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Marier éthique et rentabilité
Qui n’avance pas recule. La Pharmacie Ambrussum illustre bien le vieil adage : réaménagement, robotisation, services à valeur ajoutée, formations pointues, prospective… Les titulaires et l’équipe vont de l’avant même en période troublée.
Asa création l’officine disposait d’à peine 20 m2 d’espace de vente avec deux comptoirs seulement, pour un total de 80 m2. La première extension a permis de gagner 40m2 supplémentaires pour aménager un bureau et un lieu de stockage. Depuis, la ville s’est étendue, les lotissements ont grignoté la campagne et jouxtent l’officine. Grâce au départ de la voisine, il y a neuf ans, les titulaires ont acheté une seconde grange. « Nous avons tout rasé pour offrir à nos clients un espace de vente de 90m2 et, au départ du locataire de l’étage, nous avons lancé une troisième extension qui permet désormais de disposer d’un espace de vente de 200m2 pour un total de 400 m2 », explique Cyril Lefèvre. Après l’association avec ses parents, de 1999 à leur retraite, il s’est associé à 50/50 en 2003 sous forme de SNC avec Christophe Dibillon.
« Nous avons opté pour ce dispositif tant que la question des sorties de SEL n’a pas été résolue. » Le chiffre d’affaires, qui était de 1,5M€ en 2003, l’année de leur association, a doublé en cinq ans pour atteindre 3M€ en 2008. Il était de 900 000 € en 1999. Les deux titulaires estiment avoir été jusque-là privilégiés. « La pharmacie Ambrussum est la seule au nord de la ville. Nous avons un parking de 8 places – que d’autres n’ont pas – et les stationnements plus près du centre sont payants », note Cyril Lefèvre. Le cotitulaire évoque aussi la qualité de travail de son équipe et la rapidité de service. Il ne crie pas victoire pour autant, car si la croissance de l’officine a été bonne l’an dernier, elle a fortement ralenti en un an, passant de 10 à 4 %. « Nous subissons comme tout le monde l’ensemble des mesures prises par le gouvernement pour combler le déficit de la Sécu », rappellent les deux titulaires.
La robotisation, point d’orgue du réaménagement
En 2004, la Pharmacie Ambrussum a investi dans un robot Tecnilab pour gagner en efficacité. « Nous n’avions que quatre comptoirs, mais avec le flux croissant de clients nous nous sommes rendu compte que tôt ou tard nous n’allions plus pouvoir servir correctement », expliquent Cyril Lefèvre et Christophe Dibillon Première étape : 3 modules Mouvtec pour les fortes rotations puis, deux ans après, un module HDI pour les faibles rotations. Résultat : éloignement du stock, rapidité de délivrance au comptoir et présence auprès du client. « Cela permet une meilleure convivialité et nous sommes ainsi 5 minutes de plus avec les patients en même temps qu’on délivre l’ordonnance. En retour, les clients nous ont fait savoir qu’ils aimaient bien venir ici parce qu’ils sont servis rapidement. » La facilité d’utilisation de cet outil est un autre atout non négligeable : « Toute l’équipe sans exception sait l’utiliser, la nouvelle employée a su s’en servir en une semaine, et les pannes sont, pour l’essentiel, assez faciles à gérer. »
« Nous allons désormais nous calmer sur les travaux ! », lâchent les cotitulaires. Il y a trois ans, l’officine a été refaite intégralement : maçonnerie, mobilier flambant neuf… Investissement : 300 000 €. Pour les nouveaux aménagements de leur surface de vente, les pharmaciens ont fait appel à Jean Rolland, un agenceur de Mauguio qui a travaillé sur le gain d’espace et la modernisation des lieux. La Pharmacie d’Ambrussum s’est teintée de vert anis (carambol) et de marron foncé (bois), des couleurs assez flashy qui rappellent l’officine. « Nous sommes plus souvent ici que chez nous, autant que ce soit beau, sans être trop luxueux », expliquent Cyril Lefèvre et Christophe Dibillon. Les deux confrères ont donc veillé à l’agréable sans tomber dans l’ostentatoire. « Il fallait que ce soit différent de ce que l’on voit ailleurs. »
Des meubles bas ont été posés sur un sol vert anis, de larges bandeaux marron suggérant les voies de circulation. Le tout veut donner une vision claire de la distribution de l’espace de vente et doit permettre aux clients de se diriger plus facilement dès leur entrée dans la pharmacie. Il y a ainsi peu de présentoirs et de PLV. Six comptoirs aux jolies formes cylindriques, eux aussi de couleur vert anis et marron, ont été répartis dans l’officine. S’ajoute une ambiance olfactive et sonore que leur a proposée la société Midiscom. Ici, les senteurs suivent le rythme des saisons : au printemps, des senteurs de fruits, en été le monoï, en automne la fleur de vigne et l’orange en hiver. Pour les sons, audibles dès l’entrée, la société toulousaine envoie chaque mois un CD de musiques « pas trop envahissantes, pour éviter qu’elles ne prennent trop de place et fassent oublier au client pourquoi il est là », explique Cyril Lefèvre. L’équipe elle-même accueille la clientèle dans des tenues inhabituelles. Elles leur sont proposées par des magasins de vêtement spécialisés dans les marques telles qu’Oxbow, par exemple. Pour la signalétique l’espace de vente doit pouvoir rester en mouvement. On use plutôt de bandeaux d’ambiance en fonction des secteurs, comme c’est le cas pour la para.
La dermocosmétique à l’honneur
Afin de développer leur rayon dermocosmétique, les titulaires ont envoyé une de leurs préparatrices se former pendant trois semaines chez Giorgifont pour y apprendre les bases du métier. Au programme, les soins du visage et les techniques de vente mises en oeuvre par les esthéticiennes. « Dans les boutiques de cosmétiques, il existe des techniques de vente et de merchandising. Nous ne voulions pas que des professionnelles viennent pour des démonstrations dans notre officine alors qu’elles sont payées à la vente par les laboratoires », indique Cyril Lefèvre. Les titulaires, qui préfèrent la manière douce, ne tiennent pas à ce que leurs clientes se sentent contraintes d’acheter les produits vantés du fait de leur présence à une animation.
La préparatrice qui s’occupe du rayon parapharmaceutique et dermocosmétique est désormais à même de proposer un conseil individualisé, beaucoup plus efficace : « Nous avons enregistré une progression du secteur, et surtout une reconnaissance par nos clientes qui demandent à s’adresser à notre préparatrice pour ces questions. » Outre des gammes de produits classiques, l’officine a misé sur une dermocosmétique haut de gamme en choisissant des niches telles que Filorga, un produit technique « qui a un très bon retour client », Taaj ou encore Isobot Oxylift doté d’un coefficient intéressant.
Miser sur l’orthopédie
L’officine dispose également d’un stock important dans le secteur de l’orthopédie et se félicite de posséder beaucoup de produits que peu de pharmaciens proposent et quelques niches : par exemple des genouillères articulées spécifiques blocables, des orthèses immobilisantes de la cheville pour des entorses graves à fracture (Canigaloc), des orthèses de main ou de l’orthopédie pédiatrique (immobilisation de bras, bandage claviculaire, petite chevillère). « Ce sont des ventes ponctuelles mais c’est une image de marque », assurent les cotitulaires. La contention est aussi un secteur important pour l’officine. « Nous avions commencé en vendant de la contention «à prix Sécu», et nous ne faisons plus de dépassement. » En outre, l’officine propose plusieurs marques (Varisma en direct, Sigvaris par le groupement, etc.). Tout son personnel est formé à ce sujet et une préparatrice est plus particulièrement chargée du secteur.
Des formations pour un meilleur service à la clientèle
Stages de merchandising, management, vente communication, conseil associé, maintien à domicile, pédiatrie, oncologie… La formation est ici une règle. Les titulaires proposent un choix de thèmes en relation avec le travail de l’officine. « Même si cela prend du temps c’est important », clament les cotitulaires. Tout le monde est ainsi allé au moins une fois par an pour une formation de 2 à 4 jours à Carla Ecole. Depuis deux ans, des formations ont été également mises en place avec l’Association des pharmaciens de Méditerranée, un groupement héraultais dont Cyril Lefèvre est directeur de développement. « Nous essayons d’envoyer au moins une fois par an tous nos salariés, et nous privilégions les formations à l’extérieur. Elles sont plus efficaces lorsqu’elles durent un jour ou plus. » Les formations des laboratoires dispensées in situ, entre 12 et 14 heures, sont complémentaires. « C’est pratique, et nous réglons une heure supplémentaire, cela motive le personnel et aide au bon fonctionnement de l’officine. Une équipe bien dans ses baskets, cela se ressent et ça insuffle une bonne image à l’officine », remarquent les cotitulaires.
Se regrouper pour anticiper
L’Association des pharmaciens de Méditerranée, à laquelle adhère la Pharmacie Ambrussum, a été créée dans l’Hérault en 1995. Elle n’intervient que dans le département de l’Hérault et compte 216 pharmaciens adhérents sur un total de 400. « Nous avons plus de 50 % de part de marché et nous sommes les seuls à proposer des produits bio et un meuble OTC », note le Cyril Lefèvre. L’association a lancé une gamme Simplybio début mars labellisée Nature et Découvertes et revendiquant les prix les plus bas, et créé un meuble pour mettre en avant l’OTC. Il y a dix ans, elle a créé son propre salon annuel avec des laboratoires partenaires. « Il y avait 4 laboratoires et 30 personnes à la première édition, 40 et 600 à la dernière », se félicite Cyril Lefèvre. L’APM, qui travaille en partenariat avec la CERP pour la logistique, permet des achats groupés et développe pour ses adhérents un secteur agencement, conseil et merchandising.
« Il va falloir trouver de nouveaux marchés à développer, estimentCyril Lefèvre et Christophe Dibillon, conscients que leur profession est à un tournant. Notre métier va continuer d’exister, mais sous quelles formes ? Pour subsister il vaut mieux évoluer. » Les pharmaciens misent sur l’anticipation, tablent sur un exercice qualitatif du métier : conseil, service, capacité d’orienter les patients vers des spécialistes, aptitude à répondre à toute demande… « Il faut améliorer la qualité de notre service si nous voulons lutter contre les grands groupes », exhortent-ils. Face à l’uniformisation des chaînes que pourrait entraîner l’ouverture du capital, ils prônent un regroupement et une solidarité plus forte des officines indépendantes. « Il y a aura probablement une entrée de capitaux, mais l’impact devrait être limité. La remise en question du quorum est un tout autre risque. Ramener le nombre de pharmacies à 17 000 est un motif suffisant pour nous amener à anticiper, en ne craignant pas de nous remettre en question et de nous moderniser », résument-ils.
Lunel (Hérault)
Pharmacie Ambrussum Lunel (Hérault)
CA 2008 : 3 M€
Répartition :
– 79% de médicaments
– 7% d’OTC
– 6% de parapharmacie
– 6% de MAD
Equipe : 8 personnes
– 2 titulaires
– 1 assistant
– 4 préparateurs
– 1 secrétaire
Surface totale : 400 m2
Surface de vente : 200 m2
Stockage (réserves + robot) : 120 m2
Fréquentation : 250 clients par jour
Panier moyen : 39 euros
Coût du réaménagement : 300 000 €
Groupement : Association des pharmaciens de Méditerranée (APM)
ZoomL’oncologie à l’officine
La Pharmacie d’Ambrussum consacre une part de son activité à l’oncologie et est à même de gérer la maintenance, qu’il s’agisse de poches de stomie, de prothèses mammaires et capillaires ou de la connaissance des traitements spécifiques (effets secondaires et conseils associés, problèmes de nutrition et compléments alimentaires, nutrition entérale et parentérale…). « Quand les clients savent que nous sommes à même de répondre à leurs besoins, c’est assez valorisant bien que difficile à mettre en place, explique Cyril Lefèvre. Nous préférons assurer l’ensemble de la prestation et être capables de répondre à tout type de demande. Les médecins de la ville le savent, même s’ils ont encore tendance à diriger leurs patients vers les magasins de matériel médical. » La formation est indispensable : les deux titulaires possèdent un DU d’orthopédie, et Cyril Lefèvre s’est formé sur les prothèses capillaires. La pharmacienne assistante a pour sa part suivi un DU d’oncologie (un an en alternance), complété d’une formation sur les prothèses mammaires avec Amoena et sur les prothèses capillaires. En octobre, l’ensemble de l’équipe officinale bénéficiera d’une session en cancérologie donnée par le groupement APM.
Libre accès
Concocté par le groupement APM, le meuble destiné à l’OTC en libre accès, très bien placé dans l’officine, attire l’oeil par ses couleurs vives.
Espace enfants
Une zone astucieusement délimitée permet aux plus jeunes de patienter en s’amusant.
Espace orthopédie
Outre les formations spécifiques et le large référencement, la pharmacie dispose aussi d’un local accueillant pour les essayages.
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