Marketing : Les femmes d’ abord
Alors que les discours sur la parité fusent de toutes parts, le monde de la pub semble, pour une fois, hermétique au mouvement. Le constat est simple, le discours marketing a un sexe. Pas question de s’adresser aux femmes comme on s’adresse aux hommes. Eric Guilloux, directeur associé d’Euro RSCG Compagnie, nous explique pourquoi.
Pensez-vous que l’approche marketing des hommes et des femmes est différenciée même sur des produits qui, a priori, ne s’adressent pas plus aux uns qu’aux autres ?
Elle l’est pour le déodorant, alors qu’il s’agit fondamentalement du même produit quel que soit le sexe. Cela tient au fait que chaque sexe est sensible à des arguments différents. L’homme est sensible au marketing de bénéfice. Pour le convaincre, il faut par exemple lui parler séduction, parfum, adéquation avec son style de vie. La femme, elle, répond à un discours fondé sur l’aspect fonctionnel, sur la façon dont les ingrédients agissent. On lui parlera des microcapsules, de la durée d’action… En cosmétique, l’homme est sensible aux arguments relatifs au regard de l’autre, tandis que la femme s’attache aux composants. Cet intérêt des femmes pour l’« ingrédient magique » est bien visible dans la rhétorique des supports féminins, consacrés en majorité à une véritable pédagogie du bien-être. On retrouve là l’idée du remède de bonne femme.
Ces champs d’expression sont-ils hermétiques, ou peut-on passer d’un discours à l’autre en fonction des circonstances ?
En fait, si l’homme n’est pas sensible à l’« ingrédient magique », il peut éventuellement l’être quant à la promesse de résultat. Les hommes se contentent d’un discours émotionnel. Ils ont une grande capacité à accepter les discours métaphoriques sans avoir besoin d’aller plus loin dans l’explication. En revanche, les femmes prêtent une oreille attentive aussi bien au discours émotionnel qu’au discours fonctionnel. La communication destinée aux femmes est plus riche que celle destinée aux hommes. C’est une chance puisque c’est la femme qui contrôle l’achat. C’est elle qui remplit le Caddie. Il faut s’adresser à elle pour atteindre l’homme. Elle a un rôle de prescripteur. Mais, dans ce message, pas question d’oublier la cible finale, l’homme, qui, lui, a un rôle de validation. La publicité Head #amp; Shoulders illustre bien ce principe. Pour attirer l’attention des femmes, la marque a une communication double. Elle s’adresse aux femmes en expliquant les bienfaits (approche fonctionnelle) et aux hommes en démontrant la force de séduction (approche émotionnelle) de la marque pour obtenir leur assentiment.
Même si le principe du discours différencié semble s’imposer, existe-t-il un discours mixte ?
Sur des thématiques universelles, plusieurs types de discours peuvent être adoptés. On peut avoir recours aux profils afin de faire ressortir un caractère fort du produit. Le célibataire porte l’image d’un produit moderne, facile, rapide, urbain. La famille transmet celle d’un produit plus conventionnel, avec une prise de risque limitée. Le choix entre communication de bénéfice ou de défense d’une valeur permet aussi d’éviter la question du sexué. Dans la première, il y a souvent l’envie de créer de l’identification : « J’utilise ce produit, il a tel bénéfice, si vous êtes comme moi il vous conviendra. » Dans ce cas, le choix du porte-parole est fondamental, l’identification joue à plein, la différence homme/femme existe. Si nous évitons l’identification en étant plus imagé dans l’expression du bénéfice, il y a alors projection. Et peu importe que l’on soit une femme ou un homme. Ce qui est vrai pour une communication projective l’est aussi pour une communication de valeur. La marque défend une valeur universelle, unisexe, ses porte-parole ne sont que des vecteurs. Pour bien comprendre, imaginez que pour vanter une marque de beurre on réalise soit un spot dans lequel, par exemple, Bernard Ménez vous dirait « J’adore ce beurre Y, il me donne l’impression d’être libre » (bénéfice avec identification), soit un spot où il marcherait pieds nus dans l’herbe et dont la signature serait « Etre libre pour Y » (valeur). Dans le second cas, l’effet miroir ne s’exécute plus sur la personne mais sur un point commun entre la marque et le consommateur femme ou homme. L’objectif est de créer une proximité avec la marque. Aujourd’hui, les agences recourent de plus en plus souvent à l’humour comme levier publicitaire. Regardez la publicité du 118 218. Elle ne nous dit rien sur l’offre et pourtant elle est efficace. Nous sommes là à l’un des stades les plus compliqués de la publicité qui est celui de la communication de relation. La création de préférence. L’un des grands enjeux des marques d’aujourd’hui.
La communication sur les produits de santé répond-elle aux mêmes critères ?
En santé, la division homme/femme est très présente. Le rapport au médicament est très différent entre les deux sexes. La femme est plus sur une approche préventive tandis que l’homme se place dans le curatif à grande vitesse. Il ne se préoccupe pas forcément de sa santé, mais lorsqu’il est malade il faut que le médicament agisse vite. Le discours est fortement féminisé dans la mesure où les produits santé sont gérés par les femmes. Elles les achètent aussi pour leur mari ou pour leurs enfants. Mais attention, ce n’est pas une fatalité que l’homme ne fasse pas ses courses ! Le lieu de distribution est fondamental dans le changement d’attitude. Les pharmaciens devraient se demander plus souvent à qui s’adresse leur point de vente. Ils se rendraient vite compte que les hommes en sont quasiment exclus. Les codes utilisés par la pharmacie, la gestion des références ne tiennent pas assez compte de la différence hommes/femmes, si forte dans le domaine de la santé. Il faut donner envie aux hommes de pousser la porte de l’officine, en utilisant le principe de la réalité projective. Connaissant leur attrait pour les boosters de performance, il peut être intéressant de bâtir un rayon s’appuyant sur le thème du sport et de la compétition, réunissant des produits allant des problèmes de concentration à celui des performances sexuelles.
Peut-on imaginer voir la communication santé évoluer vers l’humour ?
Personne ne l’a encore fait. La culture des entreprises et celle du marché sont fortes et empreintes d’un certain sérieux, d’une rigueur scientifique qui limitent les discours. Pourtant, je suis persuadé qu’il y aurait de la place pour un laboratoire prêt à s’inscrire dans une démarche plus « food » sans pour autant nuire à son sérieux. Des marques comme Danone ont bien réussi à s’imposer sur le terrain de la santé, alors pourquoi le contraire ne serait-il pas envisageable ? D’autant que l’objectif du publicitaire est de chercher à différencier la marque au maximum. De la différence naît l’émergence. Le tout est qu’un annonceur se jette à l’eau et réussisse pour entraîner les autres sur ce terrain.
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