais comment savoir quels dispositifs sont bons ou pas ? Il n’y a pas d’évaluation.
Vous critiquez aussi la politique du médicament en France…
Notre priorité, c’est l’ensemble du circuit du médicament dans les dix prochaines années. Il est urgent d’avoir une démarche scientifique. En matière de médicaments, nous avons des critères de santé, mais c’est le ministère des Finances qui tranche. Les laboratoires font du lobbying, notamment sur la question de l’emploi. Les arbitrages doivent être transparents et c’est pour cette raison qu’il faut un ministre de la Santé digne de ce nom.
Vous prônez une réforme profonde du système grâce à une coparticipation de tous les acteurs. Est-ce possible ?
On prend les gens pour des imbéciles. Nous devons reconstruire notre système de santé, mais pas avec des mesures autoritaires. La participation des patients et des professionnels de santé permettrait à chacun d’exprimer ses besoins, de mieux connaître les contraintes des uns et des autres et, ainsi, de parvenir à une décision partagée. Les lieux de débats existent, mais il s’agit plus de volonté. Le rêve serait qu’il y ait suffisamment de professionnels de santé, de patients et d’élus qui se mobilisent pour discuter ensemble. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai lancé le site participation-sante.org.
* Editions L’Atalante, Essais, 224 pages, 15 €
QUI EST-IL, QUE FAIT-IL ?
Après avoir travaillé au sein de Médecins du Monde dans de nombreux pays, Antoine Vial a ensuite dirigé pendant vingt ans les programmes consacrés à la médecine à France Culture. En 2006, il rejoint Etienne Caniard à la Haute Autorité de santé pour six ans. Membre du Conseil d’administration de Prescrire, Antoine Vial est aujourd’hui conseil en stratégie de santé.
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