L’impact du nouvel arrêté de marge

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Publié le 15 mars 2008
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Publié le 6 mars, l’arrêté de marge des grossistes (quatrième tranche à taux zéro) apporte aussi une modification de taille aux conditions commerciales de l’officine. Le pharmacien peut désormais intégrer en toute sécurité dans sa marge tout ou partie de celle du grossiste-répartiteur lorsqu’il achète au prix fabricant hors taxes.

L’arrêté abaissant la marge de la distribution en gros (répartiteurs et vente directe) a paru au Journal officiel le 6 mars dernier. Une publication pour le moins attendue par les officinaux puisque ce texte modifie également le texte de 1987 concernant les éléments constituant leur marge. Comme prévu, l’arrêté indique que le pharmacien peut désormais accéder légalement à tout ou partie de la marge du grossiste lors de ses achats de médicaments remboursables, quel que soit le circuit d’approvisionnement. Il précise en effet que les pharmaciens pourront négocier avec leur fournisseur (grossiste-répartiteur ou vente directe) « le cas échéant, tout ou partie » de leur marge (soit 9,93 % pour la première tranche de la nouvelle MDL des répartiteurs et non plus 10,30 %).

Baisses de prix : écoulement des stocks jusque début juin

Conséquence immédiate : l’arrêté de modification de marge des répartiteurs donne le coup d’envoi des baisses de prix sur quasiment tous les médicaments remboursables. Pour ne pas compliquer la tâche des industriels concernant le revignetage, le gouvernement a décidé de synchroniser les baisses de prix consécutives à cet arrêté de marge avec celles prévues sur les génériques. Les nouveaux prix devront être effectifs d’ici début juin. Le texte précise qu’« à titre transitoire, les grossistes-répartiteurs et les pharmaciens d’officine peuvent continuer à commercialiser et délivrer les unités détenues en stock comportant des vignettes mentionnant le prix public résultant des dispositions antérieures au présent arrêté pendant une période de trois mois à compter de sa publication ». Dans ce laps de temps, qui expire donc le 6 juin, elles continueront à faire l’objet d’une prise en charge ou d’un remboursement.

170 millions perdus sur le générique

Cet arrêté de marge est pris en concordance avec la loi Chatel votée fin 2007 entérinant l’accord entre les syndicats pharmaceutiques et le gouvernement sur les remises et marges arrière. A savoir que les marges arrière sont supprimées mais, en contrepartie, le plafond de remise légale passe de 10,74 % à 17 % du PFHT. De plus, cette remise est applicable à tous les génériques avec ou sans TFR comme aux princeps sous TFR. L’accord a pris effet au 1er janvier 2008. Cette rémunération spécifique doit s’accompagner en contrepartie de baisses de prix ciblées de certains médicaments génériques à hauteur de 100 millions d’euros.

Concernant les remises, ces nouvelles dispositions ne pénalisent pas l’officine sur les génériques sous TFR dont la remise légale était plafonnée à 2,5 % (le pharmacien a droit désormais à 17 % de remise, contre 2,5 % + 15 % de marge arrière en 2007). En revanche, elles se traduisent par une perte de marge d’environ 7 points sur les génériques hors TFR (17 % en 2008, contre 10,74 % + 15 % en 2007). C’est donc l’officine qui finance indirectement les 100 millions d’euros de baisse des prix des génériques.

S’agissant maintenant des baisses des prix ciblées sur les génériques, la FSPF évalue la perte pour le réseau à 33 millions d’euros de marge et à 21 millions de conditions commerciales potentielles. « A cela, il convient d’ajouter les effets de la dernière vague de TFR entrée en application le 1er novembre 2007 qui devraient se traduire par une perte de marge de 15 millions en année pleine », estime Philippe Besset, président de la commission Economie à la FSPF.

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Au total, ce sont environ 170 millions d’euros qui seraient perdus par les pharmaciens rien que sur la partie génériques. Malgré cet abandon de marge et de remises, l’accord avec le gouvernement est jugé équitable par ce syndicat puisqu’il sécurise une pratique existante et pérennise les conditions commerciales de l’officine.

Un déplafonnement des remises qui ne dit pas son nom ?

Pour sa part, Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, estime que l’évolution de la réglementation et la libéralisation des remises vont permettre de sortir enfin d’une non-concurrence organisée entre répartiteurs, mais aussi au pharmacien de mieux acheter. Les répartiteurs n’ont pas à craindre pour leur flux s’ils savent se recentrer sur leur métier de logisticien et leur rôle de partenaire de l’officine, juge-t-il.

Les grossistes-répartiteurs ne font pas la même analyse. Ils sont convaincus que les nouvelles règles d’achat des médicaments inciteront les officinaux à faire davantage de direct. Pour Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, le nouveau dispositif vise à déplafonner les remises. Non pas à hauteur de 17 % et 2,5 %, comme pourrait le laisser croire la nouvelle rédaction de l’article L. 138.9 du Code de la Sécurité sociale, mais à 17 % ou 2,5 % + la marge du grossiste ! « Nous sommes arrivés à des niveaux de remise quasiment libéralisés », estime-t-il.

Tolérance zéro de la part de la DGCCRF

Malgré cela, on ne peut imaginer que les répartiteurs abandonneront tout ou partie de leur marge, même sous la pression d’une concurrence retrouvée, alors que leurs ressources diminuent et que leurs obligations augmentent. Il y aura mécaniquement une conséquence sur l’aval, et donc sur les remises. Selon la Répartition, la marge du grossiste devrait tomber à 5,5 % fin 2008 (toutes catégories de médicaments confondues et après prélèvement de la taxe ACOSS). Dès lors, la question est posée : la possibilité d’obtenir tout ou partie de la marge du grossiste suffira-t-elle à compenser la rétrocession de 7 points de marge (perte de 15 % de marges arrière mais gain de plus de 6 points de remise avant) ? les baisses de prix des génériques ? et la baisse prévisible des remises accordées par les répartiteurs en raison de leur propre baisse de marge ?

Philippe Besset ne s’attend pas à ce que la pharmacie récupère par ce biais une « manne » importante. Pour les médicaments de prescription obligatoire comme Plavix, le fabricant n’aura aucun intérêt à vendre moins cher au pharmacien qu’au grossiste, constate-t-il en toute logique. En revanche, Philippe Besset estime que le pharmacien pourra retirer une rémunération supplémentaire de la vente des médicaments remboursables de prescription facultative, pour lesquels il peut être le décideur de l’acte d’achat du patient dans le cadre de son conseil.

Voilà de quoi raviver la concurrence entre fabricants d’OTC et fabricants de vignetés, dans la mesure où ces derniers peuvent être conseillés par le pharmacien à la place d’un « OTC pur ». Voilà peut-être même de quoi contrarier l’essor d’un marché de la médication familiale (non-vigneté) qui commençait à reprendre des couleurs depuis deux ans ! « Ne nous trompons pas de combat et d’analyse, met en garde Philippe Besset, la meilleure façon de compenser les pertes induites par la loi Chatel et les baisses de prix des génériques est d’augmenter la substitution dans le Répertoire. »

Maintenant que les conditions commerciales sont clarifiées, les pharmaciens et leurs partenaires ont intérêt à bien se tenir car il faut désormais s’attendre à une tolérance zéro de la part de la DGCCRF. Pourtant, tous les pharmaciens ne semblent pas avoir pris pleinement la mesure des risques encourus en cas de contournement de la loi. Selon nos informations, la pression de certains officinaux reste forte pour réclamer aux génériqueurs des marges arrière alors que celles-ci ne peuvent absolument pas se surajouter aux 17 % de remises maximum. Selon Gilles Bonnefond, les contrats de coopération sur les génériques n’ont plus aucun intérêt et leur maintien peut même paraître suspect. Néanmoins, « la loi Chatel précise que toute relation commerciale entre un fournisseur et son distributeur doit faire l’objet d’une convention écrite indiquant le niveau des remises applicables sur l’année », rappelle Pascal Brière, président du Gemme. La fenêtre de tir devient donc étroite sur les coopérations commerciales. « Les génériqueurs peuvent toujours proposer des contrats de coopération sur des produits non éligibles aux 17 %, correspondant aux 5 % de médicaments non remboursables inscrits au Répertoire des génériques », ajoute-t-il. Mais s’agissant de produits qui ne sont pas des poids lourds de la substitution, une rémunération disproportionnée par rapport au CA réalisé et à la valeur du service rendu ne manquerait pas d’éveiller les soupçons

La nouvelle MDL du grossiste-répartiteur

Les taux de rémunération qui s’appliquent désormais aux répartiteurs sont de 9,93 % pour la partie du prix fabricant hors taxe (PFHT) du médicament comprise entre 0 et 22,90 euros, 6 % entre 22,91 et 150 euros, 2 % entre 150 et 400 euros et 0 % au-delà de 400 euros.

Formules de passage du PFHT au prix public (PPTTC) :

-Pour un produit au PFHT < 22,90 Euro(s) :

PPTTC = PFHT x 1,3889 + 0,5411

-Pour un PFHT compris entre 22,91 Euro(s) et 150 Euro(s) :

PPTTC = PFHT x 1,1844 + 5,2243

-Pour un PFHT compris entre 150,01 Euro(s) et 400 Euro(s) :

PPTTC = PFHT x 1,1027 + 17,4763

-Pour un PFHT > 400 Euro(s) :

PPTTC = PFHT x 1,0823 + 25,6443