Comment faire renaître la flamme du générique ?

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Publié le 21 novembre 2009
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Le générique s’essouffle dans une période où les pharmaciens ont le plus besoin de retrouver de la rentabilité. Sans un signal fort du gouvernement, la remobilisation de la profession sera difficile.

Malgré son fort potentiel et un nombre important de lancements, le marché du générique va boucler une année 2009 sur une croissance de 5 % à 6 %. 8 % au maximum si les ventes génériques du clopidogrel mettent le turbo. « C’est l’une des moins bonnes années du générique », a commenté Maurice Chagnaud, président de Teva France, lors du congrès du groupement Népenthès le week-end dernier à Marseille.

Le parcours du générique n’a été cette année qu’une succession d’obstacles : baisses des prix, des prescriptions et donc des volumes, lancements de plusieurs associations détrônant les spécialités de référence et accélérant l’érosion du Répertoire, effet déflationniste des grands conditionnements, extinction progressive de la substitution avec la menace de retrait des spécialités à base de dextropropoxyphène. Dans ces conditions, il est probable que l’objectif national de substitution ne sera pas atteint.

Quant à l’attitude des patients, « 50 % attendent encore d’être rassurés sur le générique, ce qui suppose de multiplier les efforts de pédagogie, de soutien et de formation auprès des équipes officinales », considère Frédéric Collet, président de Sandoz France. Le « tiers payant contre génériques » a aidé mais avec des aspects pervers à l’origine d’un durcissement des opposants à la substitution. D’où un retour en force du « NS » (« non substituable »).

Enfin, le récent contentieux sur Plavix démontre que les princeps ne sont pas prêts à renoncer à leurs pratiques antigénériques. Pour l’heure, 12 spécialités génériques du clopidogrel, dont l’autogénérique, peuvent être substituées à Plavix (voir Le Moniteur n° 2802 du 14.11.2009). A mi-novembre, le taux de substitution a déjà dépassé les 50 %.

Les prix seront alignés sur la présentation la moins chère

Cela étant, les prévisions de croissance pour 2010 reviennent à deux chiffres (+ 15 %), tirées par les lancements de la fin de 2009 et de l’année prochaine (380 MEuro(s) d’économies potentielles). Seul bémol, les génériques vont subir une nouvelle baisse de prix de 80 à 100 MEuro(s) au premier trimestre 2010. L’une des raisons : l’alignement au 1er mars prochain du prix d’un générique sur celui de sa présentation la moins chère lorsque plusieurs dosages coexistent, ce qui effacera du même coup une année de croissance pour les génériqueurs et entraînera une nouvelle perte de marge pour le pharmacien. Bertrand Brutzkus, directeur des « opérations ville » chez Mylan, déclenche l’alarme : « Trop de pression de l’Etat risque de gripper définitivement la machine du générique. »

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Côté PLFSS 2010, les sénateurs ont finalement supprimé en séance l’obligation pour les médecins de prescrire dans le Répertoire. Ils ont en revanche adopté la création d’un nouvel article du Code de la santé permettant à un générique de copier l’apparence et la texture du princeps. Roselyne Bachelot, plus nuancée, considère que cette dérogation au droit des marques relève plutôt d’une modification du Code de la propriété intellectuelle. La commission mixte paritaire devait sceller la version définitive du texte jeudi (après l’heure de « bouclage » du Moniteur…).

Pour limiter les prescriptions hors Répertoire, les CAPI (contrats d’objectifs individuels des médecins) devront donc suffire à la tâche. Toutefois, Maurice Chagnaud met en garde la profession contre tout changement de modèle qui ne ferait plus du pharmacien le pivot du développement du marché : « Si les logiciels des médecins gèrent complètement les informations de l’ordonnance, en précisant pour chaque DC prescrite la correspondance avec le nom d’un princeps, le rôle de substitution et la rémunération du pharmacien n’auront plus lieu d’être. »

Les CPAM surveillent de plus en plus près les retardataires

Le tassement de la substitution conduit les CPAM à relancer les pharmaciens dont la substitution est en dessous de la moyenne départementale. Parce que son taux n’est que de 73,5 % après 10 mois d’application de la mesure « tiers payant contre génériques » (contre 77,86 % dans le département), un pharmacien d’Ille-et-Vilaine a reçu une lettre recommandée l’invitant à lui fournir toute explication utile sur son résultat et lui rappelant poliment qu’en deçà de 75 %, il peut être passible de sanctions conventionnelles. « Sauf si son contexte de substitution est difficile, le pharmacien averti comble vite son retard », tempère Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO.

Autre exemple dans le Val-de-Marne, où le taux à atteindre est de 80 %. A fin juillet, la diffusion du générique y chutait à 69,43 %, alors que le taux de tiers payant restait stable à 99 % ! Dans ces conditions, la CPAM accepte encore moins que le pharmacien accorde la dispense d’avance des frais à un patient qui refuse la substitution. La CPAM-94 a adressé aux officinaux une fiche mémo rappelant les conditions d’application de la mention « NS » et la liste de 15 molécules à génériquer prioritairement. Mais il ne faut pas oublier que l’effort du pharmacien doit également se polariser sur les molécules anciennes insuffisamment substituées pour ne pas perdre deux fois, avant et après mise en place d’un TFR.

« La substitution doit rester une proposition, rappelle Gilles Bonnefond. Mais on ne peut pas laisser des confrères utiliser le « tiers payant contre génériques » à des fins commerciales personnelles. Les officinaux doivent se montrer exemplaires et solidaires par rapport aux objectifs de substitution. »

ce que vous en pensez

Obliger les médecins à prescrire dans le Répertoire

Paul Mériau, Clisson (Loire-Atlantique)

Je n’ai pas d’avis tranché sur la question, même si cette obligation peut donner un coup de pouce à la substitution du pharmacien. Le gouvernement arrive toujours à ses fins, il saura se montrer imaginatif pour finir par contraindre les médecins à prescrire dans le Répertoire, au besoin en leur infligeant des sanctions. Mais ne serait-ce pas faire perdre à la médecine son caractère libéral ?…

Jacques Ledoux, Vitry-en-Artois (Pas-de-Calais)

Nous pourrions ne plus être reconnus comme les principaux acteurs du développement du marché du générique et notre rémunération sur leur vente pourrait s’en trouver diminuée. Il y a peut-être mieux à faire. Par exemple, arrêter de donner des AMM aux pseudo-innovations pour se soustraire à la concurrence des génériques et faire respecter tous les engagements conventionnels pris antérieurement par les médecins sur la prescription générique ou en DC.

Anne-Marie Susplugas, Grabels (Hérault)

Je suis pour la paix des ménages. Après tout, ce n’est pas notre problème, même si plus de prescriptions dans le Répertoire, c’est plus d’opportunités offertes à la substitution du pharmacien. En approuvant une telle mesure, la profession pourrait se mettre à dos les médecins. Un tel principe porterait atteinte à la fois à leur liberté de prescription et au choix du patient. De plus, je ne suis pas convaincue qu’elle générerait valablement des économies.

Propos recueillis par François Pouzaud

Dernière minute – Raide PLFSS

L’examen du PLFSS 2010 s’est achevé au Sénat. A noter la confirmation par les sénateurs de contrôles des pharmaciens et laboratoires d’analyses par l’Assurance maladie, via une méthode d’échantillonnages, pour de gros volumes d’activité (voir Le Moniteur n° 2798). Les sénateurs ont aussi confirmé la possibilité pour les groupements de coopération sociaux et médico-sociaux de gérer une PUI pour plusieurs EHPAD à partir du 1er janvier 2011, sans attendre l’issue des expérimentations !… L’obligation pour les médecins de prescrire dans le Répertoire, votée par les députés, a, elle, été supprimée par les sénateurs (voir ci-contre).

L’ONDAM reste fixé à + 3 % (+ 2,8 % pour les soins de ville). Mais à l’heure de notre bouclage, la commission mixte paritaire députés-sénateurs n’avait pas encore statué sur un texte définitif (elle devait se réunir jeudi). Le vote solennel du PLFSS doit avoir lieu mercredi 25 et jeudi 26 novembre à l’Assemblée et au Sénat.