Le médicament au coeur de l’enseignement

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Publié le 18 mai 2002
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Au sein de l’université Louis-Pasteur, la faculté de pharmacie défend un juste équilibre entre enseignement et recherche. Elle parie sur l’ouverture et le rapprochement avec tous les professionnels du médicament, élément central des formations.

Strasbourg joue « la petite dans le groupe des grandes », aime à dire la doyenne Christiane Heitz (photo ci-contre), actuellement dans sa troisième année de mandature. Une « petite fac » qui a quadruplé de taille en 1979, année où l’unité de formation et de recherche des sciences pharmaceutiques quitte le campus du centre-ville pour s’installer à Illkirch-Graffenstaden, quelques kilomètres au sud. Dans 16 000 m2 (4 000 auparavant), une petite communauté se développe. Très vite poussent à ses côtés école supérieure de biotechnologie, laboratoires de recherche et entreprises liées aux biotechnologies et au médicament (Transgène, école supérieure de biotechnologie, laboratoires de l’université et du CNRS consacrés à la génomique, etc.).

Meilleure faculté de France en 1999

En 1999, Pharma Strasbourg est classée meilleure faculté de France par le Comité national d’évaluation qui liste ses points forts : « Un corps enseignant dynamique […] capable d’autocritique lucide et d’innovation, une communauté scientifique de chercheurs dans des domaines d’excellence […], une bonne ouverture vers les scientifiques, vers les laboratoires industriels, et des collaborations européennes actives. Une très bonne organisation au sein de l’UFR […] dans une université qui sait définir des priorités scientifiques et des règles. » C’est la consécration.

Depuis, la faculté continue de cultiver ses nombreux atouts, la recherche demeurant le pilier fondamental sur lequel tout l’édifice s’appuie. « Le nombre d’étudiants par filière ne dépend pas d’un choix politique mais reste totalement corrélé aux choix des étudiants, souligne la doyenne. Reste que la faculté s’est engagée dans l’enseignement de 3e cycle par les DESS, avec une réorientation plus professionnalisée du premier DESS créé dans la faculté, appelé longtemps « Pharmacie industrielle » et classé comme généraliste avec un nouvel intitulé : DESS « Analyse, enregistrement et production industrielle du médicament « . » De même, la faculté a fait évoluer son DESS « Microbiologie » vers un DESS « Contrôle de qualité des produits de santé et des aliments ». Elle a créé en septembre dernier un DESS de bio-informatique (en partenariat avec l’école de biotechnologie et la faculté des sciences de la vie) et un DESS « Recherche-développement en formation continue » (2002-2003).

La volonté marquée de professionnaliser les filières s’exprime aussi à travers des interventions de plus en plus importantes en formation de professionnels (environ 20 % de l’enseignement) et le recrutement d’un PAST (50 % professeur à la fac de pharmacie et 50 % pharmacien responsable dans une industrie pharmaceutique).

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Ici la réforme des études ne fait pas peur, d’autant que bien des éléments en projet sont déjà en vigueur comme les enseignements coordonnés ou la formation par la recherche. « On suggère également une immersion dans le monde du travail, note la doyenne. Il existe un stage de six mois pour la filière recherche et industrie en 5e année, et le choix en 6e année entre un séjour à l’étranger ou une nouvelle immersion dans le monde du travail. Quant aux passerelles, en 6e année par exemple, un étudiant qui souhaite entrer dans une école de commerce, d’ingénieur ou faire un DESS, s’il est admis dans cette formation, a son équivalence de 6e année. Et il faut noter que ces étudiants reviennent passer leur thèse ici. Cela représente bien un quart de la promo (25 étudiants). L’an dernier des étudiants de notre faculté ont ainsi intégré ESSEC et HEC. » De même, il existe des passerelles pour les écoles d’ingénieurs. Par ailleurs, des liens se renforcent entre Pharma Strasbourg et l’ENSIC à Nancy car eux aussi ont une convention avec la fac de pharmacie de Nancy. Quelques étudiants de la filière officine complètent aussi leur formation avec l’IAE (Institut d’administration des entreprises) ou une autre formation pour dirigeant d’entreprise. Cela leur permet d’acquérir l’indispensable bagage nécessaire en gestion, droit social et du travail.

Quant à la réforme du premier cycle de santé, Christiane Heitz s’appuie sur une enquête régionale (voir ci-dessous) pour relativiser « le gâchis actuel en fin de première année ».

Plusieurs associations ont pris place dans l’université aux côtés de l’AAEPS, la plus vieille corpo de France issue d’H2S créée en 1893. « Le Cephi (Comité des étudiants en pharmacie industrielle) a été créé à l’initiative d’« un groupe de la filière industrie pour rapprocher étudiants et professionnels, raconte son président Florian Brutel. Très vite cela s’est élargi à toutes les filières. Son plus gros chantier est le Forum des métiers du médicament, avec des pros qui abordent différents thèmes, des gens connus et des jeunes anciens . »

Le Cephi édite aussi l’annuaire des anciens vendu à des chercheurs de têtes.

Quant à l’association « Le Comprimé », elle organise une conférence annuelle sur un sujet professionnel (l’an dernier les groupements) et édite une revue. « On voulait développer les échanges entre les différentes composantes de la faculté », explique son président Stéphane Dodin. Distribué dans les officines « pour instaurer le dialogue avec les futurs collègues », Le Comprimé accorde une large place à l’humour mais sait être très sérieux, avec par exemple une enquête pour évaluer avec les étudiants de 1re année leur stage. Dialogue, ouverture, esprit d’entreprise : Pharma Strasbourg fait preuve d’une belle maturité pour une petite grande dame.

En pratique

La faculté de pharmacie de Strasbourg compte 1 290 inscrits : option industrie (30 étudiants), option recherche (7), option officine (37) et internat (16).

On y dénombre 40 chercheurs statutaires, environ 150 non statutaires et 79 enseignants-chercheurs. Elle abrite trois UMR CNRS (pharmacochimie de la communication cellulaire ; chimie-biologie ; pharmacologie et physicochimie des interactions cellulaires et moléculaires), deux unités INSERM (U392 inflammation et U425 neuro-immunopharmacologie), un laboratoire labélisé « ministère de la Recherche » sur les maladies neuromusculaires. Elle héberge deux start-up : Neuro 3D et Poly Plus Transfection.

Réorientations réussies

En janvier 2001, le centre d’étude sur les qualifications, bureau d’économie théorique appliquée de l’université Louis-Pasteur publie les résultats d’une enquête sur le devenir des étudiants de première année.

Sur 1 118 inscrits en première année de pharmacie entre 1994-95 et 1996-97, 412 ne se sont pas réinscrits, dont 360 étudiants français, retenus pour l’étude à laquelle 59 % ont répondu. Après deux ans, 64 % avaient obtenu un diplôme et 32 % avaient validé des étapes intermédiaires menant à un diplôme paramédical, un diplôme de niveau bac + 2 ou un autre diplôme. Dans la troisième année qui suit leur sortie de pharma, huit sur dix étaient toujours en études. « Loin d’être en échec après pharmacie, ces étudiants ont poursuivi des études. La plupart d’entre eux se sont orientés vers des disciplines très proches de leur choix initial : chimie, biologie, préparateur en pharmacie, professionnels de santé », conclut cette étude.