Compléments alimentaires A la diète
Changement de cap. L’année 2008 marque une cassure dans l’évolution des ventes, jusque-là positive, de compléments alimentaires. La minceur perd du poids alors que les promesses santé et les laboratoires pharmaceutiques prennent du galon. L’heure de la restructuration du marché a sonné.
Tout sourire depuis ses débuts, le marché des compléments alimentaires en pharmacie fait désormais grise mine. Certes, le CA reste conséquent avec près de 630 millions d’euros. Mais le bilan est pour la première fois négatif : – 1,1 % en volume et – 1,9 % en valeur (cumul annuel mobile à novembre 2008, source fabricant). La faute à la concurrence ? Pas vraiment. La parapharmacie – dont les ventes atteignent 13 % du marché officinal en valeur – affiche un – 2,9 % en volume et un – 4 % en valeur. La GMS, elle, stabilise ses ventes tant bien que mal.
« Les produits ont été décriés par les médias, regrette Géraldine Decaux, directrice marketing chez OEnobiol. On constate un retour au manger sain et bio, exempt de toute supplémentation. » Laurent Martineau, directeur marketing chez Arkopharma, est également très lucide : « Le choix est devenu si pléthorique qu’il a remis en question la crédibilité de l’offre. » Si on y rajoute la baisse du pouvoir d’achat… « Les données mensuelles le confirment. Les ventes ont souffert en octobre et novembre derniers », confie Philippe Barillon, directeur commercial chez Phythéa. Le laboratoire poursuit plus que jamais ses opérations « 2 boîtes vendues, 1 boîte offerte » dont le succès ne se tarit pas (400 000 produits ont été envoyés gratuitement en 2008). Reste que les compléments alimentaires affichent un prix moyen de 14,21 euros la boîte.
La minceur principale victime de l’« effet récession »
L’écrémage subi (- 9,5 % du CA) par le premier segment des compléments alimentaires, la minceur, tire la globalité du marché vers le bas. Les fabricants de produits « spécial silhouette » cherchent aujourd’hui la recette pour redonner du gonflant aux ventes. Mais l’effet nouveauté ne fait plus mouche à lui seul. La preuve : les 3 premiers produits du marché en 2008 (para + pharma) sont des « piliers » de la minceur. A savoir, par ordre décroissant : Ménophytea Ventre plat, Ménophytea Rétention d’eau et Minceur 24. Quant à 4.3.2.1 Minceur, il reste la première marque du segment et maintient sa première place dans la catégorie des formes liquides… dont les ventes coulent (- 20 %).
Les lancements réussis en 2008 ? Satiété, qui a rapporté aux 3 Chênes 1 million d’euros, 4.3.2.1 Minceur Ultimate, avec 180 000 unités, et surtout OEnobiol Diet et Femme 45+. Du coup, OEnobiol progresse de 42, 4 % en volume sur la minceur, à contre-courant. L’offre OEnobiol Diet, couplé au programme nutritionnel sur Internet, a si bien trouvé son public que cette année la majorité des références minceur offrent à leur tour le code d’accès au site. « Cette double approche va dans le sens de la crédibilité et a fait preuve de son efficacité », explique Géraldine Decaux. L’heure est à la prise en charge globale et à l’accompagnement. Cette année, 4.3.2.1 Starter Minceur est vendu avec un DVD de coaching comarketé avec le magazine Femme actuelle. Il suffit de se promener sur les portails Internet des marques comme Physcience ou Milical pour s’apercevoir qu’elles ne sont pas avares en informations diététiques.
Les laboratoires prennent du poids
« Aujourd’hui, le coup médiatique de la formule miracle ne marche plus ! », constate Jean-Noël Négroni, responsable marketing des 3 Chênes. Pas de doute pour Amine Achite, directeur général des laboratoires EA-Pharma : « Les femmes sont de plus en plus pragmatiques et se tournent aujourd’hui vers des produits qui tiennent leurs promesses. Si notre référence Granions de Chrome a vu ses ventes grimper l’année dernière, ce n’est pas un hasard. Nous sommes passés d’une minceur cosmétique à une minceur santé. » C’est dans cette logique que s’inscrit la nouvelle référence Granions Programme Minceur Durable. Plus de sérieux, voilà ce que demandent les consommateurs. « Cette exigence de qualité est bénéfique aux produits techniques et à connotation médicale », observe Philippe Barillon.
Si les ténors de la minceur (Phythéa, Omega Pharma et Physcience) piquent sérieusement du nez, les laboratoires pharmaceutiques relèvent tout à coup la tête. Le chiffre d’affaires de Merck fait un bond de 20 % (cumul annuel mobile à octobre 2008, source fabricant) ! Merci Bion 3 ! Tout va pour le mieux également pour Bayer (+ 20 %), pour Urgo Soins et Santé (+ 15 %) et pour Théa (+ 9,85 %). Mais la plus belle progression du marché est signée EA-Pharma (+ 39,81 %). Comme quoi l’image d’une minceur active et sportive véhiculée par la gamme Eafit et le soutien des Granions en visite médicale ont porté leurs fruits.
La conjoncture n’est pas délétère pour tout le monde ! Ainsi, OEnobiol fait une belle remontée (+ 6 % en valeur) et siège à la deuxième marche du podium, derrière Arkopharma qui garde son avance malgré une année morose (- 6,9 %). « Les consommatrices nous font confiance parce que depuis toujours nos produits sont mis sur le marché avec des résultats validés par des études cliniques contre placebo en double aveugle », avance Géraldine Decaux.
Le succès d’OEnobiol Solaire parle de lui-même. La première référence du laboratoire – qui fête ses 20 ans – compte 5 études à son actif.
Stop au bla-bla, place au sérieux !
Finis les lancements tous azimuts pour faire du chiffre. Aujourd’hui, les fabricants préfèrent améliorer des formules existantes et/ou leur apporter des preuves d’efficacité. D’une part, parce qu’il devient de plus en plus difficile d’innover, d’autre part, parce que la législation européenne ne leur laisse pas le choix (voir ci-dessus). Dans ce contexte, XLS-Duo, le leader des « brûleurs de graisses », revient cette année avec une « efficacité renforcée » (XL-S Duo+). Chez Arkopharma, tous les Arkofluides (ex-Phytofluides) sont passés des jus de plantes aux extraits titrés. Quant au laboratoire Léro, il vient de publier une étude dont les résultats confirment l’effet de Léro DNV sur le stress des souris. Et Phythéa se met aux normes pharmaceutiques de production.
Le positionnement « premium » redonnera-t-il du pep au marché ? Une chose est sûre, il est indispensable aux « petits laboratoires » pour perdurer. Ainsi, le laboratoire Isocell, présent depuis 2004 avec l’antioxydant Glisodine, a pris ses marques sans bruit et gagne en visibilité avec deux nouvelles références (Hydratant et Detox). Pas de secrets pour François Vix, son P-DG : « Notre ancrage scientifique porte ses fruits , même au-delà de l’Hexagone. Et ce grâce à notre actif qui bénéficie de 6 brevets internationaux et de 20 études ! ».
Les consommateurs ont faim de santé
Cependant, en temps de crise « les clients se recentrent vers des offres qui répondent à un réel besoin de santé », constate Laurent Martineau. Les chiffres ne le démentent pas. Ainsi le marché des compléments santé prend le pas sur la beauté (55 % de part de marché en valeur contre 45 %, para + pharma) et montre même une légère progression de 2,7 % en valeur. Une progression boostée par la croissance du segment des défenses immunitaires (+ 35,1%) et par le succès de Bion3. Prévenir pour mieux guérir… Ainsi la sphère génito-urinaire poursuit son ascension (+ 21,2 %). Mais ce segment est de plus en plus encombré et la différenciation entre les produits reste limitée.
Tout se joue autour de la canneberge. Dernier arrivé, Médiflor tente l’originalité en y associant de l’hibiscus et du pissenlit dans Acygil. Conséquence directe du déremboursement des veinotoniques, le bond de 54,6 % alloué au segment circulation ne passe pas inaperçu… Epiphénomène ou réelle tendance de fond ? A suivre… Les complexes « antioxydants + oméga-3 », eux, font maintenant partie des habitudes de prescription en prévention de la DMLA. Le segment « ophtalmologie » (+ 12,6 %) atteint royalement la troisième marche du podium. Toujours médaille d’argent, les toniques ne déclarent pas forfait, même si leurs ventes s’infléchissent. « Ce segment très concurrentiel avec 781 marques présentes souffre d’un manque de clarté », note Laurent Martineau. Côté produits, Supradyn Intensia reste le grand gagnant. Côté laboratoires, c’est Arkopharma qui s’octroie la souveraineté des stimulants de tous poils (24 % de part de marché), devant Bayer, Merck, Ménarini et Urgo.
Autre constat : les produits de niche peuvent arriver à émerger. Exemples ? OEnobiol Regard arrive en seconde position de la cosmétique orale et Ménophytea Fringales, lancé en juillet 2008, détient en fin d’année plus de 50 % de part de marché sur les coupe-faim. En revanche, le pari est osé pour Fertimax (Dcmg Lab) qui s’aventure sur le terrain de la fertilité masculine… Et si, finalement, le marché des compléments alimentaires était arrivé à maturité ? « Au contraire il n’est pas assez organisé ! », estime Laurent Martineau. « Il y a encore beaucoup à faire ! Prenons l’exemple des produits detox : le segment existe à peine en France alors que c’est l’un des plus plébiscités aux Etats-Unis, lance Géraldine Decaux. Aux laboratoires d’éduquer les consommateurs en faveur du geste de prévention. » Et aux pharmaciens de bien étudier leur référencement (quitte à le restreindre) afin de légitimer leur offre et de valoriser son bien-fondé. Une fois pour toutes.
Top-5 des ventes
(Source fabricants, en cumul annuel mobile à novembre 2008, en valeur. Parapharmacie + pharmacie.)
1er Bion 3
2e Ménophytea Ventre plat
3e Phytalgic
4e Ménophytea Rétention d’eau
5e OEnobiol Solaire
LégislationLe grand nettoyage
Fini les fausses promesses et les allégations de santé exagérées ! Une liste communautaire d’allégations publiée par la Commission européenne est attendue en janvier 2010. Autrement dit, à chaque ingrédient correspondra telle ou telle allégation validée. Tous les fabricants français ont déjà remis leurs dossiers, études ou bibliographie à l’appui. « Cette nouvelle donne va complètement modifier le marché des compléments alimentaires : l’offre sera réduite et les promesses homogénéisées », prévoit Valérie Debray, directrice marketing chez Omega Pharma. Egalement, toute nouvelle allégation devra faire l’objet d’une autorisation préalable. Parions que le rythme des innovations va sérieusement ralentir…
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