Pharmacien ès qualités

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Publié le 20 avril 2002
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L’Ordre s’est fait remarquer à Pharmagora. Notamment en organisant des conférences sur des sujets au coeur des préoccupations actuelles (insécurité) ou pleins de promesses d’avenir, comme les réseaux de soins ou la qualité. Thérèse Dupin-Spriet, maître de conférences en pharmacie clinique à la faculté de pharmacie de Lille et spécialiste de la qualité, a donné pour l’occasion une définition claire et convaincante de l’assurance qualité : « Elle vise à tendre vers un taux d’imperfection acceptable au regard du coût engendré, à la satisfaction de tous et en toutes circonstances. » Et l’outil récemment mis en place pour s’autoévaluer sur la qualité est le Guide d’assurance qualité officinale présenté par Anne-Marie Ardoin, membre de la commission qualité de l’Ordre. Cette dernière a toutefois tenu à rester réaliste en proposant de démarrer en douceur par une autoévaluation centrée sur la dispensation (à partir de questions concrètes).

Concrètement, l’objectif est d’améliorer l’image de marque de l’officinal qui assume de nombreux services, et responsabilités dans le cadre de l’acte pharmaceutique alors que la perception de la prestation officinale reste insuffisante. Ceci tout en gagnant du temps et de l’argent ! Le souci de l’Ordre a aussi été de devancer la mise en place de référentiels imposés par des instances extérieures à la profession.

Tous les officinaux ont maintenant reçu le Guide d’assurance qualité officinale. Il s’agit désormais de le faire circuler parmi l’équipe officinale… et de l’utiliser ! Mais comment ? Le préalable indispensable repose sur trois décisions : un engagement ferme et définitif du titulaire dans cette démarche, une sensibilisation de l’équipe.

Tout d’abord un état des lieux est nécessaire. Ce constat mesure les écarts entre l’existant et les objectifs. En pratique, une copie du guide doit être remise et remplie par chaque salarié puis les réponses sont synthétisées et les actions correctives décidées en commun.

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Une qualité optimale après des années d’efforts

Ensuite, il s’agit de mettre en place un plan d’action, avec la définition des priorités, des procédures écrites, la désignation d’un responsable et la détermination des délais. Un suivi sera ensuite nécessaire, histoire de ne pas le laisser s’assoupir au fond d’un classeur ! Un nouvel état des lieux doit donc être effectué après quelques mois… Ce sera le moment de rouvrir le Guide d’assurance qualité officinale.

L’équipe créatrice du concept a développé l’exemple du respect de la chaîne du froid et du contrôle de la température du réfrigérateur. Faites le test : analyse de la situation, mise en place de procédures, responsabilisation d’un collaborateur sur le sujet, suivi de cette mise en place… Vous serez surpris.

Mais ne soyez pas trop ambitieux : il est préférable de cibler les points qui pèchent vraiment et de s’attaquer à un seul à la fois. Une qualité optimale ne sera mise en place et maintenue qu’au terme de plusieurs mois voire plusieurs années d’efforts. Mais le jeu en vaut la chandelle et chacun pourra y trouver une place à sa mesure. Les réactions recueillies dans la salle étaient plutôt positives, comme celle de Corinne Dulieu, pharmacienne adjointe à Jambles (71) : « Je pense que l’avenir de l’officine passe par l’assurance qualité. Mais les titulaires sont parfois difficiles à convaincre. »

Les confrères étrangers étaient également très intéressés comme Faycal Bel Kahia, venu de Bizerte (Tunisie) : « Je suis venu chercher des idées pour progresser : après vingt-cinq ans d’exercice je découvre encore des choses. Développer l’assurance qualité permet aussi de se démarquer de ses voisins et d’améliorer les relations avec les clients. »

Donner raison aux réseaux

Le titre de la conférence « Oxygène, perfusions, nutrition à domicile : le monde de la santé est en mouvement » ne pouvait laisser indifférent. « Je ne suis pas sûr que le monde de la santé soit en mouvement. Ou alors si, sur ses deux jambes, entre les Invalides et le quai de Grenelle ! » Pierre-Yves Cousteix, président de la Fédération nationale des HAD, a ainsi souligné avec une pointe de cynisme que faire fonctionner un réseau de santé n’était pas une tâche facile. Et pourtant, la politique de santé s’oriente très nettement vers une démarche de prise en charge à domicile, forcément moins coûteuse pour la collectivité.

Le réseau fait appel à tous les métiers de la santé, aux établissements de soins publics ou privés, et intègre les institutionnels. Pour Dominique Brasseur, président du conseil régional de Haute-Normandie, « le défi à relever consiste à ancrer la profession pharmaceutique au sein du pool soignant dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens passés avec les institutions ».

Aujourd’hui, 46 projets locaux sont recensés dans toute la France. Le Conseil national de l’Ordre a décidé de créer un groupe de travail pour rassembler les « forces vives » voulant travailler dans cet axe. Une volonté qui est saluée par Marie-Jeanne Ourth-Bresle, présidente de la Fédération nationale des infirmiers. Elle a rappelé avec force le confort et la sécurité que représentait l’officine, notamment lorsque des patients sortent de l’hôpital avec des prescriptions incomplètes. Son souhait : que les pharmaciens développent encore plus la location de matériel.

Dominique Cherrasse, directeur de l’URCAM Ile-de-France a, lui, apporté un léger bémol, soulignant que la réponse ne dépendait pas seulement du volontarisme de chaque profession de santé mais aussi de leur coordination. La formalisation des engagements, la protocolisation des normes de soins sont pour lui impératives. Sans parler du financement. Tout ceci fait que la mise en réseaux est complexe et balbutiante. « Il y a déjà des chapelles, avant même que l’on ait un culte pour les justifier », a-t-il constaté. Depuis la salle, Michel Leroy, titulaire à Paris et membre d’un réseau, a interpellé les intervenants : « La coopération entre pharmaciens d’officine et structures d’HAD est chaotique. Je serais gestionnaire d’un réseau, j’achèterais en direct sans passer par la pharmacie. L’idéal serait que nous ayons un monopole dans la facturation du TIPS. » Une demande fermement repoussée par le directeur de l’URCAM. – L.L.