En retail design, on vise + 15 % du C.A, en moyenne

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Publié le 1 juin 2019
Par Peggy Cardin-Changizi
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Boosté par les nouvelles technologies et le digital, le retail design est devenu un élément essentiel pour créer de la préférence. même en pharmacie…

→ En deuxième année à l’ESC Rouen, Christian de Bergh effectue un stage au sein de l’agence de design Lonsdale, qui débouchera sur un poste fixe. De 1987 à 1991, il en sera Directeur Associé avant de rejoindre Dragon Rouge en 1991 pour monter le pôle corporate. Indépendante et internationale, Dragon Rouge compte aujourd’hui 7 antennes dans le monde entier et réunit près de 300 créatifs, dont 150 rien qu’à Paris.

« Pharmacien Manager ». Dragon Rouge est une agence de globale créative. Qu’est-ce-que cela signifie ?

Christian de Bergh. Il n’y a pas de rupture entre la création d’une plateforme de marque, sa stratégie de positionnement, son naming, son identité visuelle, son concept architectural et son déploiement. Le tout est orchestré par un même chef de projet. Par exemple, pour le groupe hôtelier mauricien Beachcomber, nous avons développé une approche à 360 degrés. Nous avons commencé par le positionnement et l’architecture de marque et, aujourd’hui, nous réalisons leurs campagnes de pub.

P. M. Quels sont les profits qu’une enseigne peut tirer d’un nouvel agencement ?

C.dB. Quand nous avons travaillé sur le réseau des bijouteries Histoire d’Or, la marque a enregistré à périmètre constant + 40 % de C.A sur les points de vente habillés au nouveau concept. Evidemment, nous ne pouvons pas garantir + 40 % à tous nos clients, mais en retail design on vise, en moyenne, entre + 15 % et + 20 %. Sur un marché très tendu, comme les grandes surfaces alimentaires, une progression de 3 % constitue déjà une belle performance !

P. M. Et en pharmacie, à quoi sert le retail design ?

C.dB. Pendant longtemps, les pharmacies se sont développées autour de la distribution de médicaments. Avant de se rendre compte qu’elles étaient aussi des lieux de service, pour lesquels il faut créer de la préférence. Au cours d’une journée, un patient va passer devant plusieurs pharmacies, pour rentrer finalement dans celle où l’équipe est la plus sympa, où la queue est la moins longue… Il existe tout un ensemble de facteurs (la rapidité, le parcours client, le relationnel…) qui font que vous passez au niveau de la préférence. C’est assez marginal de se dire que toutes ces pharmacies délivrent techniquement la même chose, mais que subjectivement il y en a une qui va mieux nous convenir. Le design doit pouvoir intervenir sur ce point : tant au niveau du rituel, que des mécanismes de vente ou de l’aménagement.

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P. M. Les pharmaciens sont-ils sensibles au concept retail ?

C.dB. Bien sûr, ce sont des commerçants ! Ils voient bien que le boulanger, l’opticien et le coiffeur ont changé leur aménagement. La rue s’est sophistiquée au fil du temps. Tout est devenu plus pro ! Il n’y a pas de raison que le pharmacien y échappe. C’est bien le même client qui passe devant tous ces commerces. Au début, les groupements se sont installés autour d’une logique d’approvisionnement et de back-office. Puis, certains ont demandé à leurs adhérents de mettre le nom du groupement en façade. Et, ensuite, ils ont progressivement codifié un modèle merchandising et architectural, mais l’application du concept est souvent restée au bon vouloir de l’adhérent. La performance d’un concept dans un groupement fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille entre adhérents. Et c’est la recommandation d’un de ses pairs qui va inciter l’adhérent à adopter un concept.

P. M. Vous avez travaillé pour le concept retail de la pharmacie jaune. Quels étaient les principaux objectifs de ce projet ?

C.dB. La pharmacie jaune était un sujet tactique de visibilité. Comment j’existe et comment je réussis à me faire repérer dans la rue. Après, nous avons déroulé cette promesse de l’extérieur à l’intérieur en faisant quelques aspérités avec peu de moyens. Et ça fonctionne !

P. M. Comment innover en pharmacie ?

C.dB. Les nouveaux concepts sont souvent liés à la personnalité du titulaire, en fonction de ses axes de prédilection : l’innovation produit, les nouvelles marques ou les services. Pour ma part, je trouve que l’on fait encore trop la queue à la pharmacie. La question du flux et de la logistique du flux est le sujet prioritaire. Comment réussir à fluidifier un magasin qui n’est qu’un stockage de clients ? Il faudrait pouvoir remplir son panier et partir, comme dans les Apple Store où la logique de la caisse est évacuée. Aujourd’hui, le comptoir reste un vrai bloqueur en pharmacie.

P. M. Comment associer digital et design en pharmacie ?

C.dB. Par exemple, en intégrant des linéaires digitaux derrière les caisses. Ou, en proposant du scan d’ordonnances. On pourrait aussi aller vers le drive ou l’automatisation de la pharmacie, avec juste un pharmacien qui vérifie l’ordonnance. Je pense qu’il y a plein de modèles sur lesquels la pharmacie va pouvoir innover grâce au digital.

P. M. Comment le design a-t-il évolué ces dernières années ?

C.dB. Les premiers sujets sur lesquels j’ai travaillé dans les années 90, sont finalement assez proches de ceux d’aujourd’hui. En revanche, les modes d’expression ont changé. Pour rendre une marque ou une enseigne cohérente, on travaille désormais d’un seul tenant, les mots, les images, les matériaux, les éclairages, les couleurs ou le digital… Notre métier est de chercher des moyens innovants qui vont permettre à une marque de grandir. Un travail de création de messages et de codes, qui intervient en amont d’une éventuelle amplification par les médias. Notre objectif est de créer de la préférence sur un marché.

DIRECTEUR GÉNÉRAL DU DÉPARTEMENT BRAND IDENTITY & ARCHITECTURE DE DRAGON ROUGE