L’officine perd le contact

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Publié le 28 juin 2003
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En 2002, la contactologie ne doit son salut qu’au bon score des lentilles. Les produits d’entretien ont, eux, été à la peine… comme l’officine. Mais les chiffres du premier trimestre 2003 laissent augurer une reprise. Une opportunité à saisir par les pharmaciens qui doivent toujours faire leurs preuves sur ce marché à fort potentiel.

En 2002, les ventes de produits d’entretien pour lentilles souples ont reculé de 2,9 % en volume et de 1,8 % en valeur.

Bien que née dans les années 50, la contactologie possède encore un important potentiel de développement. En effet, alors que le nombre de porteurs de lentilles n’évolue guère*, ce marché se montre tout de même très dynamique, avec une progression du chiffre d’affaires total (lentilles et produits d’entretien) de 10,3 %, à 196 millions d’euros en 2002 (source Syndicat des fabricants et fournisseurs d’optique de contact, Syffoc). « Ce dynamisme est dû en grande partie à la capacité qu’ont les fabricants à innover régulièrement et à adapter leur offre aux attentes des utilisateurs », explique Alain Clouzet, président du Syffoc.

Avec un chiffre d’affaires 2002 de 149,5 millions d’euros, les ventes de lentilles progressent de 16,1 %, pour 93,6 millions d’unités vendues (+ 24 % par rapport à 2001). On observe une nette émergence des lentilles souples à renouvellement fréquent et des jetables journalières (+ 20,1 % en valeur), au détriment des lentilles traditionnelles (-1,4 %). Les lentilles souples jetables journalières font preuve d’un grand dynamisme (+ 43 % en valeur) tandis que les lentilles souples à renouvellement fréquent (entre un jour et trois mois) voient également leurs ventes croître, mais de 15,6 %.

Malgré leur peu d’optimisme, une bonne proportion de pharmaciens a l’intention d’investir pour développer le marché de la contactologie

Les « tout-en-un » sauvent les meubles

Le déclin des lentilles traditionnelles (- 5,7 % en volume) dessert, par voie de conséquence, le marché des produits d’entretien. Avec un chiffre d’affaires de 46 millions d’euros, ils accusent en effet un retrait de 5 %, même si la situation est moins dégradée qu’en 2001 (- 11,6 %).

Le segment des produits oxydants (10,4 millions d’euros) ainsi que celui englobant les solutions de décontamination/trempage, les nettoyants, les produits de rinçage et les déprotéinisants (7,29 millions) ont beaucoup souffert en 2002, baissant respectivement de 12,4 % et de 14,3 %. Les produits « tout-en-un », qui représentent le segment numéro un du marché, ont tout juste sauvé les meubles (+ 0,8 %), en raison de leur simplicité et commodité d’emploi.

Aux trois premières places, on trouve Bausch #amp; Lomb, AMO et Ciba-Vision. Chacun a assis son succès sur un produit phare, à l’image de Bausch #amp; Lomb qui doit son rang à ReNu Multiplus.

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En officine, selon les données IMS Health, le marché de la contactologie a connu une croissance de 4,4 % en valeur en 2002 et de 5,2 % en volume, mais il comprend les larmes artificielles (34,8 millions d’euros en 2002, en progression de 11,9 % par rapport à 2001). Alors que les ventes de produits d’entretien pour lentilles dures ont souffert (- 10,9 % en volume, – 9,1 % en valeur), tout comme ceux pour lentilles souples (- 2,9 % en volume, – 1,8 % en valeur). Au total, ces produits représentent un chiffre d’affaires de 23,2 millions d’euros pour 1,6 million d’unités distribuées.

2003 sous de meilleurs auspices

En données comparées « premier trimestre 2003 versus premier trimestre 2002 », « le marché total des solutions a progressé en valeur de 13 %, celui des multifonctions de + 0,8 %, des oxydants de + 51 % et les autres produits de +24 % », indique Jean-Charles Gricourt, directeur marketing pour le marché des solutions chez Ciba-Vision. L’explosion des oxydants de ce début d’année tient à plusieurs facteurs : « Aosept, numéro 2 du marché des oxydants, a été absent du marché au premier trimestre 2002, précise-t-il, mais, surtout, les porteurs de lentilles reviennent aujourd’hui à leurs premières amours, les oxydants se révélant de meilleurs produits nettoyants et d’utilisation plus sûre que les multifonctions. »

Informer les porteurs de lentilles

Le fait que les laboratoires continuent d’innover ouvre également des perspectives intéressantes : nouveaux matériaux pour la sécurité du port permanent, lentilles journalières pour tous les défauts visuels, lentilles de couleur, lentilles progressives… Encore faut-il que les 29 millions de porteurs de lunettes en France (chiffre estimé) soient correctement informés sur les progrès réalisés en contactologie. Or il existe actuellement un véritable déficit d’information du public. Selon une étude de novembre 2002 réalisée par la Sofres auprès des porteurs de lunettes, 65 % d’entre eux estiment être mal informés sur les lentilles de contact, alors qu’ils représentent un public utilisateur potentiel, et 40 % plébiscitent une information plus détaillée sur leurs réels avantages et sur l’étendue de l’offre existante (amétropies, tolérance, modes de port, prix, gammes…).

Outre cette carence, l’étude révèle de nombreux freins à l’essai de lentilles, dus notamment aux idées fausses qui subsistent encore à l’égard des lentilles de contact et de leurs conditions d’utilisation. Elle met aussi en lumière l’anxiété qui règne vis-à-vis des lentilles, et la perception de risques d’irritation ou d’infection liés au port chez 57 % des personnes interrogées. Du coup, comme les lunettes s’avèrent généralement bien acceptées, les clients potentiels rechignent à tester les lentilles (un tiers souhaitent continuer de porter des lunettes). En conséquence, l’essai de lentilles reste rare. Il s’appuie sur une motivation de praticité mais aboutit souvent à un échec, car les lentilles semblent, d’après les résultats de l’étude, être mal supportées dans les deux tiers des cas. Un constat qui s’explique en partie par l’ancienneté de cet essai, mais qui contribue malheureusement à diffuser une image négative des lentilles de contact.

Pour Isabelle Collaveri, chargée de la communication au Syffoc, directrice marketing pour le marché des lentilles chez Ciba-Vision, le développement du marché est une question de pédagogie et d’accompagnement. A cet égard, le rôle des professionnels de santé (ophtalmologistes, opticiens et pharmaciens) est donc fondamental. Les résultats de l’enquête Sofres montrent à l’évidence qu’ils participent insuffisamment à la vulgarisation des lentilles auprès des porteurs de lunettes n’ayant pas envisagé un essai.

En multipliant les actions de communication au sein du Centre d’information sur les lentilles et leurs solutions, Alain Clouzet estime que l’équipement en lentilles peut, à terme, atteindre 12 à 15 % de la population.

* 5,4 % des Français de plus de quinze ans portaient des lentilles en 1998. Trois ans après, ils étaient à peine plus : 6,1 %, soit 2,4 millions de porteurs (source Sofres).

+ 4,4 %

Attention, croissance trompeuse !

Ce marché de 58 millions d’euros inclut en effet les larmes artificielles. Les produits d’entretien seuls sont en chute (- 9,1 % pour les lentilles dures, – 1,8 % pour les souples).

Les armes pour gagner

La concurrence

– La concurrence ne s’exerce que sur les produits d’entretien, dont le poids total était de 46,3 millions d’euros en 2002 selon le Syffoc. Les 9 000 opticiens ont l’avantage d’avoir une clientèle captive car ils adaptent les lentilles. Ils détiennent, selon Jean-Charles Gricourt (Ciba-Vision), 75 % à 80 % du marché des solutions d’entretien en valeur.

Boostez votre rayon

– « La majorité des pharmaciens délaissent la contactologie, alors qu’ils peuvent contribuer à faire sortir les lentilles de leur marché en augmentant la visibilité de l’offre – notamment en exposant les produits, en montrant les différentes gammes… -, en facilitant l’essai ou en encourageant un nouvel essai sur des produits récents tout en accompagnant mieux la personne », conseille Isabelle Collaveri, chargée de la communication au Syffoc.

– D’autant que, selon la représentante du Syffoc, les ventes donnent l’impression de se développer en pharmacie. « Nous sommes sur un marché de renouvellement et la proximité de l’officine est un atout pour le pharmacien, si celui-ci se donne la peine d’investir en formation et en stock. 20 à 30 % des officines ont choisi de répondre à la demande et disposent au moins de deux étagères de solutions avec l’ensemble des marques leaders. »