Vide juridique autour des masques : que risque le pharmacien qui en vend ?

© coronavirus, covid-19, masques médicaux, masques en tissu, masques alternatifs, stock de l’Etat, distribution - Pixabay

Vide juridique autour des masques : que risque le pharmacien qui en vend ?

Réservé aux abonnés
Publié le 17 avril 2020
Par Anne-Charlotte Navarro
Mettre en favori

Depuis plusieurs jours, les syndicats et l’Ordre des pharmaciens réclament au ministère de la Santé des précisions sur les ventes de masques chirurgicaux au grand public. Olivier Véran devrait donner une réponse « dans 15 jours ». En attendant, que risque le pharmacien qui vend des masques ? Eléments juridiques de réponse. 

Le pharmacien peut-il commander des masques ?

L’article 12 du décret du 23 mars 2020 organise les nouvelles modalités de réquisition. Les stocks de masques de protection respiratoire de types FFP2, FFP3, N95, N99, N100, P95, P99, P100, R95, R99, R100 ou de masques antiprojection respectant la norme EN 14683 déjà présents sur le territoire national à la date du décret ou produits sur le territoire sont réquisitionnés par l’Etat qui les destine aux personnels soignants. 

Le texte ajoute que « des stocks de masques importés peuvent toutefois donner lieu à réquisition totale ou partielle, par arrêté du ministre chargé de la santé, au-delà d’un seuil de cinq millions d’unités par trimestre par personne morale. Le silence gardé par ce ministre plus de soixante douze heures après réception d’une demande d’importation adressée par cette personne ou l’importateur fait obstacle à la réquisition. »

Publicité

Ainsi, depuis le 24 mars, une pharmacie peut commander des masques à l’importation. Si elle en commande 5 millions ou plus, une information du ministère de la Santé doit être réalisée. Le ministère a ensuite 72 heures pour réquisitionner la commande. A défaut de réponse, la commande peut être livrée. Si le pharmacien commande moins de 5 millions de masques, aucune information n’est nécessaire. 

Le pharmacien peut-il vendre des masques médicaux ?

Les textes n’interdisent pas à la vente les masques commandés à l’importation. Toutefois la commercialisation à l’officine ne peut se faire qu’à condition que les masques puissent rentrer dans une des catégories de l’arrêté du 15 février 2002 listant les marchandises commercialisables. Cette lecture stricte des textes est d’ailleurs confirmée par les consultations d’avocats réalisées pour les syndicats de groupements Fédergy et l’UDGPO. En revanche, les masques obtenus des stocks d’Etat ne sont pas commercialisables et doivent faire l’objet d’une gestion à part des stocks de l’officine. 

Donc à l’heure actuelle, d’un strict point de vue juridique, la vente de masques importés destinés à la population est autorisée. Toutefois, cette vente pourrait paraître inopportune face à la pénurie de matériel que connaissent actuellement les services hospitaliers et les professionnels de santé libéraux. 

Quid des masques en tissu ?

Ici, le problème est différent (voir notre enquête du 14 avril) : le gouvernement ne s’est toujours pas prononcé sur le statut de ces masques. Aujourd’hui, les pharmaciens ne savent toujours pas si les masques alternatifs sont des produits de santé, ou non. Dans l’attente d’une décision, la vente n’est pas autorisée. Elle exposerait le pharmacien à des sanctions disciplinaires pouvant aller du blâme à l’interdiction d’exercer, voire à un recours devant les juridictions civiles en cas de dommage subi par un patient.