La blockchain investit dans la santé

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Publié le 1 mai 2019
Par Yves Rivoal
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Longtemps associée aux monnaies cryptées, la blockchain commence à pénétrer doucement mais sûrement l’univers de la santé en général, et de l’officine en particulier.

Née le 3 janvier 2009 à 18 h 15, avec la création du premier bloc de transaction de la blockchain Bitcoin, la blockchain permet de stocker et de transmettre des informations ou de la valeur de pair à pair, de manière transparente et sécurisée, et sans avoir besoin de passer par un organe central ou un tiers de confiance. « Lorsque vous voulez échanger de l’argent, il faut vous connecter sur votre banque en ligne pour effectuer un virement, explique Chloé Dru, directrice projet chez Blockchain Partner, un cabinet spécialisé dans le conseil et développement Blockchain. La banque se charge de vérifier la présence des fonds et de transmettre l’argent à l’établissement financier du destinataire. La blockchain fait exactement la même chose, mais sans passer par l’intermédiation bancaire, car les vérifications sont effectuées via des processus cryptographiques. Vous devez simplement posséder un portemonnaie virtuel, appelé Wallet, qui va vous permettre d’envoyer de l’argent sous forme de tokens (jetons) à un destinataire qui possède lui aussi un wallet. »

SÉCURITÉ et fiabilité.

La blockchain s’appuie sur un processus cryptographique basé sur un jeu de clé publique, qui sert d’identifiant, et de clé privée qui fait, elle, office de mot de passe. Ces deux clés sont indispensables pour pouvoir inscrire des informations ou effectuer des transactions sur la blockchain. « Tous les échanges sont enregistrés sur un registre partagé qui est répliqué sur des milliers d’ordinateurs pour le bitcoin, souligne Chloé Dru. Cette décentralisation, associée au fait qu’une donnée enregistrée est immuable, puisqu’elle ne peut plus être modifiée, assure un niveau de sécurité maximal. » L’industrie de la finance a été la première à s’emparer de cette technologie qui sert de base aux crypto-monnaies, comme le Bitcoin ou Ethereum.

DES DONNÉES en temps réel.

Dans l’univers de la santé, les premières initiatives commencent à voir le jour. La start-up Embleema l’utilise sur sa place de marché, qui a pour ambition de permettre aux patients de récupérer et stocker leurs données de santé sur un carnet baptisé PatientTruth, et de les partager volontairement, de manière transparente et sécurisée avec les laboratoires de recherche. « L’objectif étant que les industriels pharmaceutiques accèdent en temps réel à des données de santé authentifiées et en condition de vie réelle pour accélérer les mises sur le marché des nouveaux traitements », complète Robert Chu, le CEO d’Embleema. Sur la plateforme, la blockchain permet de faire plusieurs choses. « Le patient a d’abord la possibilité de donner un consentement qui peut être limité dans le temps, à certains destinataires, ou à certains champs, en choisissant par exemple de partager ses prescriptions, mais pas ses allergies, confie Robert Chu. Il sait aussi en permanence qui accède à son dossier, pour récupérer quelles données, et pour en faire quel usage. Il peut donc vérifier si tout est conforme au consentement qu’il a défini. »

PHARMACIENS et patients rémunérés.

Enfin, la Blockchain est mise à contribution pour indemniser avec des jetons, les utilisateurs qui acceptent de partager leurs données avec les laboratoires. En janvier dernier, Pharmagest a annoncé avoir pris 15 % du capital de la start-up franco-américaine, Embleema. « Grâce à cette prise de participation, nous allons pouvoir déployer notre service auprès des patients des 9 000 officines équipées avec le LGO de Pharmagest », se félicite Robert Chu. Les pharmaciens qui joueront le jeu se verront attribuer une clé publique et une clé privée, qui alimenteront le dossier numérique du patient. « Ils recevront également des jetons en récompense de leur implication », annonce Robert Chu qui imagine déjà l’étape d’après. « Nous pourrions très bien récompenser demain le porteur d’une carte de fidélité d’une officine, ou un client qui utilise un service de dépistage avec des tokens qui donneraient le droit à une réduction sur la parapharmacie. » Et il ne s’agit pas là de science-fiction. Ce dispositif sera testé par Embleema dans les mois qui viennent…

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UNE TECHNOLOGIE encore méconnue.

A plus long terme, la blockchain pourrait révolutionner de nombreux usages dans l’univers de la santé comme le reconnaît Chloé Dru. « Elle pourrait, par exemple, être mise en oeuvre pour sécuriser l’accès aux données de santé dans le cadre du DMP, pour générer l’empreinte numérique d’une ordonnance dématérialisée ou pour tracer la chaîne de fabrication et de distribution des médicaments… » Le problème, c’est que cette technologie n’est pas encore assez mature pour être adressée au grand public, car très peu de gens savent comment utiliser un wallet. « Si l’on veut que les cas d’usage se multiplient, il faudra donc effectuer en amont un gros travail de sensibilisation et simplifier l’expérience utilisateur des applications, sinon, la plupart des projets qui voient le jour risquent de rester au stade de l’effet d’annonce », prédit Chloé Dru.

ON EN PARLE

VENTE EN LIGNE

Un régime trop restrictif

Dans son avis sur la distribution des médicaments, l’Autorité de la Concurrence a pointé du doigt le régime trop restrictif réservé aux pharmacies françaises, qui se sont lancées dans la vente en ligne de médicaments à prescription médicale facultative (PMF). Régime qui pénaliserait le développement du e-commerce, qui ne représente que 1 % des ventes de médicaments à PMF en France, contre 14 % en Allemagne. Pour changer la donne, l’Autorité formule une série de recommandations : autoriser le recours au référencement et aux comparateurs payants, permettre la diffusion d’informations relatives aux produits de santé dans les newsletters adressées aux clients, ou encore supprimer l’interdiction « d’artifice de mise en valeur » pour que les pharmaciens puissent valoriser leur offre de produits et leurs prix… L’autorité souhaiterait également que les pharmaciens puissent recourir à des locaux de stockage distincts de leur officine. Y.R.

1 Md d’ €

C’EST LA VALORISATION ACTUELLE DE DOCTOLIB. LA START-UP DE PRISE DE RENDEZ-VOUS MÉDICAUX SUR INTERNET A BOUCLÉ EN MARS DERNIER, UNE LEVÉE DE FOND DE 150 M €. Y.R.

COMPARATEUR DE PRIX

La start-up Phacil vient de lancer une plateforme, qui permet de connaître la disponibilité et les prix des produits de parapharmacie et des médicaments à prescription médicale facultative dans les pharmacies référencées sur sa plateforme. Pendant la phase de lancement, le référencement est gratuit, mais il est accessible uniquement aux officines disposant d’un site de vente en ligne. A terme, Phacil proposera une solution pour s’interfacer aux LGO. Y.R

LE SERVICE DU MOIS

Après avoir déployé son offre de téléconsultation auprès des médecins, Docavenue, une filiale du Groupe Cegedim, lance sa solution de téléconsultation en officines. Docavenue propose aux pharmaciens une solution globale, qui inclut une application web et des instruments connectés distribués par Smart Rx, autre filiale de Cegedim. Docavenue a conçu une plateforme où le patient peut réaliser sa téléconsultation, accompagnée par le pharmacien, qui intervient lors des prises de mesure ou pour répondre à ses questions. Une salle d’attente virtuelle permet d’optimiser la prise en charge des demandes de rendez-vous, auprès des 500 médecins téléconsultants accessibles sur la plateforme. Elle intègre aussi un moyen de paiement à distance et le partage d’ordonnances. Coût de la solution : 89 € HT/mois, hors objets connectés. Y.R.