Lâchons les freins !

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Publié le 28 juin 2008
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Les pharmaciens peuvent être fiers. Avec une progression en valeur de près de 20 % en 2007, le marché français des génériques pèse aujourd’hui près de 2 milliards. Le ressort du taux de substitution devenant difficile à améliorer, seuls une prescription renforcée dans le Répertoire et la création d’un « répertoire des équivalents pharmaceutiques » permettront de faire mieux.

Les chiffres de 2006 ressemblent peu ou prou à ceux de 2007, si ce n’est le regard que vous portez sur le développement de ce marché. Vous étiez 62 % en 2006 à juger qu’il s’est développé, contre 75 % en 2007.

En 2007, le médicament générique aura, une fois encore, connu une forte croissance. En valeur, les ventes ont progressé de 19 % pour atteindre un chiffre d’affaires de 1,9 milliard (source GERS). Les copies des princeps représentaient l’an dernier 19,8 % du marché des médicaments remboursables en volume et 10,1 % en valeur. Et pesaient plus des deux tiers du Répertoire en volume (747 millions de boîtes en tout). Les ventes de génériques ont permis de dépasser en 2007 le cap du milliard d’économie pour la Sécurité sociale. Preuve qu’ils occupent désormais une place centrale dans la politique du médicament et dans la maîtrise médicalisée en France.

Une fois encore, les pharmaciens n’ont pas failli à leur engagement de substitution fixé pour l’année 2007 à 75 %. Il est toutefois probable que sans la mesure « tiers payant contre générique », dont les impacts ont été très forts sur le marché l’an dernier, cet objectif élevé n’aurait pas été atteint. Le taux de substitution sur le Répertoire (à l’exclusion des produits TFR) a même atteint 82 % en décembre dernier.

Les mesures drastiques de baisses de prix mises en oeuvre en parallèle par le gouvernement ont également accru le rendement du dispositif au-delà de l’effet global escompté.

L’acceptation du générique reste toutefois un combat permanent. Selon un rapport d’étude « Freins à l’utilisation des médicaments génériques » datant de septembre 2007 (source BVA), certaines populations (les enfants, les personnes âgées) représentent encore un frein trop important à leur prise. Aussi, rassurer les patients pour favoriser la bonne observance des traitements par les génériques sera encore, pendant de nombreuses années, une des clés de la réussite sur ce marché. Mais l’implication des médecins par la prescription au sein du Répertoire des génériques est nécessaire pour consolider sa croissance.

En valeur, les ventes de génériques ont progressé de 19 % en 2007 pour atteindre un CA de 1,9 milliard d’euros.

Encore de belles perspectives !

La croissance des volumes et la pression sur les prix continueront d’imposer leur loi sur le marché. L’octroi de nouvelles conditions commerciales sur le générique (le nouveau plafond des remises légales de 17 % sur les génériques compensant l’abandon de marge arrière, plus la captation de la marge grossiste en tout ou partie) est sous-tendu par des baisses de prix ciblées et non uniformes (- 19 % pour l’oméprazole, – 17 % pour la simvastatine, – 15 % pour le ramipril et l’amlodipine).

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La dernière vague, de – 7 %, date de mai dernier et représente une nouvelle manne de 100 millions pour l’Assurance maladie. Cette politique de prix amène les génériques aujourd’hui à un niveau extrêmement bas et incompressible, selon le GEMME (Générique, même médicament, association de génériqueurs), qui estime que la poursuite d’une telle politique pourrait avoir des conséquences irréversibles sur l’attractivité de la France en matière de production industrielle.

Quoi qu’il en soit, le pharmacien reste au coeur du dispositif. Mais il faut se rendre à l’évidence : en ayant atteint l’objectif de 82 % de substitution, la profession ne pourra guère faire mieux en 2008. Aucun pays ne dépasse des taux de 85 % à 90 %. Sage, le nouveau contrat de substitution générique prévoit donc que les départements qui ont dépassé 82 % de substitution doivent se maintenir au-dessus de ce seuil en 2008, et que les départements retardataires qui ne l’ont pas encore atteint doivent s’y hisser.

La croissance du générique sera donc essentiellement portée par les nouveaux produits qui vont entrer tout au long de cette année dans le Répertoire.

L’Assurance maladie n’aura pas trop à patienter pour voir les économies arriver dans ses caisses. Sur l’amlodipine, molécule génériquée à partir d’août 2007, le taux de 70 % a été atteint et dépassé en moins de six mois. Et, d’une manière générale, en trois à quatre mois les génériques représentent 65 % des unités lorsque le brevet tombe.

Au programme des grandes échéances brevetaires 2008, les pharmaciens ont déjà eu rendez-vous avec celles de la clarithromycine (mai) et de la loratadine (juin). Sont également programmées celles du bicalutamide (juillet), de la fluvastatine (août), du fosinopril (novembre) et de la venlafaxine (décembre). Le tout représente un nouveau potentiel de substitution de près de 314 MEuro(s), auquel il faut rajouter 326 MEuro(s) correspondant aux échéances brevetaires de décembre 2007 qui se réaliseront en 2008. 2009 promet aussi d’être un excellent cru en termes de chute des brevets, apportant au marché un potentiel sans précédent de 1,323 milliard d’euros ! Puis, les moissons de 2010 et 2011 mettront respectivement en jeu 620 et 998 nouveaux millions d’euros. Bref, la période des trois années qui viennent va rester absolument comparable et la dynamique que connaît le générique va se poursuivre sans nul doute au même rythme.

L’an dernier, les copies des princeps représentaient 19,8 % du marché des médicaments remboursables et 10,1 % en valeur, pesant plus des deux tiers du Répertoire en volume.

Une érosion due au Répertoire unique en Europe

Plus de 60 nouvelles DC seront concernées et, à l’horizon 2010, toutes les molécules majeures des classes des statines, des IPP, des IEC, des antidépresseurs ou des antibiotiques seront disponibles à moindre coût. Le total des nouvelles économies attendues est encore alléchant. Sur cette période, le rythme d’au moins un milliard d’économies par an se maintiendra, toutes choses égales par ailleurs (poursuite de l’effort de substitution des pharmaciens, de la limitation des TFR, de la participation des patients encouragés par la mesure « tiers payant contre générique »…). Néanmoins, force est de constater que le modèle mis en place, à savoir limiter la substitution au Répertoire (une exception française !), touche à ses limites. Le potentiel de produits éligibles à la substitution se borne à 17 % en valeur du marché pharmaceutique global et l’entrée de nouvelles molécules au Répertoire n’est plus suffisante pour compenser le phénomène d’érosion (baisse du Répertoire exploité en valeur de 2,5 % en 2007 à 3,1 milliards d’euros). Rappelons que cette érosion tient à l’effet-prix et au transfert des prescriptions vers des médicaments non substituables plus onéreux (exemples : IPP, statines) chaque fois qu’une nouvelle molécule devient généricable.

Ce phénomène est également unique en Europe. Dans les autres pays, c’est l’inverse, une molécule qui devient généricable augmente sa part dans la classe thérapeutique concernée. Ce phénomène d’échappement est particulièrement frappant sur les grandes classes thérapeutiques. Ainsi, la part des prescriptions des IPP (antiulcéreux) hors brevets (oméprazole, lansoprazole) n’est que de 51 % (49 % pour les IPP sous brevets) contre 83 % au Royaume-Uni. Sur les statines, la propension des médecins à se détourner des spécialités généricables est encore plus forte : simvastatine et pravastatine ne recueillent que 38 % des prescriptions (62 % d’entre elles se reportent sur des statines sous brevet) contre 60 % au Royaume-Uni et 81 % en Allemagne !

A l’heure où plus de 90 % des patients sont favorables aux génériques et où tous les officinaux se sont engagés dans la substitution, seules 10 % des prescriptions médicales y font référence. Du fait de cette propension des médecins à se tourner vers des produits sous brevets, le Répertoire ne parvient pas à dépasser les 750 millions de boîtes par an.

Les deux premiers acteurs du générique en France sont Mylan (26,8 % de parts de marché) et Biogaran (22,5 %).

Des centaines de millions d’économie partent en fumée

Le hors-Répertoire, en captant la croissance du marché, fait que des centaines de millions d’euros d’économies partent en fumée. Selon les évaluations financières du Gemme, une prescription renforcée dans le Répertoire de médicaments génériques sur trois classes de médicaments (antiulcéreux, anticholestérolémiants et antihypertenseurs) de 3 % et 8 % permettrait d’accroître respectivement les économies de plus de 240 MEuro(s)et 600 MEuro(s).

Les échéances brevetaires représentent un potentiel de 314 millions d’euros en 2007, de 326 millions en 2008 et de 1,323 milliard en 2009 !

Constatant que l’érosion du Répertoire des génériques est plus forte chaque année, le Gemme tire la sonnette d’alarme. En 2007, le report des prescriptions n’a, pour la première fois, pas été compensé par l’entrée de nouvelles molécules. L’an dernier, il s’est ainsi érodé de 1,2 % en volume et est à l’origine de la restriction globale du marché (- 0,3 %). Jusqu’ici, les tentatives pour inclure le corps médical dans la politique du générique n’ont pas été couronnées d’un grand succès. Combien de temps encore les médecins pourront-ils s’y opposer ? Quelle politique d’incitation mettre en place ?

Pascal Brière, président du Gemme, propose la création d’un indice opposable de prescription dans ledit Répertoire sur lequel seront gagées les futures augmentations des honoraires médicaux.

Pour donner une nouvelle accélération au développement des médicaments génériques et libérer des potentiels d’économies, le Gemme a lancé deux autres pistes de réflexion, lesquelles, il faut bien le dire, relèvent aujourd’hui plus du défi : il prône l’élargissement d’une part de l’assiette du Répertoire des génériques et d’autre part du champ de la substitution (création d’un second répertoire pour les équivalents pharmaceutiques : patchs, sprays et aérosols, extraits végétaux, certaines crèmes et pommades…).

L’ensemble des mesures proposées par le Gemme permettrait une majoration des économies induites par le développement des médicaments génériques de 50 % à l’horizon 2010. La balle est maintenant dans le camp de l’Afssaps.

Un prix moyen de 3,24 euros

La France n’a pas à rougir du prix de ses génériques. Ayant vivement critiqué tant la méthode que les résultats de l’enquête IMS comparative des prix des génériques en Europe, le GEMME a repris à son compte cette étude en partant sur des bases non contestables et plus justes (en regardant à quels prix étaient commercialisés les médicaments génériques français dans les autres pays en 2007). Il ressort que le générique français est à un prix moyen de 3,24 euros par boîte, qui le situe juste dans la moyenne européenne. C’est au-dessus de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Espagne, du Danemark, de la Norvège et de la Suède, mais c’est en dessous de l’Italie, de la Belgique, de l’Autriche, de la Hollande, du Portugal et de l’Irlande.