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Le marché de la contraception locale en officine (préservatifs, dispositifs intra-utérins et spermicides) continue de baisser à bas bruit. Mais compte tenu de sa très faible taille – à peine 29 MEuro(s) de CA en 2005 -, cette nouvelle contre-performance est malheureusement accueillie dans l’indifférence.
Les préservatifs, qui se taillent la part du lion au sein du marché (91,1 % de parts de marché en volume à l’officine), font moins recette qu’en 2004. Le CA réalisé chute de 2,3 %, pour une baisse en unités de 0,9 %. « En moyenne, une pharmacie vend un peu moins d’une centaine de boîtes de préservatifs par an, c’est peu », juge Martial Lassin, directeur commercial des laboratoires Radiatex. A leur décharge, les campagnes de prévention contre le sida perdent en impact, entraînant de fait une relative déresponsabilisation des jeunes. Cependant, le début de l’année 2006 est marqué par une reprise. Sur douze mois à fin avril dernier, les indicateurs virent au vert (+ 1% en volume, + 2,2 % en valeur).
Numéro un en pharmacie et en GMS, Durex est talonné par Manix, également présent sur les deux circuits, qui connaît la plus forte croissance du marché (y compris en GMS). « Sans les résultats de Manix, le marché serait en chute de 3,3 % en valeur », fait remarquer Jean-Marc Bloch, son responsable marketing. Et de dresser un autre constat : « Les deux marques qui se portent bien en pharmacie sont celles qui ont fait le choix d’être distribuées dans les deux réseaux. Leur présence en grande distribution n’est donc pas un frein aux ventes en pharmacie car cela permet de mieux faire connaître les produits au grand public. » Les pharmaciens apprécieront.
Néanmoins, pour profiter de cet effet de levier, la pharmacie doit se décomplexer par rapport à la logique de prix et à l’abondance de l’offre en GMS. « La pharmacie a longtemps souffert de prix élevés et, chez Manix, nous avons pris en compte ce problème en jouant la transparence sur les remises des ventes directes, explique Jean-Marc Bloch. Ainsi, le pharmacien peut mieux les répercuter sur ses prix et réduire le différentiel avec la GMS dans une fourchette acceptable pour le client. Par ailleurs, nous l’aidons à exploiter au mieux des arguments forts en pharmacie : une caution médicale importante et la proximité. »
Les préservatifs ne sont pas assez exposés
Pour Patrick Pisa, président de Polidis, ce ne sont pas les prix qui ont permis à la GMS de prendre l’ascendant sur la pharmacie : « Les prix pratiqués par les pharmaciens sont souvent plus bas qu’en grande distribution. Par contre, cette dernière applique toutes les règles de base du marketing, qui consistent notamment à proposer un grand choix de marques et d’avoir un référencement complet au sein de chacune d’elles. Au contraire, le pharmacien a une stratégie d’appauvrissement de l’offre qui se focalise uniquement sur la référence la moins chère, qui se vend le plus, et déréférence progressivement les plus chères qui tournent moins et qui représentent malgré tout, ensemble, 50 % de son chiffre d’affaires. »
Pour Jean-Marc Bloch, visibilité et accessibilité sont les maîtres mots à retenir : « La sexualité touche à l’intimité la plus profonde, le consommateur ne reste en moyenne que 20 secondes devant un rayon de préservatifs. Il faut donc que l’offre du pharmacien saute aux yeux, soit facile à comprendre et qu’il y ait une politique de prix suivie. »
Prix bas pour une image citoyenne
Les préservatifs classiques (catégorie comprenant aussi les petites et grandes tailles, les « très fins ») représentent encore 70 % des ventes. La catégorie des préservatifs « nouvelles sensations » (« stimulants » et « prolongateurs », « panachés ») et celle du « bien-être » pour peaux sensibles (hypoallergéniques) se partagent grosso modo les 30 % restants. « L’innovation n’est pas récompensée à sa juste valeur puisque le marché ne progresse pas », arguë Patrick Pisa.
Revendiquant la position de leader sur les préservatifs dits techniques à forte valeur ajoutée, Manix n’a pas la prétention de révolutionner le marché. « Il n’y aura jamais un transfert des ventes de préservatifs classiques vers les préservatifs stimulants, même si cette dernière catégorie recèle un potentiel important. Cependant, le préservatif n’est plus un mal nécessaire et une contrainte pour certains consommateurs qui recherchent du plaisir et des sensations agréables en dehors du simple univers de la protection. »
Plus circonspect sur l’essor des préservatifs « à sensations », Polidis s’est construit une réputation de prix agressifs, notamment depuis le contrat passé avec Christophe Dechavanne dans le cadre de l’opération « Sortez couverts », où ils sont vendus 20 centimes l’unité et la boîte de 12 deux euros. « Les prix des préservatifs sont très regardés, explique Patrick Pisa, c’est pourquoi le pharmacien fait un mauvais calcul en installant un distributeur à l’extérieur de son officine qui délivre des petits conditionnements à prix élevé. A l’inverse, une politique de prix bas va donner à la pharmacie une image de prix attractifs doublée d’une image citoyenne. »
Même son de cloche chez Martial Lassin, de Protex (anciennement Prophyltex) : « La vente de préservatifs par distributeur automatique l’emporte largement sur la vente en pharmacie, car on est toujours sur des ventes anonymes, quoi que l’on en dise. Auparavant, le distributeur était un système de dépannage, aujourd’hui, c’est un moyen d’acheter à un prix intéressant. » Chez Protex, la boîte de 5 préservatifs classiques est à 2 Euro(s) et à 5 Euro(s) les 12, alors que la boîte de 12 préservatifs est vendue entre 6 et 8 Euro(s) en GMS.
Chez Polidis, le fer de lance de la marque Khondomz est un grand standard : la boîte de 12 Reflex se vend à 1 million d’unités par an. Un résultat acquis essentiellement en officine. « La marque est également présente dans les catalogues de VPC, les lycées et les parapharmacies indépendantes », précise Patrick Pisa.
Bien qu’en perte de vitesse depuis quatre ans, Protex continue à jouer la carte de l’exclusivité avec les pharmaciens d’officine. « Le marché reste très classique malgré les efforts d’innovation de fabricants dans le registre du ludique, constate Martial Lassin. Ils lancent des références marketing mais ces coups d’éclat servent seulement à faire de la publicité sur la marque, sans engendrer des renouvellements d’achat. » En lançant Original 0,02, Protex rappelle qu’innovation rime également avec tradition. Sa nouveauté 2006 est un préservatif en polyuréthanne gagnant en finesse (épaisseur de 0,02 mm). Son emballage (en coupelle individuelle) permet un sens de pose maîtrisé. Inodore et transparent, il devrait ravir dès son lancement (en juin) les couples qui ne supportent plus les odeurs de caoutchouc lors de leurs ébats amoureux.
Le sex-shop s’invite
en pharmacie
Manix et Durex étoffent cette année leur gamme dans la catégorie des « stimulants » et tiennent un discours très fort sur la promesse d’une excitation sexuelle portée par leurs nouveautés. Manix veut révolutionner la sexualité féminine avec Intensify et son anneau vibrant, ainsi qu’avec un gel excitant à vocation féminine. Au dire du fabricant, l’anneau vibrant est crédité d’un taux de satisfaction de 82 % au niveau du couple. Avec le gel excitant, 73 % des femmes déclarent avoir eu un orgasme plus intense et 94 % un orgasme atteint plus facilement après plusieurs utilisations (en moyenne quatre). Play Vibration est l’alter ego chez Durex qui lance aussi deux nouveaux gels : l’un, frais et chatouillant, l’autre pour se masser.
Les deux leaders du marché se défendent de vouloir gadgétiser le préservatif. « Manix se positionne comme le « partenaire du plaisir », et ce discours est très ancré dans notre identité », affirme Jean-Marc Bloch. Mais Polidis se refuse à céder au phénomène de mode des « sex toys ». « En Espagne, les officines vendent des godemichés un peu plus chics qu’en sex-shop. Ce type d’articles n’a pas lieu d’être en pharmacie qui est aussi un espace familial fréquenté par les enfants. » Par contre, élargir l’offre pour répondre à toutes les attentes des utilisateurs fait partie du credo de Polidis qui est en attente de certification sur un préservatif Khondomz avec lubrifiant anesthésiant. Il s’intéresse aussi au préservatif en polyuréthanne, sans odeur, plus fin et plus conducteur de chaleur que le latex.
Les spermicides à l’abandon
L’an dernier, les spermicides ont à nouveau accusé le coup (- 9,3 % en volume, – 7,9 % en valeur), et ce segment de la contraception ne paraît pas en mesure de redresser la barre en 2006 parce qu’il est tout simplement laissé à l’abandon. Ce dont ne se cache pas le leader Pharmatex qui ne vit aujourd’hui que sur sa seule notoriété. « Il se vend tout seul et de façon anecdotique, confesse Xavier Fruneau, directeur marketing des laboratoires Innothéra. Les déremboursements opérés en mars ont fortement pénalisé notre laboratoire et ne nous ont pas permis de continuer à investir autant dans nos forces de vente. » Pharmatex est touché de plein fouet par ces restrictions et, d’une manière plus large, les produits déremboursés ou non remboursés ne sont pas la priorité du moment d’Innothéra qui construit sa croissance davantage à l’international. « Pharmatex se développe dans les pays de l’Est et nous avons relancé la marque dans les pays africains. »
Les dispositifs intra-utérins se portent bien (+ 2,6% en volume, + 1,7 % en valeur). En apparence. Car, si l’Afssaps et l’ANAES – dans ses recommandations – ont réaffirmé en décembre 2004 leur place et leur intérêt dans l’arsenal de la contraception, même s’ils ont étendu leur cible aux femmes nullipares dans des cas précis, les dispositifs intra-utérins au cuivre (dont la figure de proue est Nova T de Schering avec plus de 50 % de parts de marché) sont en train de se faire supplanter par les systèmes intra-utérins hormonaux type Mirena. « Depuis plusieurs mois, les ventes mensuelles de Mirena dépassent celles des DIU au cuivre, toutes marques confondues, et compte tenu de la tendance, les ventes annuelles devraient également être supérieures dès la fin juin en année glissante », précise Jean-Maurice Oudet, chef de produit chez Schering.
A fin mars, la perte de vitesse des dispositifs intra-utérins au cuivre, en légère décroissance (310 000 unités vendues sur les 12 derniers mois), s’accentue par rapport au médicament Mirena (+ 9 %, 306 000 unités vendues) et aux implants hormonaux qui ont également le vent en poupe (+ 8 % à 9 %, 110 000 unités vendues). « Mirena permet à la femme de s’affranchir de la pilule, de réduire les dysménorrhées et d’avoir des règles moins abondantes, à l’inverse des DIU au cuivre », souligne Jean-Maurice Oudet.
– 2%
En 2005, le marché officinal de la contraception locale* pesait 28,9 millions d’euros (- 2 % par rapport à 2004), soit 5,18 millions d’unités vendues (- 1,2 %)
* Préservatifs hors gros conditionnements, DIU, spermicides.
LES MEILLEURES VENTES
Préservatifs
1 Durex Gossamer Extra
2 Durex Jeans (3)
3 Manix super (4)
Dispositifs intra-utérins
1 Nova T Schering
2 Gynelle 375
3 Multil Rad. Op. 375
Spermicides
1 Pharmatex unidoses 6
2 Pharmatex tampons 6
3 Pharmatex ovules 20
LE POIDS DE LA CONCURRENCE
Même si la parapharmacie n’est pas à ce jour un concurrent sérieux (1,3 % de parts de marché en unités, 1,6 % en valeur), la progression enregistrée sur les volumes (+ 9,1 %) mérite que l’on s’y intéresse. A l’évidence, la compétition tarifaire a porté ses fruits sur les unités vendues, mais au détriment du CA, en recul de 1,8 %. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats des parapharmacies ne sont pas probants. En VPC, les ventes sont stables. La GMS est plus agressive. Depuis deux ans, elle est passée devant la pharmacie en parts de marché (55 % à 60 % contre 40 à 45 % selon les fabricants).
TOP
– Pas vraiment un top, mais les pharmaciens n’ont pas trouvé que la vente du préservatif Manix Intensity et son anneau vibrant était déplacée en pharmacie.
FLOP
– Les préservatifs parfumés se cassent la figure, à tel point que Manix a décidé d’arrêter leur commercialisation.
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