Récompenser ses meilleurs

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Publié le 30 septembre 2015
Par Peggy Cardin-Changizi
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Dans un environnement concurrentiel, les commerces – y compris la pharmacie – sont soumis aux impératifs de séduction des « bons » clients. Aujourd’hui, le cadeau de fin d’année laisse la place à des programmes relationnels sur mesure.

La question de la récompense du client en pharmacie est délicate. L’article R5125-28 interdit au pharmacien d’offrir des produits à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable.Hors aucun texte ne définit la valeur négligeable d’un cadeau ! Ca tombe bien, l’enjeu de la fidélisation de la clientèle hors ordonnances n’a jamais été aussi importanr. Une étude Generix Group-Institut Toluna (« Les marques et vous », février 2015) démontre que le client estime que son attachement se mérite. Et pour 42 % des sondés, leur attachement doit être justifié par la propension de la marque (ou du commerce) à récompenser leur régularité. Encore faut-il savoir comment. Le traditionnel cadeau de fin d’année aux « bons clients » a le mérite de faire plaisir, mais uniquement si le présent est bien choisi. Le retour sur investissement peut donc vite être décevant. Ce geste commercial est aujourd’hui supplanté par les programmes issus des nouvelles technologies…

DÉFINIR un objectif

Désormais, la gestion de la relation client (ou CRM pour Consumer Relationship Management) est au cœur du discours marketing des commerces. Les entreprises ont ainsi à leur disposition plusieurs catégories de prestataires à même de concevoir un programme relationnel sur mesure (promotions, concours, services…) pour créer du lien avec leurs clients. Interviennent dans ce domaine des agences de communication, des agences digitales, des sociétés informatiques… Si, pour un commerçant, il est important de se faire accompagner, il faut avant tout se poser les bonnes questions. « Un programme relationnel implique un investissement humain et financier, qui aura un impact sur toutes les activités de l’entreprise : les ventes, le point de vente, le site Internet…, explique Sylvain Bucalo, channel planning manager de l’agence de communication Extrême. Ainsi, l’amélioration de la relation client doit avant tout s’intégrer dans un projet global d’entreprise. Le fait de définir cet objectif va permettre aux équipes de se poser les bonnes questions (comment valoriser mes meilleurs clients ? augmenter leur panier moyen ? les faire venir plus souvent mes clients ?…). » La phase de réflexion est donc très importante.

CONNAÎTRE sa clientèle

Pour s’adresser de préférence à ceux qui consomment le plus de parapharmacie dans son point de vente, encore faut-il pouvoir les identifier. « Nous proposons aux commerçants de classer dans leur base de données les acheteurs en fonction de la récence (Ndrl date du dernier achat), de la fréquence d’achat et du montant dépensé, explique Philippe Passault, directeur général d’Aquitem, société spécialisée dans la gestion des programmes de fidélité pour les enseignes (dont les pharmacies). Il est possible de faire une segmentation pour identifier les meilleurs clients. » Ensuite, pour mettre en place une action de récompense, Aquitem développe deux formules : une « full-service », qui sera totalement pilotée par un chargé de clientèle, et une « self-service ». « Cette seconde option s’adresse à des gens plus technophiles, comme ces nouvelles générations de pharmaciens qui vont faire attention à la gestion de leur stock, leur communication… » Grâce aux outils numériques qui permettent d’affiner la connaissance des clients, on peut personnaliser davantage les récompenses : offrir les frais d’envoi à la maman qui a l’habitude de commander via le site e-commerce, effectuer une réduction sur le rayon médecines naturelles à l’adepte d’aromathérapie, proposer une prestation de conseil prénatal à la femme enceinte…

DÉVELOPPER le multicanal

Bien que non autorisée en pharmacie, la carte de fidélité – osons le dire – se rencontre toujours. Mais elle laisse la place à des initiatives numériques. Des groupements de pharmaciens, notamment, ont lancé des programmes de fidélité en ligne qui assurent un cumul de points selon les achats du rayon parapharmacie. Ces points donnent ensuite droit à des bons d’achat ou de réduction. L’inscription de la personne pouvant se faire en ligne. « Aujourd’hui, le digital (Internet et mobile) est un vecteur clé en termes de canaux d’information des dotations », poursuit Sylvain Bucalo. Après un achat, le commerçant peut envoyer un simple « merci » ou des informations pratiques via une newsletter ou un SMS. « L’important, c’est de garder le lien avec le client avec un support à valeur ajoutée », précise le spécialiste d’Extrême.

DIVERSIFIER les offres

Les récompenses attendues sont multiples et diverses. Parmi les gratifications souhaitées, les bons de réduction. « La contrepartie monétaire donne de la liberté au client, il achète ce qu’il veut et quand il veut, souligne Philippe Passault. Le cadeau, lui, il ne peut être que ponctuel (anniversaire…), souvent en collaboration avec un labo. » Et inclus dans un programme relationnel complet. Mais il existe aussi d’autres types de récompenses, moins coûteuses et plus enrichissantes pour la relation avec le client. Bon à savoir : 47 % des Français souhaitent être récompensés par des invitations à des événements exclusifs, 46 % par des preuves d’attention aux dates qui comptent pour eux (étude Generix/Toluna). « Il ne faut pas négliger les récompenses émotionnelles, insiste Sylvain Bucalo, comme les cours de cuisine en ligne, les cours de yoga ou de fitness. Elles vont renforcer le lien affectif entre le commerçant et le consommateur et augmenter la « valeur perçue » du cadeau. »

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En officine, la gratification peut passer par la découverte d’un produit en avant-première ou encore par des ateliers exclusifs réservés aux clients VIP…

93 % des Français estiment être insuffisamment récompensés pour leur fidélité (selon une étude Generix Group-institut Toluna de février 2015).

POUR ALLER + LOIN

→ Le baromètre de la fidélité. Publié tous les ans par l’Observatoire de la fidélité et issu d’une enquête réalisée par les enseignants et étudiants du master 2 marketing de l’IAE de Bordeaux, ce baromètre révèle les comportements et attentes des consommateurs face aux programmes fidélité : nombre de cartes possédées, différences hommes/femmes, jugement des programmes dématérialisés…

À NOTER

Le consommateur souhaite bien plus bénéficier d’une relation privilégiée avec ses commerces favoris que de recevoir des bons de réduction ou des e-mailings d’attention aux dates anniversaire (étude Generix/Toluna).

Ailleurs

L’exemple la pharmacie québécoise

La plupart des grandes chaînes de pharmacies québécoises ont mis en place un programme de récompense pour leurs clients. Dans le réseau Jean Coutu, la carte Air Miles crédite 1 mille pour chaque tranche d’achat de 15 $C. De plus, chaque semaine des « produits spéciaux » permettent de doubler voire tripler les milles. La carte Optimum de Pharmaprix offre, elle, des rabais instantanés ou permet d’économiser un certain montant pour acheter plus tard. Enfin, Uniprix propose une carte à points (Aeroplan). Les milles sont ensuite échangeables contre des voyages, des cosmétiques, des produits électroniques… Pour un flacon de parfum de marque, il faut environ 10 000 milles ! Si tout cela n’est pas transposable en France, cela montre que toute enseigne de pharmacie, quel que soit son positionnement, a intérêt à adopter une politique de fidélisation.