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SSII : Les risques de l’infidélité
Frank Denner, pharmacien à Brest, est un féru d’informatique qui ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque son expérience avec les SSII : elles lui demandaient le plus souvent de ne pas toucher à son matériel informatique « pour des raisons de sécurité ». Il achetait alors du matériel ailleurs, à ses risques et périls, et se voyait facturer hors contrat de maintenance en cas de dysfonctionnement… Il rappelle pourtant que le matériel acheté hors SSII bénéficie de toute façon d’une garantie constructeur d’un an, voire de trois ans pour le disque dur. « Les SSII évoquent souvent la lenteur de dépannage par les constructeurs. C’est vrai pour les grandes surfaces ou les petits revendeurs, mais pas dans les magasins spécialisés. Chez Sony, un moniteur sous garantie peut être remplacé en 24 heures par un appareil prêté en attendant la réparation. Je ne vois pas l’intérêt de mettre sous maintenance SSII un matériel sous garantie constructeur », détaille Frank Denner.
Certaines SSII acceptent que le pharmacien achète tout ou partie de son matériel où il le souhaite, à partir d’un cahier des charges prédéfini et souvent surcoté. « Les configurations proposées sont souvent très chères et au-dessus de ce qui serait nécessaire pour faire fonctionner le logiciel », remarque Frank Denner. Les SSII demandent alors que ce matériel soit expédié chez elles en vue d’un paramétrage ou dépêchent un technicien à un coût moyen de 200 à 300 euros par demi-journée. Et le risque de s’entendre dire que « ça ne marche pas » est réel. L’économie réalisée sur l’achat sera alors réduite à néant par le coût de la prestation de la SSII.
Comme le souligne Guy Pillot, pharmacien et président du Collectif national des utilisateurs d’informatique médicale, « il n’y a aucun intérêt pour le pharmacien aujourd’hui – pas même le prix – à acheter hors SSII, d’autant plus que certains contrats – à lire très attentivement – stipulent que cela rendrait l’ensemble du contrat caduc, ce qui peut d’ailleurs être juridiquement pénalisable ! » « Dans une configuration où seul le logiciel est sous maintenance SSII, le risque est important de voir cette dernière incriminer le matériel – son manque de puissance, une version trop ancienne du système d’exploitation… – en cas de dysfonctionnement. Idem, si l’on a rajouté un périphérique où un moniteur acheté en hypermarché, précise Frank Denner. Les SSII profitent à la fois de l’ignorance des confrères et de l’état d’urgence dans lequel ils se trouvent en cas de panne. » Le pharmacien brestois, qui fabrique lui-même ses ordinateurs à partir de pièces détachées, reconnaît que le recours à la garantie constructeur peut être risqué – délai de dépannage trop important – et qu’il est judicieux de prévoir soi-même un appareil de rechange lorsque l’on fait cavalier seul.
Jean-Marc Lagoutte, pharmacien à Venarey-les-Laumes, fait partie de ceux qui travaillent sans filet, c’est-à-dire sans contrat de maintenance matériel. Ce qui ne l’empêche pas, compte tenu de ses bonnes relations avec son prestataire Caduciel, de prendre quelques conseils ponctuels auprès de la hot line. Il garantit lui-même son matériel en pratiquant le système de la « cascade » : il achète des pièces détachées neuves tous les six mois et remplace tout au fur et à mesure ! « Je n’achète pas hors de ma SSII pour des questions de prix – qui sont équivalents partout à qualité égale – mais d’opportunité et de rapidité ! », précise-t-il.
Moins de 1 % des pharmacies se fourniraient hors SSII
Du côté des SSII, on met en avant une certaine souplesse et une certaine tolérance quant aux entorses au partenariat en matière d’achat de matériel ou de téléchargement sauvage de logiciels qui risquent de planter le système.
Pour Christian Armando (Alliadis), ce cas est beaucoup moins fréquent qu’on l’imagine : il concerne moins de 1 % des pharmaciens. « Nous ne pouvons accepter en maintenance que du matériel conforme à notre catalogue, qui est très « serré » pour une question de rapidité de dépannage : nous avons 1,5 million d’euros de matériel de rechange en stock. Ce qui ne nous empêche pas d’apporter une aide ponctuelle s’il y a de petits problèmes sur un poste Windows hors maintenance… On ne peut assurer 98 à 99 % de temps d’utilisation sur une année que si l’on maîtrise parfaitement l’ensemble des composants de la configuration. »
« Si le matériel acquis hors SSII par le pharmacien est conforme à celui que la SSII a l’habitude de prendre en charge, il peut éventuellement être intégré dans le contrat de maintenance, affirme Jean-Yves Baranger, d’Euralliance. C’est ce qu’on fait quand on reprend un client jusqu’alors en contrat avec une autre SSII. Cela ne concerne évidemment pas le matériel sans norme, comme le matériel taïwanais. » Quant au contrat de maintenance proposé par la SSII durant la garantie constructeur, il permet au pharmacien de gérer l’urgence, de poursuivre son activité par un prêt de matériel durant le délai de réparation.
Marc Kern (Data Conseil) précise quant à lui que le principal problème de l’achat hors SSII est que les équipements ne sont jamais totalement compatibles. « C’est un risque à éviter, pour une différence de prix qui tend à s’estomper entre notre matériel et le matériel au prix du marché, non « dumpé » à la baisse par la grande distribution. Si le pharmacien acquiert hors de chez nous un matériel rigoureusement identique à celui que nous proposons, nous pourrons envisager de l’inclure dans la maintenance. »
Les pannes induites par un matériel ajouté ou un téléchargement non sécurisé, si elles ne relèvent pas de la rupture de contrat, sont facturées à la demi-journée hors contrat de maintenance.
Petits services gratuits contre gros dépannages facturés
Everys laisse a priori le libre choix au pharmacien s’il se conforme au cahier des charges, mais ce matériel n’est pas pris en contrat de maintenance. « Nous essayons toujours de dépanner notre client gracieusement pour de petits services, moyennant facturation pour des problèmes plus importants. Nous avons un système de carnet voucher qui facilite ce type d’interventions. Nous avons par contre une grande tolérance par rapport aux dysfonctionnements liés à des logiciels étrangers », commente Bénédicte Dekester.
Chez La Source informatique, on incite le pharmacien à acheter son matériel seul ! On lui conseille la marque Dell, qui propose un contrat de maintenance matériel de trois ans. « Mon métier, c’est le logiciel et c’est ce que je garantis. Mais le contrat de maintenance logiciel comprend une protection antivirus. Si un virus contamine malgré tout l’ordinateur à la suite d’un téléchargement sauvage, la prestation de dépannage est facturée. En revanche, nous avons un seuil de tolérance quant à l’aide au dépannage par téléphone d’un poste bureautique hors maintenance : il est de 30 minutes par semestre mais il n’est utilisé que par 3 % de nos clients ! », précise Charles Baranès.
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