Otiko versus opticiens : un débat « cornéen »
La société Otiko est dans la ligne de mire du Synope et de son concurrent Unilens’. Tous deux dénoncent une pratique illégale et une concurrence déloyale.
Sur son site Internet, le slogan d’Otiko est alléchant : « Des lunettes à prix d’Internet chez votre pharmacien ». Cet opticien sur Internet propose, en effet, la vente à distance de lunettes de vue en pharmacie sans opticien présent. Une offre qui s’est attiré les foudres du Synope (Syndicat des opticiens sous enseigne) et de son concurrent Unilens’. Le premier a alerté début juin le ministère de la Santé ainsi que l’Ordre des pharmaciens. Le second, qui implante en pharmacie des corners d’optique, l’assigne devant les tribunaux. Tous les deux dénoncent des pratiques en dehors du champ de la législation et « un exercice illégal de la profession d’opticien », selon le Synope.
Si le développement d’un rayon d’optique n’est pas contestable, une partie du débat se focalise sur l’absence d’une personne détenant le BTS d’opticien-lunetier dans l’équipe officinale. « Les pharmaciens sont habilités à vendre des verres correcteurs à condition que le personnel détienne les qualifications requises et que les locaux soient adaptés », rappelle Alain Delgutte, président de la section A de l’Ordre des pharmaciens, soulignant que, « pour le moment, l’Ordre n’a été saisi d’aucune plainte ».
Seul le patient réalise la transaction
Pour Romain Fréton, directeur général d’Otiko, son modèle est dans les clous. « La loi Hamon autorise la vente en ligne de lunettes. Grâce à notre application iPad, nous prenons à distance les mesures pupillaires indispensables pour fabriquer des verres sur mesure. Le pharmacien a un rôle d’accompagnement dans l’essayage des montures et la prise des mesures. Il n’effectue pas l’acte de vente. La commande et la transaction sont réalisées par le patient. Chaque photo transmise depuis l’officine fait l’objet d’une analyse systématique par nos opticiens, qui donnent ensuite l’ordre de fabrication. Trois à cinq jours plus tard, les lunettes sont livrées à la pharmacie. »
Alors que le Synope en appelle à la délation des pharmacies partenaires d’Otiko, Romain Fréton défend la transparence de son concept : « Le ministère de la Santé, les ARS et l’Ordre des pharmaciens connaissent notre existence, nous nous sommes spontanément déclarés dès notre lancement ».
Des lunettes quatre fois moins chères
La pomme de la discorde ne serait-elle pas surtout financière ? Les lunettes Otiko coûtent environ quatre fois moins cher que les prix moyens du marché. En contrepartie de ses services, le pharmacien perçoit une commission d’environ 35 %. François Menge, directeur général d’Unilens’, implante en pharmacie des Carrés de l’optique « en totale clarté avec la législation, chaque “Carré” étant supervisé par un opticien salarié de l’officine ». Il déplore « une concurrence déloyale » et préfère s’en remettre « à l’autorité des juges afin de clore le débat ».
En attendant que les tribunaux tranchent, Alain Delgutte conseille aux pharmaciens souhaitant se lancer dans un partenariat avec Otiko « de bien examiner le contrat qui leur est proposé et de s’assurer que tous les critères légaux pour exercer cette activité soient remplis, notamment l’interdiction déontologique de mettre à la disposition de personnes étrangères à l’officine une partie des locaux pour l’exercice d’une autre profession ».
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