Attention à l’obsolescence informatique !

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Publié le 1 février 2023
Par Yves Rivoal
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Les pharmacies adopteront massivement les versions Ségur de leur logiciel de gestion d’officine (LGO). Mais leur parc informatique sera-t-il compatible ? Si des investissements sont à prévoir, ils seront aux frais du titulaire.

C’est parti. La division Pharmagest d’Equasens a déjà déployé la version Ségur de son logiciel de gestion d’officine (LGO), id. (ex-LGPI), dans la majorité de ses 9 000 officines clientes. Isipharm (logiciel LEO) a pour sa part installé chez ses 1 300 clients le téléservice Identifiant national de santé intégré (INSi), l’application Carte Vitale et la Messagerie sécurisée de santé (MSSanté), trois des six fonctionnalités socles du Ségur sur lesquelles il a déjà obtenu l’agrément, sans attendre la certification finale. Chez Winpharma, qui a été certifié Ségur avant Noël, et Smart RX, qui est lui toujours en attente de certification, le déploiement devrait s’étaler tout au long du premier trimestre 2023.

Un prérequis : Windows 10.

Coordinateur du développement Ségur chez Winpharma, Serge Badouel tient à rassurer les pharmaciens. « Winpharma Ségur sera 100 % compatible avec les matériels sur lesquels tourne déjà la version actuelle. Les problèmes de compatibilité ne concerneront sur notre parc que la dizaine d’officines qui travaillent avec des versions antérieures à Windows 10. » Même son de cloche chez Isipharm. « La version Ségur de LEO n’impose aucun nouveau prérequis technique par rapport à la version actuelle, assure Cyril Boissier, le directeur commercial d’Isipharm. Nous recommandons toutefois à nos pharmaciens de basculer sur Windows 10 ou 11, puisque Microsoft a arrêté le support sur Windows 7 le 14 janvier 2022 et sur Windows 8 le 10 janvier 2023. Seules 15 % des officines de notre parc évoluent encore avec des versions incompatibles. » Chez Smart RX, aussi, la majorité des officines disposent de PC équipés de Windows 10. La directrice marketing de cet éditeur, Anne Mocho, précise toutefois que « ses équipes sont à la disposition de tous les pharmaciens pour effectuer un audit de leur installation et vérifier leur compatibilité technique. » Pharmagest considère, lui, que son travail de pédagogie a porté ses fruits. « Début 2022, 10 % de nos clients possédaient des PC dont les configurations de serveur n’étaient pas compatibles avec les normes techniques associées au référentiel Ségur : système d’exploitation Windows 10 64-bit, version 7 ou supérieure de CentOs côté serveur, lecteurs optiques 2D et lecteurs Sesam Vitale version 4.0 ou supérieure, confie Jean-Michel Monin, directeur de la division Pharmagest d’Equasens. Nous les avons donc sensibilisés au problème, tout en leur rappelant que si la mise à jour de leur LGO est gratuite (elle est prise en charge par l’État dans le cadre du Ségur du numérique à condition de passer commande avant le 15 mars 2023, NdlR), le changement du matériel reste, lui, à la charge du pharmacien. » Et le message semble avoir été entendu. « À ce jour, les problèmes de compatibilité se limitent à 5 % de notre parc. À cause de l’obsolescence de leur matériel, ils risquent de subir un fonctionnement dégradé du logiciel », conclut Jean-Michel Monin.

Moindre mal !

Là encore, la plupart des lecteurs de cartes Vitale sont compatibles PC/SC, le protocole imposé par le GIE Sesam-Vitale pour la sérialisation depuis le 1er janvier 2022. Ils fonctionneront donc sans problème avec les versions Ségur des LGO. À terme, certaines pharmacies pourraient en revanche être confrontées à des problèmes de compatibilité sur les douchettes de scannage. « La plupart des modèles utilisés aujourd’hui fonctionnent avec la version Ségur de Winpharma, mais certains d’entre eux pourraient nécessiter un reparamétrage pour lire les QR Codes », avertit Serge Badouel. En effet, l’Assurance maladie recommande l’usage de cette technologie présente sur tous les smartphones pour lire les informations contenues dans les e-prescriptions et l’application Carte Vitale. Il faudra donc que les fabricants ajustent le paramétrage ou que les pharmaciens investissent dans de nouvelles douchettes compatibles QR Code 2D. « Compte tenu du faible prix de ces matériels, cette seconde option semble la plus judicieuse. », conseille Serge Badouel. C’est surtout le développement de l’ordonnance numérique et de l’application Carte Vitale qui modifiera sensiblement la nature des échanges avec les patients au comptoir. « Demain, les pharmaciens devront s’équiper de lecteurs qui permettront de lire le QR Code de l’ordonnance numérique. Et la lecture de la carte Vitale pourra se faire de deux façons, soit par la lecture du QR Code affiché sur l’application Carte Vitale, soit en posant son smartphone sur un lecteur compatible NFC (near-field communication, NdlR) », explique Gaëlle Storhaye, directrice de la stratégie produit de Pharmagest. Isipharm (LEO) anticipe déjà le passage à ces nouveaux usages. « Afin d’éviter la multiplication des lecteurs au comptoir, nous sommes en train de référencer un lecteur hybride qui serait NFC et QR Code. Le patient utilisera son smartphone pour lire à la fois son e-carte Vitale et son e-prescription. Cela favorisera la sécurité, l’observance et le conseil de l’équipe officinale », précise Cyril Boissier.

La sécurité avant tout.

En matière de sécurité, les versions Ségur des LGO n’impliquent là encore aucun prérequis supplémentaire, même si les échanges avec les patients et les autres professionnels de santé auront vocation à se multiplier. « Tout au long de la chaîne de facturation ou d’interrogation des téléservices, la sécurisation sera assurée par Pro Santé Connect (fédérateur de fournisseurs d’identité au standard OpenID de l’Agence du numérique en santé, NdlR) qui permettra d’identifier via un système d’authentification unique et centralisée le professionnel de santé qui est en train de se connecter à un téléservice », détaille Serge Badouel. Les connexions à la base nationale de l’Assurance maladie sont, elles, protégées par les protocoles de sécurité mis en place par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam). Pas de changement non plus en ce qui concerne la sécurité des serveurs qui hébergent les LGO. « Ils continueront d’être protégés par nos antivirus, firewalls et notre système de sauvegarde quotidienne des données à distance dans toutes les pharmacies », assure Serge Badouel. La sécurité est un enjeu majeur de la transformation numérique, comme le souligne Anne Mocho, de Smart RX, qui est hébergeur de données de santé agréé par la Haute Autorité de santé (HAS) : « Cette protection des flux et des données est d’autant plus importante en raison de l’interopérabilité des logiciels de santé, des données échangées et des évolutions induites par le Ségur du Numérique. »

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EN BREF

Télésurveillance médicale

Nouveal et Malea, deux start-up lyonnaises concurrentes sur le marché de la télésurveillance médicale, viennent d’annoncer leur fusion avec l’objectif de s’imposer comme « le leader dans les services de parcours patients ». Elles proposent des plateformes numériques qui permettent d’optimiser la prise en charge du patient, de la préadmission administrative et médicale jusqu’au télésuivi après hospitalisation. La Poste et le fonds Patient Autonome de Bpifrance seront les principaux actionnaires, aux côtés des fondateurs des deux start-up.

Observance

« 60 % des patients chroniques ne respecteraient pas leur traitement », d’après une étude d’IMS Health. Afin d’améliorer l’observance, la société Careanimations propose aux pharmaciens d’officine des vidéos sur les notices des médicaments, les aides à la posologie, les accompagnements au traitement, etc. Le pharmacien sélectionne la vidéo et envoie par mail au patient un lien et un code d’accès lors de la délivrance. Pour offrir ce service, les pharmaciens doivent payer un abonnement de 1 000 € par an.

Dépistage

Doctrio, société spécialisée dans la formation pour les professionnels de santé, s’est vu décerner le prix de la formation et de la sensibilisation lors de la dernière édition des Talents de la e-santé organisée chaque année par la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS) et l’Agence du numérique en santé (ANS). Via sa plateforme numérique et en partenariat avec les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC), Doctrio a sensibilisé près de 20 % des officines françaises au dépistage organisé du cancer colorectal en 2022.