Ça marche !
A peine instaurée en Ile-de-France, la mesure « tiers payant contre générique » est d’une efficacité redoutable. Ces bons résultats permettent d’espérer atteindre l’objectif national de 70 % et ainsi éloigner l’option d’un TFR généralisé.
Le dispositif fait couler beaucoup d’encre et se trouve parfois contesté par les pharmaciens et les patients, mais les chiffres sont là. Dans le département des Alpes-Maritimes, qui a adopté le premier la mesure en février 2006, le seuil des 70 % de taux de pénétration des génériques a été atteint fin octobre (contre 53 % en février). A Paris, qui applique la mesure depuis le 16 octobre, le taux de générique est passé de 51,7 % à 64 % en 15 jours ! Dans les Hauts-de-Seine, après un mois de septembre à 57,2 %, le mois d’octobre s’est clos à 63,9 %. Et pour la seule semaine de lancement du dispositif, du 23 au 29 octobre, le taux de délivrance a atteint 67,3 % !
« Je tiens vraiment à dire un grand merci aux confrères parisiens qui ont su répondre aux attentes, lance Daniel Halfon, président de la commission paritaire de Paris (délégué USPO). C’est la preuve que lorsqu’on veut donner des moyens aux pharmaciens sur un dossier important, ils savent répondre présent. La preuve aussi que l’on peut oublier la concurrence, dans une ville où l’on voit parfois une pharmacie tous les 50 mètres. »
« Cela passe comme un rien. »
La crainte de voir des patients refuser le générique au comptoir semble également s’estomper. « Les gens acceptent, parfois en râlant, mais, depuis le 23 octobre, nous n’avons quasiment pas eu de refus, peut-être un sur cent clients », témoigne Alain Rigal, vice-président de l’UNPF et délégué départemental des Hauts-de-Seine. « Cela passe comme un rien auprès des clients, se satisfait aussi Marie-Armelle Vanot, présidente du syndicat de Paris (FSPF). L’impact médiatique aidant, les gens étaient bien préparés à notre argumentation. Personnellement, j’ai eu deux refus en trois semaines, et ce sont des gens qui ont payé l’ordonnance. Les confrères que j’ai eus au téléphone ont également essuyé un ou deux refus et me disent que ça se passe très bien. Neuf clients sur dix en ont entendu parler. Aux autres, je sors l’affiche pour leur expliquer le principe et ça marche. »
Certes, il a bien eu quelques sérieux revers, notamment en Seine-Saint-Denis où le dispositif est à l’essai jusqu’au début décembre. « On essaye, mais on s’en prend plein la tête, fulmine Charles Khoury, titulaire à Drancy. Un patient a littéralement disjoncté et insulté violemment une collaboratrice. Elle était effondrée. Je sais que d’autres confrères ont frôlé l’agression physique. » Les responsables syndicaux ne veulent pas s’alarmer outre mesure. « J’ai bien conscience des difficultés rencontrées par certains officinaux qui subissent des contextes locaux tendus. Ce sont quelques cas, il ne faut pas généraliser, tempère Claude Japhet, président de l’UNPF. Cela ne peut pas fonctionner parfaitement partout tout de suite. Il faut se donner du temps. Chacun doit évoluer à son rythme. »
Merci Paris et l’Ile-de-France !
En tout cas, les résultats semblent si probants que l’on peut légitimement se demander si la mesure ne devrait pas être étendue à l’ensemble du territoire. « Ces actions doivent rester très localisées, tranche Jean-Pierre Lamothe, vice-président de la FSPF chargé de l’économie, à l’unisson des deux autres syndicats. Pourquoi les instaurer là où ça marche bien, là où les gens ont accepté le générique par démarche citoyenne et non sous la contrainte ? Ce serait même suicidaire. On sait bien qu’il y a beaucoup de freins locaux. Et puis, le pharmacien doit rester au coeur du système. Après tout, il peut très bien estimer que dans des cas très spécifiques (personne âgée par exemple) il faille y aller très progressivement ou même éviter le générique. » Finalement, ce sera sans doute la mise en place de cette mesure contraignante pour les patients qui permettra d’atteindre l’objectif de 70 % fixé au niveau national. « Sans Paris et l’Ile-de-France, l’objectif était perdu, confirme Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. Nous avions calculé qu’une croissance de dix points à Paris et dans les Bouches-du-Rhône ferait gagner un point au plan national. Sur l’Ile-de-France, l’électrochoc fonctionne, même si la mesure doit désormais être appliquée dans tous les départements de la petite couronne. Reste que sans Lyon (58,2 % en septembre) et Marseille (50,7 %), nous ne sommes toujours pas sûrs d’atteindre l’objectif. Je demande donc aux confrères de ces départements de prendre leurs responsabilités. »
A noter : La situation en Ile-de-France
Sur les huit départements de la région, seuls trois ont fermement adopté le dispositif (Paris, Hauts-de-Seine et Yvelines). La Seine-Saint-Denis « teste » la mesure jusqu’au début décembre. Le Val-de-Marne se lancera dans le courant du mois de novembre. Dans l’Essonne, la mesure, encore en discussion, a été « reportée » lors de la dernière commission paritaire locale. Enfin, le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne n’envisagent pas de l’appliquer.
ça peut aussi marcher avec la CMU et l’AME
De nombreux pharmaciens ne comprennent pas pourquoi la mesure « tiers payant contre générique » ne s’applique pas aux titulaires de l’AME et de la CMU. C’est simplement parce que la loi rend obligatoire le tiers payant pour ces deux catégories d’assurés. Mais rien n’empêche les officinaux de leur tenir le même discours qu’aux autres assurés. D’autant qu’AME et CMU semblent bien accepter le générique. Selon les chiffres communiqués par Daniel Halfon, président de la commission paritaire locale de Paris, le taux de génériques des bénéficiaires de la CMU, à fin septembre sur Paris, était de 4,4 points plus élevé que pour les autres assurés et de + 16 points pour les AME.
Alpes-Maritimes : de 49 à 70 % en 10 mois
Le département des Alpes-Maritimes a démarré le mois d’octobre à 70 % de taux de pénétration des génériques. Il était à 49 % en décembre 2005. La mesure a été adoptée en février 2006. « Tous les jours au comptoir nous avons des patients mécontents, et il y a encore un quart des confrères qui sont peu ou prou récalcitrants, mais nous avons adopté une politique et ont si tient. C’est un travail de longue haleine », commente Jean-Marie Soyer, président du syndicat départemental (FSPF). L’engagement des pharmaciens a donc parfaitement fonctionné et cela malgré la présence d’une forte population âgée puisque le département compte plus de 27 % de résidents de plus 65 ans. « N’importe quel département peut réussir à condition de ne pas griller les étapes, remarque Jean-Jacques Greffeuille, directeur de la CPAM. La mise en place de cette mesure a été précédée d’une longue période de négociations [presque une année, NdlR] avec la profession. Aujourd’hui, il semble que la population a pris le pli du générique. Nous n’avons reçu qu’une dizaine de lettres d’assurés mécontents. » Si le département a dépassé ses objectifs initiaux, il n’est pas question de revenir en arrière. La mesure sera pérennisée.
A noter : Le Leem dépose un recours
Le syndicat de l’industrie pharmaceutique vient de déposer un recours gracieux auprès de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie pour dénoncer les accords locaux de « tiers payant contre générique ». Christian Lajoux, président
du Leem, dénonce « des méthodes anticoncurrentielles et déloyales » et « un détournement du tiers payant au service d’une action comptable ».
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