Stéphane Joly président du Gemme : « Les biosimilaires devraient se développer massivement dans les cinq ans à venir »
Le Gemme (GEnérique Même MEdicament) réunit 25 industriels spécialistes du médicament générique et des biosimilaires. Son président, Stéphane Joly, par ailleurs président du laboratoire Cristers, dresse un état des lieux qu’il conjugue au passé, présent et futur.
Avant d’être le président du Gemme, vous avez été le président de l’Association française des génériques (AFG). Quelles étaient les raisons qui ont présidé à sa création puis à sa transformation en une autre association, le Gemme ?
A l’époque de l’AFG (1998), un certain nombre de laboratoires génériques étaient filiales de groupes pharmaceutiques « princeps » et n’avaient pas souhaité rejoindre l’association. Le temps a passé, la substitution a fait décoller le générique en 1999 et en 2002 et le Gemme a été créé avec la presque totalité des acteurs du marché de l’époque.
Quel bilan du marché des génériques dressez-vous après 20 ans de substitution ?
Un grand pas a été franchi puisque, grâce aux pharmaciens et à la substitution, le marché est passé de 5 à bientôt 40 % des volumes de médicaments remboursés en génériques, donc des économies pour la collectivité de plus en plus importantes, ayant atteint 3 Md€ en 2018. Une somme qui laisse ainsi plus de place à l’innovation. Malgré tout, la France est encore très en retard par rapport à ses voisins européens, notamment l’Allemagne qui utilise près de 80 % de médicaments génériques. Le marché est donc loin d’être mature : au rythme actuel, il faudrait plus de 15 années pour combler notre retard. Et même si l’on ne se réfère qu’à la moyenne européenne, 62 %, ce retard reste important.
Quel est plus précisément l’état du marché en 2019 ?
Force est de constater que la progression de ce marché peut donner l’impression d’un arrêt sur image tellement il n’évolue guère : le générique représente actuellement en France 917 millions de boîtes, soit seulement 37 % du marché pharmaceutique remboursable. Il est également stable en valeur, année après année, car, même s’il y a de légères augmentations en unités, les baisses de prix régulières (3 à 5 % par an) annulent cette progression et stabilisent le marché à hauteur de 20 % du marché pharmaceutique remboursable total, soit environ 3,5 Md€.
Vous attendiez-vous à une croissance aussi faible aujourd’hui alors que le marché n’est toujours pas arrivé à maturité ?
On sait qu’il faut constamment « promouvoir » le médicament générique, d’ailleurs les pouvoirs publics ont déjà réalisé plusieurs campagnes d’information avec, à chaque fois, un effet positif, aussi bien pour les patients que pour les médecins. Il y a encore des résistances du côté des prescripteurs qui utilisent toujours la mention « Non substituable » dans 8 % des cas et du côté des patients demandant encore des princeps.
Quels nouveaux leviers peuvent encore développer le marché ?
J’en vois au moins 3 qui pourraient favoriser l’évolution à la hausse du marché du générique :
– élargir le Répertoire, par exemple avec la création d’un registre des médicaments hybrides dès 2020 ;
– inciter les médecins à moins recourir à la mention « NS » ;
– inciter les patients à une plus grande acceptation du médicament générique à travers des mesures permettant d’impulser une nouvelle dynamique à ce marché et assurant la pérennité de la concurrence.
Plus globalement, notre objectif est de réussir le virage des biosimilaires qui devraient se développer massivement dans les 5 ans à venir. Tous les acteurs industriels, professionnels de santé et patients doivent à présent être mobilisés pour relever ce défi. L’enjeu est crucial : la valeur de ce segment pourrait atteindre 1 Md€ dans les années à venir.
Les génériques vont-ils rester une manne pour les pharmaciens en dépit des baisses de prix continues ?
La réponse est dans votre question. Les baisses de prix importantes et répétées ont un impact négatif pour l’ensemble des acteurs et notamment pour les pharmaciens, même si ces derniers ont négocié un mode de rémunération décorrélé du prix du médicament. Pour le générique, il en résulte néanmoins un impact sur la rentabilité des laboratoires restreignant leur capacité de négociation commerciale.
Tous les génériqueurs sont-ils maintenant sur la même longueur d’onde concernant l’octroi d’un droit de substitution « plein » au pharmacien sur les biosimilaires ?
Le Gemme serait favorable à faire évoluer sa position sur les biosimilaires vers la substitution à terme. Cette évolution devra être confirmée ou infirmée par une étude que nous allons lancer dans les semaines à venir. Elle définira également les conditions et les dispositifs à mettre en œuvre. ●
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