« Les laboratoires ont perdu leur mainmise sur les officines »

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Publié le 28 août 2010
Par Stéphanie Bérard
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Avec la montée en puissance des groupements et des enseignes de pharmacies, le mode de fonctionnement des laboratoires et des officines semble être sur le point de changer. Les groupements deviennent maîtres du jeu et des similitudes apparaissent avec le mode de fonctionnement de la GMS à en croire une analyse qu’a publié le cabinet de conseil Arkose. Décryptage par son président, Olivier Lauriol.

Le Moniteur : Le développement des groupements inquiète-t-il les laboratoires ?

Olivier Lauriol : Avec la montée en puissance des groupements, la donne change. Les laboratoires ne peuvent plus ignorer le poids que prennent ces structures, et en particulier les enseignes. Cette évolution du secteur officinal présente des similitudes avec le début de l’ère de la grande distribution. Tout comme la GMS il y a quelques années, les groupements adoptent clairement un positionnement marketing, affichant la volonté d’attirer en leur sein un grand nombre de points de vente.

Cette évolution entraîne-t-elle un changement dans les relations entre les officines et les laboratoires ?

Oui, c’est incontestable. La politique de prix agressive de certaines officines, le développement de marques distributeurs, ou encore le recrutement de cadres issus de la GMS par les groupements contribuent à tendre les relations commerciales avec les laboratoires, qui ne peuvent plus imposer leurs conditions à chaque officine.

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Le récent décret autorisant la création de centrales d’achats risque-t-il d’accentuer cette tendance ?

Oui, certainement. Les structures régionales d’achat laissent toute latitude aux groupements de faire pression sur les conditions commerciales des laboratoires. Cette évolution risque de remettre en cause les conditions commerciales telles qu’elles étaient négociées. Jusqu’ici, en effet, le laboratoire fixait les règles et s’efforçait d’avoir la mainmise sur les officines, notamment les plus performantes, en proposant des conditions particulières de remise et de livraison. Or, désormais, ce sont les centrales qui, en tant que représentantes d’un nombre croissant d’officines, pourront fixer elles-mêmes les règles commerciales. On retrouve, ici, le même rapport de force entre les acteurs de la grande distribution et leurs fournisseurs.

Quelle doit être la réaction des laboratoires ?

Ils doivent d’ores et déjà accepter que les groupements sont incontournables. Plutôt que de négocier avec chaque officine, ils doivent dès maintenant construire une relation commerciale avec ces structures afin de voir exposer leurs produits, ou même proposer aux groupements une rémunération d’un pourcentage du chiffre d’affaires s’ils sont mis en avant. C’est un sujet sur lequel certains groupements et laboratoires réfléchissent de manière concrète. De même, alors que les laboratoires ont toujours refusé de collaborer avec les groupements pour la fabrication de leurs marques distributeurs, maintenant ils commencent à y venir. Ils comprennent que les MDD sont une stratégie incontournable pour une enseigne.

Comment voyez-vous l’évolution du secteur officinal d’ici cinq ans ?

Les officines vont sans doute se réduire en nombre. La tendance au regroupement devrait se renforcer davantage, avec une forte volonté de différenciation marketing. Cette évolution signe l’amorce des chaînes. Il n’est alors pas inconcevable que les officines évoluent peu à peu vers un modèle de franchise.