Cosmétique ethnique : le réveil des marques

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Publié le 31 août 2018
Par Peggy Cardin-Changizi
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Longtemps pensées et formulées pour les peaux blanches, les cosmétiques tendent aujourd’hui vers une beauté plurielle. Sous l’impulsion des grands noms du secteur comme m.a.c ou nars, l’offre ethnique grandit sur tous les circuits de distribution.

En septembre dernier, la chanteuse Rihanna a créé l’évènement en lançant sa ligne de maquillage Fenty Beauty. Pour la première fois, les nuances destinées aux peaux noires et métissées sont majoritaires parmi les 40 proposées. Cette initiative a été suivie par de nombreux acteurs cosmétiques comme Dior, dont la nouvelle gamme de makeup à petits prix, baptisée Backstage, propose une dizaine de références pour les peaux noires et métissées. « Aujourd’hui, les marques réalisent enfin qu’elles doivent s’adresser à toutes les femmes du monde et non plus à une population caucasienne, constate Audrey Roulin, directrice Axe Beauté chez NellyRodi. L’explosion du digital a été l’accélérateur et le catalyseur de cette prise de conscience. En effet, en ligne, les consommateurs sont les nouveaux experts et expriment le souhait de l’inclusivité qui implique une beauté plurielle et non plus stéréotypée ».

MULTI-circuits.

Et cette beauté plurielle connait un véritable essor ces dernières années. Tous secteurs confondus, le marché des produits cosmétiques dédiés aux peaux noires, mates et métissées pèse environ 50 M€, selon l’agence A-KA. Les achats se font essentiellement dans les boutiques spécialisées où l’offre est diversifiée mais peu qualitative. D’autres circuits sont aussi prisés : le sélectif, l’e-commerce, la GMS et enfin, l’officine où l’offre, encore concentrée, s’est constituée avec des marques prônant une approche scientifique et une dimension efficacité/sécurité. « La cliente qui s’oriente vers la pharmacie attend des conseils de qualité, un accompagnement personnalisé et un traitement efficace et sans effets secondaires. Dans la majorité des cas, elle se rend en officine pour traiter une problématique dermatologique et non pour se procurer un produit d’entretien quotidien », résume Laila Mkimer, directrice marketing & commerciale du Laboratoire In’Oya, qui investit plus de 30 % de ses dépenses en recherche et développement.

RASSURER les clientes.

Le Laboratoire Château Rouge fait partie de ces acteurs de cosmétique ethnique qui ont développé, dès le départ, des soins hydratants, unifiants, anti-taches, à base d’actifs d’origine végétale, sans hydroquinone (un agent blanchissant) ou corticodes. La marque est née de la volonté de deux pharmaciens (officiant dans le quartier Château Rouge, à Paris) de proposer à leur clientèle, en majorité noire et métissée, des produits spécifiques, efficaces et sans danger. « Dans les boutiques spécialisées, on trouve le plus souvent des produits dont les formulations ne sont pas validées et pas toujours testés dermatologiquement », regrette Damien Depreux, qui a repris le laboratoire, en 2012, avec Christine Chauville, pharmacienne et ex-directrice marketing Bioderma. « Nous proposons des produits sûrs, sans ingrédients nocifs, testés sur des panels de consommatrices à la peau noire, validés par des études cliniques et fabriqués en France », poursuit notre interlocuteur. De quoi rassurer les clientes de l’officine.

DES GAMMES courtes.

« La catégorie des soins du visage pour les peaux métissées et noires comprend peu de produits. Toutefois, ils doivent répondre à des problématiques bien précises : taches pigmentaires, éclat du teint, hydratation, peaux grasses à imperfections », indique Jocelyn Bariteau, co-créateur de la marque Nuhanciam. Pour y répondre, le laboratoire éponyme, qui revendique une cosmétique sûre, intégrant une dimension plaisir, propose au total dix soins dont le sérum Anti-taches Puissance 4, produit star de la marque, et trois références pour les peaux à tendance acnéique. « Ce sont des produits techniques qui concilient efficacité et sécurité », développe notre interlocuteur. In’Oya compte dix références dont un soin unifiant matifiant, un gel nettoyant exfoliant, une eau micellaire et le sérum anti-tache, best-seller. Chaque produit a été formulé en partenariat avec le CNRS et l’Inserm. Biolissime mise également sur une gamme courte de huit références aux actifs naturels. « La crème de jour unifiante SPF 25 et le sérum antitaches font partie des meilleures ventes », indique Bintou Sissokho Camara, fondatrice et dirigeante de la marque. Chez Ametis Cosmetics, qui s’appuie sur des actifs naturels et antioxydants en écho à la pharmacopée africaine, la Collection Blanche à l’actif Biowhite, pour un teint plus éclatant, fait un carton. Elle vient d’ailleurs d’être complétée par L’Eau Blanche, une eau de beauté pour l’éclat du teint.

ANIMER le rayon.

Les produits de cosmétiques ethniques ne sont pas souvent mis en valeur. « C’est une erreur vu le budget consacré à la beauté », insiste Jocelyn Bariteau. Pour y remédier, la marque Nuhanciam propose des PLV et des animations autour de diagnostics de peau personnalisés. Chez Ametis Cosmetics, l’animation des linéaires prend la forme de journées portes ouvertes et de sessions d’information sur les produits. Biolissime est représentée par Bintou Sissokho Camara qui réalise elle-même les formations dans les officines. « C’est une réussite, se félicite Marion Bruand, responsable parapharmacie E.Leclerc à Sarrebourg. La formation de l’équipe sur les spécificités des peaux mates noires et métissées a dynamisé les ventes ». De son côté, In’Oya met à disposition de ses officines partenaires, un panel d’outils : stop-rayons par gamme de produits, présentoirs de caisse avec testeur de produits, flyers, échantillons, vitrophanies… « Nous proposons à l’équipe officinale une formation technique et commerciale lors du référencement de la marque. Cela permet de renseigner de manière plus efficace sur l’offre produits et de préciser les argumentaires de vente et les protocoles de soins à proposer lors de l’acte d’achat », précise Laila Mkimer.

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A côté, la plupart des marques investissent en communication : réseaux sociaux, partenariats blogs, presse ou événements B to C dédiés à la beauté multiethnique. Autant de supports pour fédérer, échanger, rassurer les consommatrices et drainer du flux en officine.

Formation

Un rayon à développer

Notre rôle est important et passe, pour commencer, par la sensibilisation des clientes sur la dangerosité des crèmes blanchissantes à base d’hydroquinone vendues encore par beaucoup de petits magasins, fait remarquer Cédric Charron, titulaire de la Pharmacie du Progrès (Paris 18e). Suite à l’utilisation de ces produits non adaptés, il nous est apparu évident de devoir nous spécialiser dans ce domaine afin de proposer des produits sûrs et de qualité. Face aux multiples demandes de soins spéciaux pour peaux mates, et aux nombreux problèmes rencontrés, comme les taches pigmentaires, ce marché a plus que jamais sa place en pharmacie. Toute l’équipe se forme dans le but de répondre au mieux aux problématiques rencontrées par cette patientèle ».

BUDGET

Les femmes africaines dépensent, en moyenne, près de 1 000 € par an en produits de beauté, contre 250 € pour les femmes caucasiennes (Agence A-KA).

MARCHÉ

Le secteur des produits cosmétiques dédiés aux peaux noires, mates et métissées, concerne environ 12 millions de consommatrices, soit 18 % de la population française (Agence A-KA).