Rouen mise sur sa faculté d’ouverture

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Publié le 19 janvier 2002
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Rouen, l’une des dernières facultés mixtes, regroupant pharmacie et médecine, est aussi l’une des plus petites. Mais le directeur de la section pharmaceutique Jacques Marchand a beaucoup d’ambitions pour sa faculté. Il mise sur une ouverture tous azimuts et milite pour la création de pôles de santé.

Les étudiants en pharmacie ont retrouvé le centre-ville il y a trois ans. Ils partagent avec les potaches de médecine des locaux flambant neufs, mitoyens du centre hospitalier universitaire Charles-Nicolle, après avoir passé une vingtaine d’années dans un campus entre forêt et usines sur une zone tertiaire de la périphérie industrielle de la ville. Car Rouen est avec Poitiers et Besançon l’une des trois dernières facultés mixtes de France.

A quelques rares problèmes de partage d’amphis près, la cohabitation avec les futurs médecins se passe bien. Si le second amphi prévu à l’origine avait été bâti, tout serait parfait… Pour le doyen Jacques Marchand cette mixité est plus que jamais un atout : « Nous allons chercher à développer, avec le doyen de la faculté de médecine, Christian Tuez, par ailleurs pharmacologue, des synergies en première année pour bien préparer le passage à l’année commune. »

Le département pharmacie est une petite structure. Au total, il compte, toutes années confondues, 685 étudiants dont 206 en première année pour cinquante-sept places en deuxième. Les étudiants se destinent majoritairement à l’exercice en officine. Dans la dernière promotion, trente d’entre eux se sont spécialisés dans cette filière, quatorze ont intégré la filière industrie et onze passent le concours d’internat.

Rouen fait de sa petite taille un atout en matière de convivialité et de qualité des relations enseignants-étudiants… « Ici, les enseignants sont accessibles en permanence aux étudiants », précise Dominique André, maître de conférences en chimie analytique, responsable de la filière industrie. Comme c’est le cas également avec les futurs employeurs. Le programme des enseignements de la filière industrielle a ainsi été défini par une commission mixte réunissant enseignants et industriels de toute la France. Ces derniers assurent aujourd’hui un tiers des enseignements.

Toujours dans le domaine industriel, le département pharmacie de Rouen a demandé l’habilitation d’une formation de droit, économie et management des industries et produits de santé qui déboucherait sur un DESS et serait créée avec l’institut d’administration des entreprises de la faculté de droit. L’objectif de ce projet est de former des pharmaciens pour qu’ils puissent occuper des fonctions de cadres des affaires réglementaires et juridiques dans les industries pharmaceutiques et cosmétologiques. Si l’habilitation est obtenue, cette formation démarrera à la rentrée 2002.

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Ce serait une première victoire pour la faculté qui ne dispose, au niveau du troisième cycle, que d’un unique diplôme d’université d’orthopédie et de petit appareillage. Le département pharmacie de Rouen a ainsi perdu, au bout de quinze ans, un DEA national de toxicologie de l’environnement qu’il partageait avec les universités de Metz et de Strasbourg. Michel Guerbet, maître de conférences en toxicologie et responsable de la filière recherche, a tout de suite réagi en créant à la place un certificat « Santé environnement » de maîtrise des sciences biologiques et médicales pour les étudiants de pharmacie et de médecine. Une vingtaine d’étudiants en pharmacie de 3e, 4e et 5e année le suivent. Ce certificat permet de préparer un troisième cycle universitaire.

D’autres partenariats sont également à l’étude : « Nous essayons d’établir des passerelles avec d’autres enseignements, notamment en droit avec l’institut universitaire de technologie d’Evreux… », souligne le doyen Jacques Marchand.

Dernier projet : « revivifier » un peu la formation continue. Pour le moment, elle se déroule en partenariat avec l’Union technique inter-pharmaceutique (UTIP) sous la direction du Pr Jean Costentin. Ces formations destinées aux officinaux sont décentralisées dans les grandes villes de la région.

La volonté d’ouverture se retrouve aussi dans la politique d’échange avec les facultés étrangères. « Rouen est l’une des premières à accueillir des étudiants canadiens. Deux Québécois sont désormais intégrés en permanence à la filière industrie, confirme Jacques Marchand. L’université du Québec accueille cette année trois étudiants normands en quatrième année pour un semestre. Deux Québécoises vont intégrer le second semestre de cinquième année à Rouen. Des échanges ont également lieu avec les universités de Valence et de Navarre en Espagne… » Un étudiant est par ailleurs parti en stage hospitalier à l’hôpital de Cluj-Napoca en Roumanie. Des liens étroits existent avec la faculté de cette ville de Transylvanie. Dans le cadre du programme Erasmus-Socrates de l’Union européenne, des enseignants et des étudiants normands participent à des échanges pédagogiques. Pour s’adapter aux contingences de ce fonctionnement international, la faculté a adopté depuis deux ans le principe des enseignements en semestres validés. Cette organisation lui permet de s’intégrer à la majorité des normes internationales de reconnaissance des acquis.

Le retour d’un jeune ancien

Le professeur Jacques Marchand, qui vient de reprendre les rênes de la section pharmacie de Rouen, en a déjà été le patron il y a vingt ans. Pour lui l’avenir est clairement à l’intégration des formations de santé dans des pôles spécialisés. « Le fait de nous situer à un peu plus de une heure de Paris est parfois un handicap… Nous avons ainsi beaucoup de mal à obtenir la création de formations de troisième cycle au prétexte qu’elles existent déjà dans les facultés de la capitale… », déplore-t-il Ce professeur de chimie thérapeutique est un fervent défenseur de l’intégration de tous les métiers de santé. « Je suis résolument pour la création de pôles de santé qui regroupent médecine, pharmacie, odontologie, kinésithérapie, sages-femmes et infirmières… » Il est convaincu que cette nouvelle organisation des études de santé bénéficiera à tout le monde. « Le rassemblement des différentes formations permettra aux étudiants de se présenter à plusieurs concours à la fois et de ne pas perdre inutilement du temps en première année… »

Une pharmacie-école à budget zéro !

Après plusieurs mois de travaux, François Mange (photo), titulaire et maître de conférences assistant associé à la faculté de Rouen, vient d’inaugurer la pharmacie-école. Elle a été aménagée avec des meubles de récupération, beaucoup de bonne volonté et un budget zéro…

« Le mot « partenaire » n’a aujourd’hui plus beaucoup de sens avec les labos, explique François Mange. Et les jeunes installés peuvent être des proies faciles face aux techniciens de la vente. Dans ces enseignements, j’essaye de leur apporter des notions de décryptage des méthodes utilisées par ces représentants. Dans la pharmacie-école, nous allons monter des jeux de rôles qui permettront aux étudiants de se retrouver en situation de négociation quasi réelle. Il s’agira d’apprendre à comprendre les commerciaux et également, dans le cadre de cette pharmacie-école, de découvrir les réalités du comptoir. »

Les étudiantes de sixième année approuvent. « Nous n’apprenons pas assez la réalité du titulaire et cet équipement devrait permettre de combler cette lacune… Mais il serait intéressant que des cours de gestion interviennent plus tôt dans le cursus de formation », concluent ces jeunes femmes qui s’apprêtent à partir en stage.