SUBSTITUTS NICOTINIQUES : Ne mégotons pas !

Réservé aux abonnés
Publié le 28 février 2004
Mettre en favori

Pour la troisième fois en près d’un an, le prix du tabac a connu une augmentation. En franchissant la barre symbolique des 5 euros, le paquet de cigarettes compte de moins en moins d’adeptes. Tant mieux pour la santé de nos concitoyens et pour les ventes des substituts nicotiniques.

Si les campagnes menées par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé avaient déjà sensibilisé l’opinion publique sur les dangers du tabac, de nombreux fumeurs faisaient encore la sourde oreille. Il a fallu attendre la hausse des prix des cigarettes pour que le message soit enfin reçu. D’après un récent sondage BVA/Sofres, près de 75 % d’accros veulent arrêter. Bref ! Il y a de moins en moins de fumeurs heureux… et de plus en plus de consommateurs de substituts nicotiniques.

« Les ventes décollent vraiment depuis janvier 2002 », commente Anne-Rose Conjeaud, chef de produit Nicotinell. Objectivement, on peut parler d’une ascension à grande vitesse à partir du mois d’octobre 2003 (date de la seconde augmentation). « Les demandes ont afflué du jour au lendemain », atteste Dominique Benguigui, titulaire à Nanterre.

Les chiffres du marché se passent de commentaires : après un pic record de + 102,5 % au mois d’octobre dernier (versus octobre 2002), le chiffre d’affaires poursuit son envol (+ 97,9 % en novembre et + 68 % en décembre).

Les mentalités changent.

Non seulement la cigarette nuit à la santé mais, pire, elle devient ringarde. Aujourd’hui, on ne fume plus, on se patche. A preuve les évolutions fulgurantes de ce segment affichant en valeur un bond de 64, 3 % contre « seulement » 20,3 % pour les formes orales (source IMS Health, panel Pharmatrend, cumul annuel mobile à novembre 2003). Bien sûr, on peut se demander si cette euphorie est appelée à durer malgré le spectre annoncé du gel des prix du tabac.

« Nous n’assisterons certainement plus à une hausse exceptionnelle comme celle d’octobre 2003, mais la cigarette a définitivement perdu son image glamour », estime Audrey Varona, chef de gamme NiQuitin. Pas de doutes pour Guillaume Randaxhe, chef de produit Nicopatch, « nous sommes dans une logique de croissance et la levée annoncée des contre-indications chez les cardiaques ouvre de nouvelles perspectives ».

Publicité

Actuellement, une chose est sûre : le délai d’attente pour une consultation de tabacologie est passé de un mois et demi à quatre mois. Alors qu’il suffit de pousser la porte d’une officine pour se procurer une aide au sevrage tabagique. Plus que jamais, la pharmacie demeure le principal réseau de distribution des substituts nicotiniques (70 à 75 % des ventes d’après les estimations des fabricants).

Le délistage des substituts en 2000 avait promu le pharmacien acteur de choix dans le processus du sevrage tabagique. S’il est désormais devenu incontournable, le pharmacien n’a pas toujours conscience du potentiel que représente ce marché. « Les linéaires sont loin d’être à la hauteur de l’évolution des ventes », déplore Anne-Rose Conjeaud. « Les rayons consacrés au sevrage tabagique se développent mais restent trop souvent l’apanage des grosses officines », constate Jean-Baptiste Gras, chef de produit Nicorette. Alors, un seul mot d’ordre : donner aux produits de la visibilité.

La marque NiQuitin a testé l’impact d’un présentoir sous clef placé dans l’espace clients. Le résultat est plus que probant puisqu’il révèle une augmentation de 46 % des ventes. CQFD. Côté référencement, il faut savoir qu’au sein des patchs, ce sont les conditionnement en boîte de 7 au plus fort dosage qui raflent la majorité des ventes.

Miser sur les spécificités.

Quant aux gommes, malgré une diversification des arômes, le goût « original » lancé par le pionnier (et leader du segment) Nicorette a toujours la cote. Ce marché s’avérerait inexploité en France. Mastication, risque de dépendance, posologie importante en cas de forte dépendance, autant de raisons qui expliquent la frilosité des professionnels de santé. « Pourtant, les gommes sont plus adaptables que les patchs », assure-t-on chez Novartis qui vient de lancer une nouvelle génération de gommes Nicotinell dragéifiées. Leurs spécificités : la marque de fabrication Stimorol pour améliorer la texture, un nouveau mode masticatoire et une présentation en packs d’essai au prix d’un paquet de cigarettes.

Les marques jouent la carte des valeurs ajoutées. Pourquoi ne pas en profiter pour attirer l’attention des « décrocheurs » potentiels ? Patch 16 heures et inhaleur pour Nicorette, NiQuitin Clear, qui mise sur la transparence et l’esthétisme…

L’accompagnement sinon rien.

Outre la présentation des produits, l’équipe officinale se doit d’exercer son rôle de conseil. Et en matière de substitution nicotinique, il s’apparente à un véritable accompagnement des fumeurs repentis. Mais alors que le schéma idéal prône trois mois de substitution, la durée effective d’un traitement sous patch (difficile à chiffrer précisément) serait bien inférieure. Selon le laboratoire Novartis, elle ne dépasse pas huit semaines dans la moitié des cas. Les fabricants sont unanimes : il ne faut pas hésiter à faire revenir le patient toutes les une à deux semaines pour réaliser avec lui un bilan de son sevrage et favoriser l’observance. Important également pour favoriser le passage à l’acte (et donc recruter de nouveaux utilisateurs) : le conseil minimal. « Rien qu’en posant systématiquement les deux questions suivantes : « fumez-vous ? » et « comptez-vous arrêter ? », on peut induire 200 000 arrêts par an », rappelle Guillaume Randaxhe.

Evidemment, plus une équipe est formée, plus elle se montre convaincante. A bon entendeur…

Témoignage

Raphaël Elalouf, titulaire à Paris : « Cinq étagères derrière le comptoir sont entièrement consacrées aux substituts. Nos rotations ne cessent d’augmenter, la politique de prix actuelle sur le tabac a vraiment porté ses fruits. Nous référençons trois marques sur quatre mais les consommateurs sont avant tout attirés par le prix. Nous nous efforçons donc de proposer les produits au plus bas prix possible, soit en moyenne 49 Euro(s) la boîte de 28 patchs. Nous avons pris le parti d’expliquer les différences de tarifs selon les marques et de présenter toutes les possibilités de traitement. Bien sûr, il se vend beaucoup plus de patchs. Toute l’équipe a été formée par les laboratoires sur la nécessité d’une observance prolongée et d’une baisse progressive des doses, mais nous n’imposons jamais rien. »

A retenir

Les patchs tirent le marché.

Améliorer la visibilité du rayon.

Tirer parti des avantages des gommes.

Mettre en avant les particularités des produits.

Ne pas oublier le conseil minimal.

Insister sur l’observance.

Mettre en place un véritable suivi du patient.