Challenges : Les règles du jeu

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Publié le 20 novembre 2004
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Les challenges proposés par les laboratoires sont nombreux. Ils permettent à la fois d’individualiser la rémunération et de motiver les équipes. Mais attention aux abus ! Pour rendre un salarié performant il faut respecter certaines règles.

Les challenges sont en vogue en pharmacie. Ils sont le plus souvent proposés par les laboratoires qui en assurent la mise en place et la gestion, en rétribuant l’équipe. Le groupement Pharmavie (ex-Plus Pharmacie) en est un adepte pour dynamiser les ventes de ses adhérents. « Nous avons en moyenne trois concours à l’écoulement auprès de trois laboratoires différents par mois », précise Corinne Elfassy, responsable du référencement, chargée notamment de la mise en place des opérations promotionnelles. La durée de ses challenges interpharmacies est d’un mois. « En règle générale, les récompenses s’adressent aux équipes entières, mais l’adhérent peut ensuite les dispatcher comme il l’entend. Plusieurs critères d’attribution entrent en ligne de compte, comme le nombre de participants, le nombre de produits vendus par pharmacie et, surtout, le potentiel de vente de l’officine (CA HT, CA réalisé sur le produit concerné, emplacement commercial…) pour que les chances de remporter le concours soient équitables entre les participants. »

Les challenges connaissent généralement un vif succès auprès des équipes officinales. « Elles en redemandent ! », livre Cécile Poggi, responsable du réseau animation des ventes chez Arkopharma. Ce laboratoire n’hésite pas à consacrer environ 3 % du budget alloué à la promotion des ventes pour récompenser les équipes officinales de leurs efforts à la vente de ses produits. Un investissement payant : « Sur un mois, le challenge permet de réaliser 25 % de ventes supplémentaires », précise Cécile Poggi. Chez Arkopharma, les challenges sont de deux types. « Ceux mis en place par le département marketing concernent l’ensemble de l’offre Arkopharma, tandis que les commerciaux disposent d’un quota de challenges pour dynamiser un secteur donné. Tous les outils de formation et d’animation commerciale sont donnés aux équipes pour les aider à relever le challenge et atteindre des objectifs personnalisés en fonction de chaque officine. » Tous les produits vendus rapportent des points, mais certains plus que d’autres au moment des ventes saisonnières. La valeur des cadeaux dépend du pourcentage d’objectif atteint collectivement. « Afin de ne pas lasser les équipes, nous alternons sur deux ans les chèques cadeaux – d’une valeur de 15 ou 25 euros -, avec des cadeaux au vrai sens du terme. Par exemple, cette année nous avons offert des draps de bain et des peignoirs », précise Cécile Poggi.

Négocier avec les laboratoires. Mais la récompense la plus souvent octroyée par les laboratoires est le chèque cadeau « multienseigne », d’un montant modeste (10-25 euros). Brigitte Defoulny, gérante de la société de consultant Héliotrope, estime qu’il ne faut pas abuser des remises d’argent et que d’autres cadeaux, d’une valeur parfois même inférieure, peuvent avoir un impact psychologique plus important (par exemple deux places de cinéma). Elle suggère aux titulaires de mettre de côté les cadeaux à titre personnel que leur font les laboratoires (tels une cafetière, un sac de voyage, un magnum de champagne…) et de les mettre en jeu lors d’un prochain challenge. Même si la proposition est alléchante, « le pharmacien ne doit pas tout accepter du laboratoire et doit discuter des conditions du challenge en fonction de sa propre stratégie, conseille Brigitte Defoulny. Les challenges des laboratoires récompensent individuellement les meilleurs, alors que l’intérêt du pharmacien est de travailler la motivation globale et l’esprit d’équipe. »

Se montrer équitable. De plus, les challenges ne sont pas forcément simples à gérer car ils favorisent ceux qui sont le plus au comptoir. « Or, le rayonniste a un rôle important dans ce type d’opération », souligne Brigitte Defoulny. En effet, tout travail en plus effectué devant par le personnel à la vente donne plus de travail à l’arrière pour le personnel qui ne l’est pas. « Il faut donc éviter les challenges uniquement individuels qui favorisent l’individualisme au détriment de l’esprit d’équipe et d’entraide, et jouer sur les deux tableaux, la motivation individuelle et collective, pour créer une saine émulation. » Pour ce faire, elle suggère « de scinder la récompense en une partie collective et une partie individuelle ou un cadeau pour le meilleur ». Par ailleurs, « le challenge ne doit pas être trop long (un à trois mois au maximum) pour maintenir une émulation et une motivation satisfaisantes des équipes ». En général, il est rythmé par les saisonnalités des produits.

Dernier point essentiel : monter un système clair et légitime, en un mot équitable. Les collaborateurs doivent être récompensés selon un dispositif préétabli et connu de tous. « Les règles du jeu doivent être fixées, les objectifs quantitatifs et qualitatifs précisés et les modalités de répartition de la rémunération ou de la gratification clairement établies, conclut Brigitte Defoulny. Une participation financière, une prime ou un bon d’achat ne peuvent être mis en jeu qu’à condition de bien savoir les objectiver et de respecter les modalités précises du challenge, sinon mieux vaut s’abstenir ! »

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A revenir

– Privilégier les challenges à « double vitesse », individuels et d’équipe.

– Limiter le challenge à une période assez courte.

– Rester sous un certain seuil de récompense (par exemple 25 euros) et l’attribuer rapidement.

CONSEILS : LA MARCHE À SUIVRE

– Définir la gamme et les produits à associer.

– Promotion : merchandising, offre de prix, échantillonnage, vitrine, etc.

– Conseil : comment faire émerger un besoin potentiel ? Comment proposer habilement un conseil associé ? …

– Définir les objectifs quantitatifs : quelles quantités sur quels produits ?

– Définir les objectifs qualitatifs (à partir des points 2 et 3).

– Définir la rémunération et la répartition quantitatif/qualitatif sur la partie collective. Par exemple : 60 % sur le qualitatif (pour favoriser les efforts de promotion et de conseil) et 40 % sur le qualitatif (pour favoriser l’écoulement). Une telle répartition permet de récompenser les efforts fournis, même si la totalité des objectifs quantitatifs ne sont pas atteints, évite le risque de ventes forcées à effet négatif sur le long terme.

Vitalité n’est pas rivalité

Jean-Yves Pradier, titulaire à Castelnaudary (Aude), use avec modération des challenges. « Il ne faut pas tomber dans l’exagération ! Nous en organisons trois ou quatre par an, mais l’objectif reste de faire un bon conseil plutôt qu’une vente à tout prix, car en forçant la main du client, on risque de le perdre. Par ailleurs, la récompense est toujours collective car le conseil peut être fait par un collaborateur un jour et la vente réalisée par un autre lorsque le client revient pour acheter… »

A la pharmacie Marès, à Bègles (Gironde), les challenges sont organisés avec parcimonie. « Nous y avons recours de manière extrêmement nuancée », confesse Edouard Marès, estimant qu’ils peuvent être une arme de management à double tranchant : « C’est un facteur de dynamisation interne mais qui peut aussi entraîner des rivalités entre individus. » Ce pharmacien ne cache pas sa préférence pour les outils de motivation centrés sur l’équipe plutôt que sur la personne.

Sur le plan économique, il constate que les challenges provoquent principalement des transferts de ventes, voire une légèrement augmentation au global. Les résultats sont, selon lui, plus probants au niveau des marges et de l’écoulement des produits. Mais les quelques points de marge gagnés ne doivent pas être annihilés par un surcoût d’immobilisation des stocks.