LES CLÉS POUR JOUER COLLECTIF

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Publié le 7 juillet 2012
Par Chloé Devis
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Réaménagement, agrandissement, transfert, nouveaux outils… Petits ou grands changements rythment la vie d’une pharmacie mais leurs répercussions sur les salariés sont parfois sous-estimées. Voici quatre clés pour emporter l’adhésion de ses troupes.

1 Préparer le terrain

« Une stratégie d’accompagnement du changement tournée vers les salariés exige certes un investissement en temps et en argent, mais elle se révèle rapidement payante en évitant les coûts liés à des retards ou des blocages », souligne David Autissier, maître de conférences à l’université Paris-Est-Créteil et auteur de l’ouvrage Les Stratégies de changement. Premier réflexe : se poser les bonnes questions en amont. Quels seront les effets du projet sur chaque poste au sein de l’officine ? Quelles réactions attendre en fonction des profils psychologiques de chacun ? « Il faut pouvoir évaluer pour chaque membre de son équipe le niveau de rupture, parfois très symbolique, que représente un changement, et ce, au-delà de sa nature et de son ampleur », explique David Autissier. « Or, ce ne sont pas forcément les évolutions les plus importantes en apparence qui vont être les plus compliquées à faire accepter. Par exemple, une modification du planning ou des horaires peut poser plus de problèmes qu’un déménagement à 300 mètres », renchérit Philippe Lévy, dirigeant du cabinet Neopharma.

Une fois posé, ce diagnostic permet d’élaborer la feuille de route du calendrier opérationnel. Celle-ci définit la manière de présenter le projet et d’obtenir l’adhésion de l’équipe avec des arguments différenciés et listés à l’avance, mais aussi les outils de communication et les éventuels apprentissages et formations à mettre en œuvre ainsi que le timing de ces différentes phases.

2 Communiquer de manière ciblée

Faire part de ses intentions dès l’amorce d’un changement est essentiel pour désamorcer rumeurs et inquiétudes. « On peut tout à fait annoncer à ses collaborateurs qu’on est en réflexion sur un projet sans en révéler aussitôt la teneur, mais en précisant qu’il est de votre priorité de les impliquer le moment venu », affirme Philippe Lévy. Frédéric Laurent et son associé Alexandre Dory, de la Pharmacie des Thermes à Merkwiller-Pechelbronn (Bas-Rhin), ont ainsi informé leur équipe du projet d’agrandissement et de réaménagement de leur officine un an et demi à l’avance tout en communiquant tout au long de l’opération autour de l’avancée des travaux.

Selon l’ampleur du projet, aucun moyen n’est à négliger. On peut profiter des réunions d’équipe habituelles mais aussi, pourquoi pas, organiser « une soirée de présentation du projet final associant les partenaires éventuels comme l’agenceur et les consultants dans le cas d’un réaménagement », suggère Philippe Lévy. En complément, un document écrit aura l’intérêt de pouvoir être rapporté chez soi pour être discuté en famille par les collaborateurs.

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En parallèle de cette communication « officielle », accordez un traitement particulier aux collaborateurs les plus inquiets en prévoyant des entretiens individuels. Questionnez le salarié pour cerner les motifs de ses inquiétudes et montrez-vous compréhensif avant de le rassurer. De manière générale, positivez : insistez sur ce que vos collaborateurs ont à gagner dans le changement engagé. « Ainsi, si l’on souhaite ouvrir plus tôt, l’objectif est de pouvoir expliquer en quoi ces nouveaux horaires permettraient de capter une nouvelle clientèle, avec augmentation du chiffre d’affaires à la clé, puis de chercher à savoir quels sont ceux dans l’équipe qui pourraient être intéressés par ces horaires matinaux ou par un départ plus tôt le soir », suggère Philippe Lévy (Neopharma).

Autre cas de figure : l’arrivée d’un robot dans l’officine. « Cela n’a pas manqué de susciter chez nos préparatrices des craintes concernant l’avenir de leur poste », note Frédéric Laurent. Le cotitulaire a alors argumenté : « Nous avons fait valoir qu’il s’agissait de leur éviter des tâches répétitives qui n’étaient pas dans leur cœur de métier, et cela a été très bien accepté. » « L’essentiel est donc d’être capable d’exprimer ses besoins et de justifier ses décisions de manière claire et pédagogique », insiste Philippe Lévy.

3 Impliquer l’équipe à tous les niveaux

Associer, dans la mesure du possible, son équipe aux étapes de réflexion et de formalisation d’un projet présente un certain nombre d’avantages : tester les réactions, favoriser l’adhésion, mais aussi faire le deuil symbolique de la situation antérieure. « Notre équipe a participé à toutes les phases de réalisation des plans, témoigne ainsi Frédéric Laurent. Comme nous avons notamment refait tout le back-office, chacun avait des desiderata et des propositions dont nous avons discuté et que nous avons intégrés dans le projet en fonction de notre budget. La femme de ménage, par exemple, souhaitait que les lumières s’allument automatiquement quand elle arrive. L’idée de la création d’une salle de réunion et d’un coin cuisine est également née de ces échanges. »

Au sein de la Pharmacie de la place Ney, à Angers (Maine-et-Loire), c’est la mise en place de la norme Iso 9001 qui a représenté un vrai travail d’équipe, avec différents degrés de contribution. « La décision elle-même est issue d’un constat partagé de dysfonctionnements dans notre organisation, raconte le titulaire Jean-Noël Joly. Mon adjoint a suivi une formation de PRAQ et j’ai ainsi pu m’appuyer sur lui, au regard de ses nouvelles responsabilités, pour passer au crible notre organisation et, à partir de là, rédiger des procédures. Celles-ci ont ensuite été transmises à nos collaboratrices qui les ont annotées en fonction de leurs propres habitudes et attentes. Nous avons pris en compte leurs remarques avant de mettre à l’essai les nouvelles méthodes. Ainsi, toute notre équipe s’est retrouvée mobilisée autour de l’objectif “zéro défaut”. »

4 Maintenir la dynamique

Un changement organisationnel important peut être mis à profit pour insuffler, sur la durée, un état d’esprit favorable au sein de l’officine. « Notre engagement dans une démarche qualité, qui implique des contrôles réguliers, nous incite à une remise à cause constante de nos pratiques passant notamment par la formation continue », pointe ainsi Jean-Noël Joly.

Frédéric Laurent et Alexandre Dory, quant à eux, continuent lors des réunions habituelles d’équipes mensuelles de faire le point sur les projets à venir, ce qui permet d’avoir les retours des salariés et d’anticiper les difficultés éventuelles. Car, pour Philippe Lévy, « rien de tel pour éviter la sclérose et créer une disponibilité de votre équipe au changement que de remettre en cause en permanence de petits éléments dans le fonctionnement de l’officine. Qu’il s’agisse des horaires, du planning des congés, des gammes, des rôles de chacun, rien ne doit être figé ».

TÉMOIGNAGE

« Une expérience valorisante pour l’équipe »

ANNE-MARIE LUPFER, PRÉPARATRICE À LA PHARMACIE DES THERMES À MERKWILLER-PECHELBRONN (BAS-RHIN)

« L’agrandissement et le réaménagement de notre officine pouvaient susciter des appréhensions au sein de notre équipe, mais, au final, l’expérience a été enrichissante pour tous grâce à une concertation permanente et à une logistique adaptée. Tout d’abord, nous étions au courant de l’avancement du projet en temps réel, si bien que nous pouvions nous organiser en conséquence et continuer à accueillir correctement les clients malgré les inconvénients et le stress dus aux travaux. Etant la seule à être à temps plein, j’assurais le relais en termes d’information avec les autres collaboratrices. A travers les réunions d’équipe, notre avis a également été recueilli et pris en compte dans les aménagements réalisés. Enfin, les retours positifs des clients à l’issue des travaux se sont avérés très gratifiants. »