La faute à qui ?
Effet indésirable grave, interaction fatale, défaut d’information ou de conseil funeste… En cas de problème lié à un produit défectueux que vous avez vendu, quelle responsabilité sera engagée ? Celle du fabricant ? La vôtre ? Tout dépendra de la stratégie de défense qu’adoptera la victime.
Il est 19 h 30. Fin de journée harassante, officine pleine. Vous inversez malencontreusement deux produits. S’ensuit un accident iatrogène… puis une plainte. Pas de question à se poser, il y a faute de votre part. Ce cas de figure, assez simple en termes de responsabilité, avait été évoqué récemment dans une enquête du Moniteur consacré aux erreurs de délivrance (voir n° 2730). En revanche, que se passera-t-il en cas d’accident, potentiellement grave, lié à la défectuosité d’un produit ou de sa présentation ? Eh bien tout dépend de la stratégie de défense de la victime. Et, bien entendu, des circonstances.
Jusqu’au début des années 2000, les laboratoires étaient assez systématiquement condamnés sur la base d’« une obligation de sécurité résultat » dictée par le Code de la consommation. Depuis la loi du 19 mai 1998 relative aux produits défectueux (transposant une directive européenne de… 1985 !), la jurisprudence a joué au yo-yo en matière de médicaments, tantôt extrêmement favorable aux patients, impliquant la responsabilité « objective » (ou « sans faute ») des laboratoires, tantôt exonérant ces derniers (voir encadré page 32).
Régime de la défectuosité : c’est le labo qui trinque
Particularité de la loi française par rapport à la directive : le distributeur du produit peut être mis en cause. Alors, y a-t-il lieu de vous inquiéter si l’un de vos patients décède ou perd la totalité de ses cheveux ? D’abord, « la loi prévoit la mise en cause de la responsabilité du producteur et, si l’identité de celui-ci n’est pas connue, celle du fournisseur [ici du pharmacien] », commente Anne Laude, codirectrice de l’Institut Droit et santé (IDS) de l’université Paris-Descartes.
Qui peut être qualifié de producteur ? « Selon le Code civil, le producteur des matières premières, le fabricant d’une partie composante, les importateurs au sein de l’UE et tous ceux qui se présentent comme exploitants (qui apposent leur marque ou des signes distinctifs sur la boîte) », explique Diane Bandon-Tourret, avocate (cabinet Bird & Bird). « Il faut voir les choses sur un plan pratique ! Les victimes vont naturellement attaquer le fabricant qui figure sur la boîte. Seules quelques affaires par an visent le pharmacien, mais on va alors sur le terrain de la faute », précise Jérôme Peigné, professeur à Paris-Descartes.
Manque d’information et mauvais rapport bénéfice-risque
Par ailleurs, qu’entend-on par défectuosité ? « Dans le cas de l’Isoméride, la Cour de cassation a validé le fait que le médicament était défectueux dès lors que la notice patient était lacunaire [effet indésirable non mentionné], explique Gisèle Mor, avocate spécialisée dans la santé. Pour le Distilbène, mon argumentation a été d’avancer, d’une part le fait que le produit n’offrait pas la sécurité à laquelle le patient pouvait s’attendre, d’autre part que le rapport bénéfice-risque n’avait jamais vraiment été évalué. Pour le vaccin anti-hépatite B, il s’agissait à mon sens d’un mauvais rapport bénéfice-risque : on a élargi l’indication thérapeutique et la couverture vaccinale alors même qu’une étude démarrait sur ses effets éventuels… sans avoir encore livré ses résultats ! »
On parlera effectivement de plus en plus de médicament défectueux lorsque « la balance bénéfice-risque [appréciée au cas par cas] penche trop fortement du côté des inconvénients », analyse Luc Grynbaum, professeur à Paris-Descartes et membre de l’IDS, dans la Revue de droit sanitaire et social de janvier dernier. Et c’est le juge qui en décide. Mais, jusqu’ici, le noeud des affaires a tourné autour de l’information donnée au patient via la notice (une information figurant au Vidal ne suffit pas à couvrir le laboratoire). La mise en cause du pharmacien pour manquement à ce devoir d’information interviendra dans un autre cadre : si la victime et son avocat décident, non pas d’attaquer sur la défectuosité du produit, mais sur le régime du « droit commun » , c’est-à-dire de la faute présumée du pharmacien ou d’un autre professionnel.
Droit commun : il est plus facile d’attaquer le pharmacien
Qu’est-ce qui pousserait un avocat à se retourner contre le pharmacien plutôt que le fabricant ? « La facilité de la preuve ! », lance Gisèle Mor. Dans le régime de la loi sur les produits défectueux (responsabilité sans faute), c’est au demandeur de prouver la défectuosité du produit. Alors qu’« établir une responsabilité pour faute est beaucoup plus simple », explique l’avocate. Or il peut être compliqué pour le pharmacien de prouver qu’il s’est acquitté de son devoir d’information et de conseil. « Et l’arrêt Perruche s’est en partie affranchi du lien de causalité, note l’avocat Alain Fallourd. Dans bien des cas, un faisceau de présomptions de preuve suffit, le souci étant juste l’indemnisation de la victime. Les magistrats sont sévères avec les officinaux. Avec l’extraordinaire filet de responsabilités qui pèse sur eux (Code de la santé, Code civil, Code de commerce…), il faut avoir conscience de la réalité des risques. Avec comme infractions les plus fréquentes l’homicide involontaire, les coups et blessures involontaires, l’empoisonnement, la violation du secret professionnel, l’omission de porter secours. C’est le revers de la médaille pour une profession parfaitement encadrée. » S’ajoute à cela tout l’arsenal des sanctions disciplinaires et conventionnelles.
Faute : des responsabilités partagées avec le prescripteur
En cas de faute, c’est du reste souvent le prescripteur qui se retrouve en première ligne. Mais, partant, pourquoi ne pas attaquer pour faute à la fois le prescripteur… et le pharmacien qui a omis de l’appeler ?! Exemple avec le cas (réel) d’un patient incapable de marcher (douleurs articulaires + asthénie) depuis le traitement d’une bronchite ayant associé Tavanic 500 + Rhinofluimucil + Tussidane. Autre exemple avec cette femme qui s’est suicidée avec des médicaments alors que son mari avait demandé au pharmacien de ne plus délivrer les produits en cause à son épouse. Des dossiers sensibles impliquant des fluoroquinolones seraient également sur le feu. Reste à savoir sur quel terrain l’affaire se jouera : responsabilité sans faute du fabricant (défectuosité), faute du professionnel de santé (droit commun) ou aléa thérapeutique (indemnisation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux) (voir ci-contre) ?
Process qualité : pour atténuer votre responsabilité
Quel que soit le cas de figure, les process qualité mis en place dans l’officine sont un atout. Alain Fallourd évoque la norme QMS, particulièrement adaptée. On peut aussi citer le dossier pharmaceutique (DP), lequel sera à la fois un garde-fou pour les pharmaciens… et un talon d’Achille s’ils n’y ont pas recours. Car dans l’optique d’une obligation professionnelle, le fait de ne pas renseigner le DP pourrait se transformer en faute devant un juge. « La loi de financement de la Sécurité sociale 2009 prévoit des sanctions [reversement à la Sécu] pour les médecins en l’absence d’inscription des informations dans le futur DMP. Pourquoi n’aurait-on pas la même exigence pour le pharmacien ? », demande Anne Laude.
« Cela étant, l’implication du pharmacien est assez rare, sauf en ce qui concerne les inversions de produits », remarque Gisèle Mor. A noter que la substitution générique n’engage en aucun cas plus particulièrement le pharmacien, estime-t-on. « Faites votre travail selon les règles et vous passerez à travers les ennuis, conseille de son côté Alain Gorny, avocat au cabinet Bird & Bird. Le problème survient quand l’officinal est plus mercantile que préoccupé par la sécurité des sources, la qualité des produits qu’on lui livre et la qualité du conseil qu’il va délivrer. On sait que des officines fonctionnent selon ce mode. Elles sont évidemment plus en risque juridique que les autres. »
Reste de sérieuses interrogations soulevées, notamment par Elisabeth Herail, chef du service des affaires européennes de l’Afssaps, en janvier dans la Revue de droit sanitaire et social, « quant à l’équilibre à trouver entre la protection de la santé du patient et la sécurité juridique, tant du fabricant que du fournisseur de produits de santé : en effet, dans un contexte social marqué tant par l’intolérance au risque que par le refus de l’impuissance thérapeutique, comment s’articule et comment concilier l’esprit clairement consumériste de la loi de 1998 avec la spécificité des produits de santé, où le risque zéro est illusoire ? ».
Une interrogation similaire peut être soulevée en droit commun : « Il y a incontestablement une judiciarisation, estime Alain Fallourd. Et n’oubliez pas aussi que les gens peuvent désormais se saisir de la justice ordinale. » « Dans un contexte de paupérisation, on peut aussi supposer que les gens chercheront à l’avenir de plus des préjudices vrais ou exagérés », estime Bernard Sénéchal, responsable du service gestion de la Mutuelle d’assurance des pharmaciens (MADP). « La judiciarisation est un terme galvaudé, estime cependant de son côté Alain Gorny. Beaucoup de procédures sont réglées à l’amiable par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux : cela offre plus de visibilité (les indemnisations sont quasiment connues à l’avance via des barèmes), ce sont autant de demandes de recours judiciaires en moins. »
Sondage directmedica
Sondage réalisé par téléphone les 27 et 28 janvier 2009 sur un échantillon représentatif de 100 pharmacies en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires. Les fréquences relatives aux questions à choix multiples sont calculées en fonction du nombre de répondants (et non du nombre global de réponses données).
« Ma responsabilité est engagée en tant que distributeur »
En tant que distributeur votre responsabilité peut-elle être mise en cause en cas de défectuosité d’un produit que vous avez vendu (incident, effet indésirable, etc.) ?
Informer « protège »
Pensez-vous qu’un défaut d’information vis-à-vis du client puisse engager votre responsabilité en cas de problème ?
Substituer n’expose pas plus
Pensez-vous que substituer engage davantage votre responsabilité que sur toute autre dispensation ?
Peu dissuasive
La crainte d’une mise en cause de votre responsabilité pourrait-elle vous dissuader de développer les activités suivantes ?
Les importations parallèles font beaucoup plus peur…
D’après vous, la dispensation des médicaments issus d’importations parallèles représente-t-elle un risque accru d’engagement de votre responsabilité ?
… que les compléments alimentaires
D’après vous, la vente de compléments alimentaires représente-t-elle un risque accru d’engagement de votre responsabilité par rapport au médicament ?
« Sous-traiter exonère »
D’après vous, la sous-traitance des préparations magistrales vous dégage-t-elle de votre responsabilité en cas de défectuosité de la préparation ?
Dura lex sed lex !
Dans quel cas la mise en cause de votre responsabilité vous ferait-elle peur ?
La Redoute fait jurisprudence
-Une télévision explose et met le feu à une habitation. Son propriétaire attaque La Redoute, le vendeur. Dans cette affaire, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé, en mai 2007, que le distributeur n’est pas en cause car il faut rechercher la responsabilité du fabricant. « Cet exemple illustre le fait que, en matière de médicament, la mise en cause du pharmacien concernant un produit défectueux est hautement improbable », commente Jérôme Peigné, professeur de droit de la santé à Paris-Descartes. Sans compter qu’en matière de médicament, un laboratoire ne se retournera probablement pas vers un pharmacien, au risque de fâcher tout son réseau de distribution, observent les avocats comme les juristes. Même si le professionnel de santé a commis une faute ! Le cas s’est par exemple présenté avec un médecin. Le laboratoire incriminé a subi ensuite un quasi-boycott dans la région…
Cas particulier
Reconditionnement en EHPAD : pas de risque excessif
Aucun texte n’interdit ni n’autorise expressément le reconditionnement pour les EHPAD, rappelle Sophie Homburg, avocate (cabinet Courtois Lebel). La position du Conseil national de l’Ordre a évolué en ne l’interdisant pas mais en le conditionnant à certaines précautions (traçabilité, libre choix du pharmacien, communication de la notice, suivi de la dispensation). » Sachant que la ministre de la Santé a promis un texte le légalisant formellement. Un jugement de la cour d’appel de Rouen, en mai 2008, considérait que la préparation des doses à administrer (PDA) constitue un délit car il s’agirait d’un acte de fabrication ! Certains avocats voient cependant dans le montant de l’amende infligée au pharmacien (3 750 Euro(s)) un encouragement à faire de la PDA au regard du CA généré. A condition de ne pas prendre de risque et de la faire correctement, c’est-à-dire selon les recommandations ordinales. Certes, Rouen n’est pas la France, mais il s’agit tout de même de correctionnelle !…
Mais alors, quid de la responsabilité du pharmacien en cas de défectuosité ? En octobre 2008, les Prs Patrick Fallet (Paris-Sud) et Jérôme Peigné (Paris-Descartes) écrivaient dans La Gazette du Palais que déconditionner et reconditionner « assimile déjà les pharmaciens à des producteurs […]. Et il n’est pas sûr que leurs polices d’assurance l’aient pris en compte ». Mais Anne Laude, de l’Institut Droit et santé, fait une analyse différente : « Même s’il touche au blister, le pharmacien ne devient pas pour autant producteur. En revanche, il pourrait voir sa responsabilité engagée pour faute en cas d’erreur dans la PDA. » « Si c’est le reconditionnement qui est en cause, il est évident que c’est le pharmacien qui prendra, analyse Gisèle Mor, avocate spécialisée dans la santé. Quant à la non-communication de la notice par le pharmacien, c’est une brèche dans laquelle je m’engouffrerais en tant qu’avocat. » En cas de problème au moment de l’administration, « peut-être l’avocat cherchera-t-il une double responsabilité pour avoir quelqu’un de solvable, mais le juge cherchera, lui, la responsabilité de celui qui a réalisé l’acte : ici l’infirmière, donc son employeur, l’EHPAD », explique Anne Laude.
Défectuosité du médicament : 10 ans de yo-yo judiciaire
– Au début des années 2000, les cours d’appel condamnaient systématiquement les laboratoires sur la base de présomptions de preuves.
-En 2003, la Cour de cassation estimait qu’un manque de connaissance sur l’étiologie d’une maladie, ici la sclérose en plaques (SEP), écartait la responsabilité du producteur du médicament dans sa survenue ; la Cour jugeait qu’il fallait s’en tenir à un lien de causalité non présumé, résume Anne Laude, codirectrice de l’Institut Droit et santé.
– 2008, nouveau coup de balancier à travers plusieurs jugements : la Cour de cassation jugeait que s’appuyer sur des données scientifiques ne suffisait pas à mettre en cause un produit ; il fallait aussi s’en remettre à des critères individuels. En mai de la même année, la Cour ajoutait qu’une incertitude scientifique ne pouvait pas exclure un lien de causalité.
-Janvier 2009, nouveau revirement : la cour d’appel de Paris, en arrêtant son jugement sur ces critères individuels (le juge a estimé qu’il n’y avait pas de proximité chronologique entre administration du vaccin anti-hépatite B et apparition des symptômes de la SEP), n’estime pas nécessaire d’examiner une éventuelle défectuosité du médicament, coupant court à des contentieux potentiels.
Le cinquième épisode est à suivre avec un probable pourvoi en cassation, le risque potentiel entre SEP et vaccin figurant noir sur blanc sur les notices !
Concrètement, le juge du fond applique la règle du « faisceau d’indices ». Sachant que les certitudes scientifiques n’affectent pas toujours celles du juge qui peut tout à fait s’en affranchir.
Cas particulier – Libre accès : laissez une trace de votre conseil !
Le cas du libre accès peut être un piège pour le pharmacien, analyse Gisèle Mor. Certes, c’est le patient qui prend le produit. Mais le pharmacien reste tenu par son devoir de conseil et, en cas de problème, ce sera à lui de prouver qu’il a donné la bonne information au patient. » En l’occurrence, un process qualité traçant l’information voire le recours au dossier pharmaceutique « apporteraient au moins un commencement de preuve devant le juge », commente l’avocate. « Cela atténuerait sans conteste sa responsabilité. Car on ne sera probablement pas ici dans une procédure pour produit défectueux, commente aussi Anne Laude, de l’IDS. Via le défaut d’information (effets indésirables…) et de conseil, on entre vite dans le cadre de la responsabilité pour faute. » « Mais je pense que, là aussi, le patient aurait le réflexe d’attaquer le laboratoire, estime le Pr Jérôme Peigné (Paris-Descartes). Je ne crois pas que les pharmaciens aient trop de souci à se faire en matière d’automédication. Cela étant, je pousse toujours mes étudiants à écrire sur les boîtes, à laisser une trace de leur conseil et de leur démarche d’information. » Il est en revanche un point sur lequel les pharmaciens ne devraient pas transiger, sauf à prendre des risques en cas de problème : mélanger sur les mêmes rayons des médicaments de libre accès et d’autres qui doivent rester derrière le comptoir. « Là il y a danger ! », prévient l’avocat Alain Gorny.
Les agences nationales pénalement « irresponsables »
En cas de défectuosité de médicaments, ne pourrait-on envisager la mise en cause d’agences nationales comme l’Afssaps, lesquelles, après tout, sont responsables des AMM ? A priori non ! « Les agences et leurs directeurs agissent au nom de l’Etat. Or ce dernier est pénalement irresponsable, a expliqué Xavier Cabannes, maître de conférences à l’université de Paris-Descartes, lors d’une table ronde organisée à Sciences-Po. Le seul recours à leur encontre est administratif. » De fait, un consommateur aura toujours plus intérêt à attaquer le fabricant…
L’ONIAM, une bonne alternative aux juridictions
-Créé en 2002, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) peut indemniser, au titre de l’aléa thérapeutique (risque connu, tel un effet indésirable, mais aléatoire). « Avantages : la procédure, plus simple et plus rapide que devant un tribunal, et le montant de l’indemnisation, loin d’être ridicule et parfois même meilleur que celle à attendre d’un tribunal, commente Anne Laude, directrice de l’Institut droit et Santé. Dans un récent jugement de janvier 2009 par la cour d’appel de Paris, le juge n’a pas du tout indemnisé le patient… » Les observateurs notent d’ailleurs que depuis la création de l’ONIAM en 2002, les juges sont plus à l’aise pour débouter les demandeurs. Mais en cas de faute, par exemple de défaut d’information, l’ONIAM renvoie le dossier vers l’assureur du professionnel de santé ou de l’établissement…
– Exemples d’indemnisations avec implication de produits de santé : syndromes de Lyell ; ostéonécrose (corticoïdes) ; effets antabuse (métronidazole) ; purpura thrombopénique (AINS) ; surdité (aminosides) ; thrombose paradoxale sous héparine ; complications liées à des chimiothérapies.
– Exemples de cas de renvois vers l’assureur du professionnel : nécrose des extrémités (dérivés d’ergots de seigle + macrolides) ; mauvaise gestion des anticoagulants ; défaut d’information.
Cas particulier – Services à la personne : l’intermédiaire pas responsable
On en parle de plus en plus, les pharmaciens sont incités à promouvoir des services à la personne. Certains d’entre vous y sont réticents faute de connaître les prestataires. De fait, que se passerait-il en cas de service ayant des conséquences pour son utilisateur qui aurait été conseillé par le pharmacien (celui-ci ayant au passage perçu une rémunération pour conseiller le service en question) ? « C’est la société prestataire qui sera mise en cause, pas le pharmacien pour le conseil qu’il aura donné de recourir à ce service, affirme Sophie Homburg, avocate (cabinet Courtois Lebel). Après, ce peut être fonction du volume : si le pharmacien a envoyé 1 000 clients vers ce prestataire et qu’il a connaissance de certaines défaillances… » « Recommander quelqu’un, même contre argent, ne peut pas vous faire assumer les responsabilités de celui qu’on a recommandé. Cela ne souffre pas de discussion », complète Alain Gorny (cabinet Bird & Bird).
L’adjoint à l’abri
-« Le principe édicté par la loi est que la garantie responsabilité civile doit couvrir le titulaire mais aussi l’ensemble de ses préposés », rappelle Bernard Sénéchal (MADP). Même si l’adjoint engage sa responsabilité aux plans disciplinaire et pénal pour ses actes professionnels.
Au civil, si un adjoint est impliqué, son assureur appellera en garantie l’assureur du titulaire. « Mais l’adjoint peut toujours s’assurer civilement, relève Bernard Sénéchal. Ce sont des produits d’assurance peu onéreux, de l’ordre 40-50 euros par an ; qui prennent en charge de surcroît la protection juridique (frais d’avocat…). »
Cas particulier – Préparations : vous êtes producteur !
Dans le cas des préparations, le pharmacien devient producteur. Si la prescription n’est pas conforme, il ne sera pas pour autant exonéré de sa responsabilité au titre des produits défectueux, même s’il peut intenter un recours contre le prescripteur », rappelle Diane Bandon-Tourret, avocate (cabinet Bird & Bird). « Même en cas de sous-traitance, la pharmacie qui délivre garde sa qualité de producteur, complète Sophie Homburg (cabinet Courtois Lebel). Là aussi, le réflexe du patient sera d’engager la responsabilité du pharmacien qui lui a vendu la préparation (charge à ce dernier d’appeler en garantie le sous-traitant… d’où l’intérêt d’avoir un contrat de sous-traitance en bonne et due forme). »
Par ailleurs, pensez là aussi aux procédures qualité. Maître Alain Fallourd donne un exemple concret jugé l’an dernier devant le tribunal correctionnel de Bobigny : « Un cas de sous-traitance de préparations magistrales avec erreur d’une préparatrice, envoi à l’officine commanditaire, le pharmacien adjoint la délivrant sans se poser de question. Le client constatera que le produit n’a pas la couleur habituelle, téléphonera, l’adjoint lui confirmant qu’il peut la prendre. Conséquence : un décès. Le tribunal a condamné le titulaire de l’officine qui a délivré, son adjoint, le titulaire de l’officine qui a réalisé la préparation magistrale ainsi que la préparatrice qui l’a exécutée. Mais, grâce au système de contrôle et de traçabilité mis en place dans cette dernière officine, la responsabilité du titulaire a tout de même été extrêmement atténuée. »
Cas particulier – Importations parallèles : prudence !
On a vu au Royaume-Uni que le développement des importations parallèles brouille la traçabilité des approvisionnements et peut générer des problèmes (contrefaçons). « Sont-elles aussi peu développées dans notre pays qu’on veut bien le dire ?, lance Alain Gorny. Du fait de la spécialisation qui est la mienne [la défense de laboratoires] et des échanges que j’ai dans ce milieu professionnel, je pense que ce marché s’est développé en France bien plus que les statistiques ne le montrent, et que beaucoup d’officinaux se retrouvent à délivrer des boîtes dont ils ne connaissent plus l’origine du contenu. Je ne pense pas que ce soit marginal. » « Quant à la responsabilité du pharmacien, en cas de problèmes, tout dépendra de l’aspect de la boîte, estime Diane Bandon-Tourret, avocate au même cabinet. En cas de doute sur la qualité du produit, il devrait naturellement être amené à hésiter avant de délivrer. »
Reste que les importations parallèles sont a priori extrêmement codifiées dans l’Hexagone. « D’éventuels problèmes toucheraient plutôt les distributeurs en gros de médicaments », tranche le Pr Jérôme Peigné (Paris-Descartes), qui souligne l’absence de contentieux en la matière pour l’instant.
Cas particulier – Compléments alimentaires : gare aux allégations santé !
Qu’il s’agisse de médicament ou de tout autre produit, en tant que professionnel de santé le pharmacien se doit de connaître les produits qu’il vend. Il ne pourra aucunement se dédouaner si le produit mis en cause n’a pas d’AMM », observe l’avocate Gisèle Mor. Cela étant, un cas mettant en cause des compléments alimentaires irait davantage sur le terrain de la défectuosité des produits (mise en cause du fabricant) que de la faute du professionnel. « Des compléments alimentaires qui s’avéreront défectueux au regard de la loi de 1998, il y en aura !, estime le Pr Jérôme Peigné. Mais, à mon avis, le pharmacien n’aura rien à craindre : s’il est appelé en responsabilité devant un juge civil, il devra simplement donner l’identité du producteur… Mais attention, on a déjà vu des contentieux sur le terrain de la faute du pharmacien, avec du pénal derrière… »
Attention aussi à l’ambiguïté des allégations santé souvent hâtivement mises en avant par les fabricants ! « Les parquets sont souvent amenés à condamner des pharmaciens lorsque ceux-ci ont « poussé » les gens à prendre des produits qui se sont du coup détournés de produits médicamenteux qui, eux, étaient supposés les soigner », note Alain Fallourd.
Le point de vue de l’assureur
« A la Mutuelle d’assurance des pharmaciens, la quasi-totalité des dossiers engageant la responsabilité civile du pharmacien concernent des fautes (confusions entre deux produits, préparations et erreurs de dosages), informe Bernard Sénéchal, responsable du service gestion. Le cas le plus douloureux qu’il nous a été donné de traiter concerne Arkopharma avec les plantes chinoises où la responsabilité de pharmaciens a été mise en cause alors même que le fabriquant certifiait la qualité des plantes et que le contrôle par le pharmacien s’avérait impossible. Il faut dire que l’on parle ici de décès et d’une invalidité supérieure à 90 % avec à la clé des indemnisations de plusieurs centaines de milliers d’euros. A part des cas de préparations magistrales mal réalisées, nous n’avons pas de dossiers liés à des produits défectueux. Du reste, nous nous retournerions vers les producteurs. »
La MADP s’attend à devoir un jour instruire des dossiers concernant les reconditionnements pour EHPAD. « Définir les responsabilités de tous les intervenants serait difficile », estime Bernard Sénéchal, qui, en revanche, ne s’attend pas à des mises en cause particulières pour responsabilité au sujet du libre accès, « sauf en cas de conseil totalement erroné ». Rappelons par ailleurs que d’éventuelles amendes resteront toujours à la charge du pharmacien, la loi interdisant la prise en charge de sanctions pénales par un assureur.
– Existe-t-il des exclusions ? Mis à part les cas de non-couverture (arrêt de paiement des cotisations), une éventuelle exclusion relèverait de cas très particuliers, comme une importation parallèle de provenance douteuse ou la vente de stupéfiants ou de dopants sans indication thérapeutique.
– Combien de temps après le fait générateur la mise en cause d’une victime est-elle recevable ? « La règle est la garantie décennale, à compter de la consolidation de la victime [date fixée par les experts à partir de laquelle on considère que l’état du patient n’évoluera plus], répond l’assureur. Normalement, une victime serait déboutée au-delà de dix ans mais la loi est ainsi faite qu’il y aura toujours des litiges. »
– Qui prendra en charge en cas de changement d’assureur ? « Si un pharmacien a un nouvel assureur au 1er janvier et qu’il est mis en cause le 15 janvier pour des faits remontant au 1er décembre, c’est ce nouvel assureur qui prend en charge une éventuelle indemnisation… à condition que le pharmacien ait été dans l’ignorance de l’erreur qu’il avait commise. »
– Un ex-pharmacien reste-t-il couvert après avoir vendu pour des faits antérieurs à la fermeture ? La durée de couverture est fixée par la loi : 5 ans pour les personnes physiques ou morales qui n’auraient plus d’assurance, 10 ans en cas de cessation définitive de l’activité professionnelle. « Nous, nous couvrons 5-6 ans après la fermeture. »
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