Stop aux ruptures de stock !
« Je ne dispose plus de ce produit, pouvez-vous repasser demain ? » Une fois, ça va, plusieurs fois, bonjour les mécontentements de vos clients ! Les ruptures de stock peuvent nuire à votre image et votre chiffre d’affaires. Organisez-vous de façon à les limiter.
Le temps où vous pouviez faire revenir deux fois un client pour un promis est révolu, avertit Philippe Lebas, directeur de l’agence pédagogique Evok. Quand je vois des pharmacies qui appauvrissent leurs stocks de médicaments pour des questions de trésorerie et arrivent à 10 ou 15 % de manquants, je me dis que cette stratégie est particulièrement dangereuse et qu’à partir de 5 % d’ordonnances insatisfaites, il faut sérieusement songer à optimiser la gestion de son stock. » Première étape, selon Philippe Lebas : responsabiliser un ou plusieurs collaborateurs. « Dans les pharmacies qui réalisent plus d’1,5 million d’euros de C, il faut nommer un responsable de la qualité du stock, qui peut être un adjoint ou un préparateur, l’essentiel étant que la personne désignée aime l’organisation, les chiffres et maîtrise bien le logiciel informatique. » Cette délégation, Alain Delgutte, titulaire à Nevers, sans la Nièvre, l’a mise en place. Deux rayonnistes se sont vus confier la gestion des stocks, la responsabilité des achats ayant, elle, été attribuée à deux adjoints. L’un d’entre eux, Gildas Bernier, témoigne : « De cette façon, nous avons une bonne visibilité sur les stocks, et sans que cela soit trop chronophage puisque en ce qui me concerne je ne consacre que 35 % de mon temps à la gestion des achats. »
Analyser la rupture
Une fois les responsabilités affectées, il faut partir à la chasse aux manquants. « Pour les médicaments prescrits, on peut sortir la liste des promis toutes les deux semaines au début, puis tous les mois, en vitesse de croisière, assure Marie-Hélène Gauthey, directrice associée d’Atoopharm, organisme de formation spécialisé dans l’accompagnement des équipes officinales. Pour la médication familiale et la parapharmacie, il faudrait idéalement noter sur un cahier les demandes spécifiques afin d’identifier les références à éventuellement stocker. »
Les manquants identifiés, reste à comprendre les causes. Il peut tout d’abord s’agir de ruptures liées à un manque du fabricant. Un phénomène qui ne cesse de s’accentuer et qui se révèle imparable ou presque (voir encadré p. 31). Mais la rupture peut aussi être provoquée par des problèmes d’organisation. « Parmi les causes les plus fréquentes, on retrouve des produits non référencés, des erreurs dans le stock informatique, des problèmes liés aux démarques sur la parapharmacie. Il peut s’agir d’un produit cher ou sorti de la réserve hospitalière pour lequel le stock est insuffisant…, énumère Marie-Hélène Gauthey. On peut aussi avoir affaire à des médicaments qui bénéficient d’une promotion par le visiteur médical. Lorsqu’il passe chez le médecin, cinq prescriptions suivent dans la journée ! »
Cerner la cause, c’est bien. Engager des actions correctives, c’est mieux. « Quand un stock est faux, il faut rapidement corriger l’erreur, rappelle Marie-Hélène Gauthey. S’il s’agit d’un produit pour lequel est enregistrée une forte augmentation des prescriptions après le passage d’un visiteur médical, il faut relever le stock minimum – mais pas trop – et ; surtout ; augmenter les rotations afin de ne pas se retrouver avec un stock d’invendus si la source des prescriptions se tarit. »
Ajuster les stocks
« La première chose à faire pour anticiper les ruptures, c’est de calculer le taux de rotation des stocks sur le vigneté, la médication familiale et la parapharmacie, conseille Philippe Lebas. Il faut ensuite fixer pour chaque produit un stock minimal et un stock de sécurité, qui se calcule selon un ratio assez simple : « stock initial début de mois + stock final fin de mois, le tout divisé par 2 ». Il ne reste plus alors qu’à placer dans le logiciel informatique des alertes sur ces niveaux lorsqu’ils sont atteints. » C’est cette approche qu’a retenue Gildas Bernier dans sa pharmacie. « Sur les médicaments comme sur la parapharmacie, nous avons instauré des alertes sur le stock minimal. Ce qui déclenche automatiquement une commande ou une proposition de commande afin de reconstituer le stock maximum. » Mais l’automatisation s’arrête là, car les commandes s’effectuent lors du passage du commercial. « En fonction de l’historique du stock et des propositions de réassorts formulées par le logiciel, c’est moi qui détermine le stock maximal à reconstituer. » En parallèle, il faut aussi surveiller en permanence son stock physique. « Pour éviter les ruptures, mais aussi les erreurs d’inventaire, nous faisons régulièrement des inventaires tournants afin de vérifier que les quantités physiques et informatiques sont bien les mêmes, souligne Gildas Bernier. Nous effectuons aussi des contrôles sur les dates de péremption, ce qui n’est pas pris en compte par notre logiciel. » Or, un produit périmé correspond à un manquant…
Rendre le patient acteur
Marie-Hélène Gauthey conseille enfin de compléter le plan anti-rupture par des actions toutes simples en direction des patients. « Lorsqu’un malade cancéreux démarre un traitement, qui coûte en général très cher, on ne sait pas s’il va le supporter. Dans ce cas, il suffit à l’équipe de lui indiquer lors de la première délivrance qu’un collaborateur de la pharmacie l’appellera dix jours avant le renouvellement de son ordonnance pour faire le point sur son traitement et voir s’il faut recommander les produits ou pas. » Une stratégie qui peut aussi s’appliquer à l’OTC et à la parapharmacie quand par exemple une cliente veut absolument un gel douche d’une marque qui n’est pas référencée dans l’officine. « Lorsque quelqu’un est fortement attaché à une marque, vous pouvez aussi mobiliser le talent commercial de l’équipe pour lui conseiller un produit d’une autre marque tout aussi efficace… », suggère Marie-Hélène Gauthey. Grâce à l’organisation qu’elle a mise en place, la Pharmacie Delgutte est parvenue à faire baisser son taux de produits manquants à 2,5 %. « Et quand on sait qu’un quart des manquants sont le fait de manques fabricant, le reste étant lié à des préparations spécifiques ou à des produits non référencés, je crois que nous sommes arrivés à un mode de fonctionnement qui satisfait les clients, sans nuire la trésorerie de l’officine », conclut Gildas Bernier.
manques fabricantLe DP à la rescousse
Les manquants liés aux fabricants restent un fléau contre lequel il n’existe pas encore de vraie solution. Le plus efficace est d’appeler les médecins pour leur demander de changer leurs prescriptions, lorsque cela est possible. Vivement que le décret du 28 septembre 2012, censé prévenir ces ruptures d’approvisionnement, produise ses effets ! Dans ce contexte, le DP va se montrer d’une grande aide. Grâce à lui, les pharmaciens pourront signaler les manquants en temps réel aux industriels mais aussi à l’ANSM et aux ARS pour que chacun puisse être informé et réagir au plus vite (produire plus, autoriser les switchs…). Une phase pilote incluant 200 officines débute ce mois-ci.
Y.R. et M.L.
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