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Les missions vues d’ailleurs : de la loi 41 québécoise aux missioni italiane
Vaccination, prescription, accompagnement des maladies chroniques, repérage précoce, diagnostic simplifié ou encore suivi environnemental : dans plusieurs pays, les pharmaciens sont de plus en plus sollicités pour élargir leur champ d’action et assumer des missions jadis réservées aux médecins. Tour d’horizon d’initiatives étrangères encore peu ou pas implantées en France.
Qu’il s’agisse de répondre à la désertification médicale, d’alléger les tensions sur les urgences ou de renforcer la prévention, les systèmes de santé occidentaux s’efforcent de nos jours de redéfinir leurs équilibres. Cette évolution s’inscrit dans une dynamique de décloisonnement des soins primaires, encouragée par les autorités sanitaires pour garantir un accès rapide et efficace aux services de santé. Elle s’appuie aussi sur une reconnaissance accrue de l’expertise pharmaceutique en matière de sécurité médicamenteuse, d’éducation thérapeutique et de gestion du risque.
Grâce à des dispositifs très concrets, parfois soutenus par des lois récentes ou des conventions régionales, les pharmaciens deviennent de véritables sentinelles de proximité, capables de diagnostiquer certaines pathologies, d’ajuster les traitements ou d’assurer le repérage de signaux faibles dans la population. À travers les exemples du Canada, de la Suisse, de la Belgique et de l’Italie, une ligne directrice s’impose, celle d’une pharmacie mieux intégrée au parcours de soins, valorisée pour son rôle de proximité et sa capacité à désengorger le système médical. Face aux défis posés par le vieillissement de la population, les maladies chroniques et les inégalités d’accès, cette évolution n’apparaît pas comme une option mais comme une nécessité.
Belgique : le schéma de médication
En Belgique, les officinaux s’impliquent dans le risque lié à la polymédication, en particulier chez les personnes âgées. Cela s’inscrit dans leur mission de pharmacien de référence. Ce programme s’adresse aux patients dont au moins cinq médicaments remboursés ont été délivrés sur une période d’un an. L’un des outils les plus mobilisés est le schéma de médication. Ce document offre une visualisation actualisée de tous les médicaments, qu’ils soient prescrits ou non. Il est élaboré en lien avec le patient et permet d’assurer un suivi rigoureux du traitement, ainsi que d’éviter les associations médicamenteuses contre-indiquées et les redondances thérapeutiques.
« Le schéma de médication est dressé progressivement, au fur et à mesure des prescriptions, explique un pharmacien de la commune bruxelloise de Forest. Les patients perçoivent d’autant mieux son utilité qu’ils sont souvent amenés à prendre de nombreux médicaments. Cela leur permet d’avoir une vue d’ensemble. » Il souligne l’importance de cette démarche en lien avec la coordination des soins : « Il arrive que le médecin prescrive sans savoir exactement ce que la personne prend déjà. Le schéma de médication améliore la cohérence du suivi thérapeutique. » En pratique, le pharmacien passe en revue les traitements en cours avec le patient et les réévalue en identifiant ceux qui pourraient être interrompus, en lien avec le prescripteur. « On essaie de dresser le plus de détails possibles pour éventuellement retirer ce qui n’est plus nécessaire. »
Le schéma de médication sert d’aide-mémoire pour une bonne utilisation des médicaments. Il constitue un support à l’observance puisqu’il contient toutes les informations utiles sur les posologies, les durées, les moments de prise de chacun des médicaments et les conseils pour leur bon usage.
Suisse : l’IA au service du triage pharmaceutique
En matière de triage en officine, la Suisse a une longueur d’avance sur la France. Dans plusieurs centaines de pharmacies helvétiques, les pharmaciens ne posent pas de diagnostics au sens strict, mais ils peuvent, après une formation spécifique, réaliser des entretiens structurés encadrés par des arbres décisionnels pour prendre en charge certaines plaintes de santé bénignes. Ce protocole, souvent assisté par le Swiss Medical Assessment System (Smass) basé sur l’intelligence artificielle (IA), permet une standardisation des pratiques cliniques au comptoir sur les produits thérapeutiques. « Utilisé dans des pharmacies suisses, le Smass contribue à améliorer la sécurité décisionnelle, indique le Dr Andreas Meer, médecin et expert en systèmes de santé. Cet outil participe au renforcement du rôle du personnel pharmaceutique dans les soins de premier recours, à la réduction de la pression sur les services médicaux d’urgence et à une meilleure accessibilité aux soins, notamment en région périphérique ou en période de forte demande. »
En pratique, environ 40 à 50 % des pharmacies communautaires disposent d’un accès au Smass ou à un outil équivalent. Ces “entretiens-conseils” permettent, par exemple, la prise en charge de symptômes associés à des pathologies fréquentes comme l’infection urinaire basse, les troubles érectiles, la conjonctivite ou certaines dermatoses. Le tout est encadré par des algorithmes de triage conçus par des cliniciens et requiert une accréditation et une formation continue. En cas de « drapeaux rouges », les patients sont orientés vers la consultation médicale ou les urgences. « Ce modèle facilite l’accès rapide à des soins de premier recours, sans rendez-vous, tout en valorisant les compétences cliniques des pharmaciens. Les patients apprécient cette approche directe. Chez nous, seulement 5 % d’entre eux ont dû consulter un médecin après un entretien-conseil », affirme Ralitza Gauthier, pharmacienne responsable dans une officine ouverte 24 h/24 à Genève.
Ce système, qui n’est pas encore pris en charge par l’assurance obligatoire, reste financé directement par les patients ou par des assurances complémentaires. Il illustre pourtant une volonté claire de reconnaître l’officine comme un acteur de santé publique de proximité.
Québec : des pharmaciens autonomes
L’évolution du cadre légal au Québec a profondément transformé les missions confiées aux pharmaciens d’officine, leur offrant une autonomie importante. Ils disposent d’un champ d’action élargi qui va bien au-delà de la dispensation de médicaments. L’objectif est de désengorger le système de santé tout en renforçant la continuité et la qualité des soins de premier recours. Grâce à une série de réformes encadrées par la loi 41, entrée en vigueur progressivement depuis 2015, les pharmaciens québécois peuvent prescrire directement des médicaments pour des affections courantes telles que les infections urinaires, la conjonctivite ou encore l’herpès. Une avancée majeure saluée par Amel, pharmacienne installée à Montréal : « Cette loi nous aide beaucoup et cela réduit considérablement le nombre de consultations médicales. »
À cette attribution de prescription s’ajoutent la prolongation et l’ajustement d’ordonnances, y compris en cas de traitements chroniques. Ce qui permet d’éviter toute interruption thérapeutique. Les pharmaciens sont aussi autorisés à prescrire et à administrer des vaccins, à interpréter certains résultats de laboratoires, voire à substituer un médicament en cas de rupture de stock, sans attendre l’aval d’un médecin. « Il y a un accès aux soins facilité, avec moins de délais, et une meilleure gestion des maladies chroniques avec un suivi rapproché, explique Amel. Le seul hic que j’y vois, c’est que tout le monde n’est pas au courant des missions que peuvent faire les pharmaciens. » Le Québec illustre ainsi un exemple de décentralisation pragmatique et efficiente des soins, où le pharmacien devient un acteur clé de la chaîne thérapeutique, sans jamais se substituer au médecin.
Italie : des dépistages de proximité
Dans la péninsule italienne, procéder au dépistage d’une allergie ou obtenir une analyse sanguine rapide ne nécessite plus forcément de passer par un laboratoire d’analyse biologique. De nombreuses officines sont équipées de dispositifs de prélèvement capillaire, couplés à des automates d’analyse, qui permettent d’obtenir des résultats immédiats sur des paramètres simples tels que glycémie, cholestérol, triglycérides ou encore certains marqueurs d’allergie. Ces services, accessibles sans rendez-vous, s’intègrent pleinement dans la stratégie de santé publique italienne qui positionne les pharmacies comme points d’accès de premier recours.
Au-delà du simple acte technique, cette capacité offre aux pharmaciens un rôle accru dans le suivi préventif et le repérage précoce de pathologies. La généralisation de ces dispositifs en Italie montre qu’un dépistage de proximité, fiable et encadré, est possible en officine. L’enjeu est d’autant plus crucial que les affections chroniques sont en constante progression et que l’accès aux soins primaires demeure inégal selon les territoires. Le modèle transalpin invite ainsi à repenser la frontière entre pharmacie et biologie médicale, au bénéfice d’un repérage précoce plus accessible.
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