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«   Les normes de qualité bénéficient à l’ensemble des acteurs, pourquoi ne pas envisager un financement public ?   »

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Publié le 18 mai 2019 | modifié le 19 septembre 2025
Par Peggy Cardin-Changizi
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Le traditionnel colloque annuel de Pharma Système Qualité (PHSQ), le 21 mai, sera l’occasion de fêter les 10 ans de cette association loi 1901. A sa tête depuis octobre 2017, Laëtitia Hible, titulaire en Corrèze, poursuit avec conviction son engagement pour la certification des officines. Soutenue dans sa démarche par l’Ordre et la profession, elle revient sur les enjeux de la démarche qualité.

Lorsque vous avez pris la présidence de PHSQ en 2017, votre chantier prioritaire était d’augmenter le nombre d’officines engagées dans une démarche qualité avec un objectif de 5 000 à 3 ans. Sera-t-il réalisé ?

Laëtitia Hible : Je m’étais effectivement engagée sur le nombre de 5 000 officines certifiées sur 3 ans, car il correspondait au potentiel que nous estimions réalisable. En effet, sur 22 000 pharmacies, 20 à 25 % d’entre elles seraient en capacité et en volonté de s’engager dans la démarche ISO 9001-QMS Pharma. A ce jour, nous avons 2 600 officines certifiées. Un nombre qui a beaucoup progressé en 1 an. Nous avons recruté environ 400 pharmacies en 2018, ce qui constitue l’une de nos meilleures années. Le nombre de pharmacies certifiées augmente chaque année et nous avons bon espoir d’atteindre notre objectif. Pour cela, nous allons devoir intensifier notre travail de communication, notamment auprès des 11 000 pharmacies adhérentes de nos groupements partenaires.

Vous vouliez également voir les pharmacies non groupées plus nombreuses à se lancer dans une démarche qualité : ce vœu est-il exaucé ?

Depuis 2009, notre démarche a été portée par les groupements qui ont déployé les moyens nécessaires pour la faire évoluer auprès de leurs adhérents. Puis PHSQ s’est organisé pour pouvoir accompagner également les pharmacies indépendantes qui ne peuvent pas profiter de ce service apporté par un groupement. Actuellement, ce sont plus de 200 pharmacies indépendantes qui sont accompagnées. Leur nombre va croissant, car de plus en plus de nos confrères ont pris conscience de l’intérêt de la qualité, à la fois dans leur quotidien qui devient de plus en plus concurrentiel et dans la perspective des nouvelles missions.

Pourquoi et en quoi le développement de l’interprofessionnalité rend-il la démarche qualité « encore plus » nécessaire ?

Hier tout en bas d’un système en tuyaux d’orgue, le patient est aujourd’hui au centre d’une prise en charge en équipe et les pharmaciens se doivent désormais d’intégrer ces équipes. Ceci commence par de la communication puis par l’intégration de systèmes existants. La qualité génère tout d’abord un gain de temps. Actuellement, on demande aux pharmaciens de sortir de leur pharmacie, de créer des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), de discuter avec les infirmiers, d’aller au domicile des patients avec les kinés pour évaluer le maintien à domicile, d’aller voir les médecins généralistes, etc. Dans le contexte d’organisation actuelle, il est impossible aux pharmaciens de dégager suffisamment de temps. La démarche va leur apporter une organisation optimale et une économie sur les coûts de la non-qualité à l’officine (les dysfonctionnements prennent du temps et donc de l’argent et nuisent à l’image de la pharmacie).

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La qualité permet également aux pharmaciens de structurer leurs actions. En effet, la mise en place des services liés aux nouvelles missions nécessite des process homogènes et applicables à l’ensemble des officines. La qualité va aider à créer ces process et à les appliquer ensuite. Tous les professionnels de santé tendent actuellement vers une certification qualité dans le même but d’améliorer la prise en charge des patients.

L’Ordre, accompagné par la profession, a pris le taureau par les cornes avec la volonté d’associer 100 % des pharmaciens sur 5 ans : peut-on considérer cette impulsion comme une reconnaissance de tout le travail effectué en amont par PHSQ ?

On s’est tout de suite réjoui de la décision de l’Ordre. Il fallait une prise de conscience de tout le réseau de la nécessité d’instaurer un niveau minimal de qualité dans les officines, ne serait-ce que pour sécuriser les actes pharmaceutiques. Les bonnes pratiques de dispensation représentent la moitié de la certification, c’est-à-dire le volet couvert par QMS Pharma. Mais c’est déjà un point intéressant puisque ça va obliger les pharmaciens à faire un autodiagnostic et peut-être à se poser des questions.

Fallait-il aller plus loin ? Jusqu’à l’obligation ?

Je ne le pense pas. Ce qui est important pour nous au niveau de Pharma Système Qualité, c’est que l’on reconnaisse notre certification et qu’elle permette à l’ensemble des pharmacies qui se sont engagées dans notre démarche de valider de fait cet engagement minimal. L’Ordre reconnaît notre certification, mais n’est pas en mesure aujourd’hui d’imposer une certification à l’ensemble du réseau, encore trop hétérogène.

Dès lors, est-ce que ça ne met pas en jeu la pérennité même de PHSQ ?

Non pas du tout. Les pharmacies qui vont suivre les recommandations de l’Ordre, à savoir le niveau minimal de qualité, auront à mon avis besoin dans un second temps du côté organisationnel de la certification.

La démarche qualité doit-elle être financée par les payeurs publics comme l’Assurance maladie ?

Pourquoi pas… Dans la mesure où les normes de qualité qui vont être mises en place vont sécuriser les actes, et donc bénéficier à l’ensemble des acteurs – patients compris – pourquoi ne pas envisager un financement public ? Actuellement, les ARS participent financièrement à la mise en place de la qualité dans les maisons de santé et cela est logique. Ce financement public pourrait être un élément encourageant et déclenchant chez les pharmaciens.

PHSQ a publié en janvier 2019 son enquête triennale d’évaluation de la satisfaction clients. Est-elle au rendez-vous ?

C’est le moins que l’on puisse dire. Les patients accordent leur totale confiance (97,7 % de satisfaction) aux officinaux. Ils sont sensibles à la prévention et acceptent l’évolution du système de santé avec, par exemple, un intérêt à 50 % pour la télémédecine dans les zones déficitaires en médecins généralistes alors que celle-ci a à peine été expliquée. Et ils ont également une grosse attente au niveau des services : à la fois pour ceux qui touchent à l’organisation et à la simplification de l’accès aux médicaments (livraison, PDA, drive, etc.) et pour ceux qui touchent aux nouvelles missions (rendez-vous de prévention, accès aux soins non programmés par le biais de dispensations de médicaments de prescription médicale obligatoire en urgence, suivi des vaccinations, etc.). Pour cela, ils acceptent de passer du temps à l’officine et sont même prêts à payer ces services.

Qu’est-ce qui pourrait justifier que ces services deviennent payants ?

Jusqu’à présent, le patient était tributaire des décisions que le système de santé prenait pour lui. Avec ces services payants, il aura désormais le choix… d’en disposer ou pas. Certaines habitudes de consommation comme le click & collect ou la livraison à domicile font partie du quotidien des Français. La pharmacie doit aussi aller dans ce sens.

Les pharmaciens vont-ils devoir compter avec les Gafam* en général et Amazon en particulier ?

Ces nouvelles entités font partie de l’environnement des consommateurs français et il faut les prendre en considération. Mais elles n’auront jamais la possibilité de donner spontanément un conseil à une personne qui vient de franchir la porte. Je suis en revanche plus inquiète par rapport aux données de santé. Il est vraiment urgent que les pharmaciens mettent en place des process pour les conserver dans leurs officines ou en tout cas faire en sorte qu’elles ne soient pas utilisées à des fins commerciales.

S’il fallait n’en retenir qu’un, quel nouveau service vous paraît intéressant ?

Pour nous, la dispensation d’un médicament sans prescription était un service important à mettre en place. Et nous soutenons également toutes les initiatives qui touchent au dépistage et à la prévention. Du côté des services liés au commerce, il est urgent que la pharmacie développe des dispositifs comme la vente en ligne, le click & collect, le drive, la livraison, etc.

Quelles grosses lacunes doivent être prioritairement comblées en officine ?

On a besoin de se tourner très clairement vers le numérique et tout ce qui concerne l’organisation et la vente liées au numérique, comme la transmission d’ordonnances. La génération des 70 ans ne regarde pas trop de ce côté-là, mais les sexagénaires sont déjà connectés. La pharmacie doit être certifiée et digitale pour devenir interprofessionnelle. 

•    2004 : Titulaire en Corrèze (actuellement à Saint-Pantaléon de Larche).

•    2008 : Présidente d’un groupement local.

•    2011-2014 : Trésorière du groupement Giphar et co-responsable de l’Institut d’études et de perfectionnement.

•    2014-2017 : Présidente de Giphar.

•    Depuis Octobre 2017 : Présidente de Pharma Système Qualité.

Laëtitia Hible, présidente de Pharma Système Qualité
Philippe Riesco Photographies