Interview Christiane Company Présidente de la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA)

Réservé aux abonnés
Publié le 4 juillet 2009
Mettre en favori

Christiane Company, présidente de la Fédération des centres de gestion agréés, fait le point sur la conjoncture économique et les difficultés de financement bancaire des petites sociétés, dont les pharmacies.

« Le Moniteur » : Comment s’est passé 2008 pour les très petites entreprises (TPE) ?

Christiane Company : A la fin de l’année 2008, les TPE sont parvenues à maintenir l’équilibre, tout en amorçant une baisse de leur activité. Mais c’est surtout lors du premier trimestre 2009 qu’elles ont accusé une chute de leur chiffre d’affaires (- 4,7 %). Elles n’avaient pas connu une telle décroissance depuis longtemps. Les pharmacies s’en sortent mieux que la moyenne des TPE, tout en enregistrant une baisse de leur activité de 1 %. Car leur croissance est tirée par le médicament remboursable.

Comment expliquer la baisse d’activité des pharmacies ?

Depuis 2008, leur CA n’a pas baissé. Mais leurs comptes annuels traduisent un déclin très net de la consommation de produits de parapharmacie et des médicaments de confort, parfois même des produits de base comme l’aspirine.

Quelles sont celles qui s’en sortent le mieux ?

Publicité

Ce sont celles qui ont réagi vite en déstockant leurs produits de parapharmacie via des promotions et des prix cassés afin de dégager de la trésorerie. Tout comme les pharmacies qui ont fait le pari des produits sortis de la réserve hospitalière et des traitements lourds et qui parviennent ainsi à rétablir leur équilibre.

En cette période difficile, quelles sont les charges les plus lourdes pour une petite structure ?

Les charges sociales représentent en moyenne 40 % de la marge bénéficiaire d’une TPE. Il est indispensable que le titulaire réagisse, d’abord en adaptant ses propres revenus à la trésorerie de son entreprise, puis en coupant les dépenses accessoires. Pour réduire ses coûts, il pourra aussi baisser le stock de produits qu’il peine à écouler, comme la parapharmacie. Sinon il reste le licenciement… Les pharmaciens ont été beaucoup plus nombreux à réduire leur masse salariale en 2008.

Au-delà de la conjoncture économique, la pharmacie est à un tournant. Sur quoi, selon vous, devrait-elle miser ?

Comme toute petite structure, les pharmacies devraient absolument se mettre à Internet, notamment pour les produits qui ne sont pas sous monopole. Ceux qui tentent l’expérience augmentent systématiquement leur chiffre d’affaires, quelle que soit leur activité.

Une pharmacie doit-elle, pour se développer, intégrer une enseigne et chercher à atteindre une taille critique ?

La pharmacie qui entre dans un système de commerce associé ou de chaîne pourra communiquer et faire de la publicité, mais finira par redistribuer, en échange, un pourcentage de son chiffre d’affaires. La possibilité de communiquer finira par arriver pour les produits non réglementés. Pour autant, les vastes points de vente standardisés ne devraient pas, à mon avis, constituer un modèle prometteur pour l’avenir. Car les consommateurs recherchent aujourd’hui la proximité des commerces de quartier et les boutiques en ligne. Cette nouvelle tendance est liée à l’évolution de la pyramide des âges vieillissante : les personnes âgées quittent les campagnes et les périphéries pour revenir vers les coeurs de ville. Cette nouvelle évolution devrait donc conduire les petites entreprises et les pharmaciens à développer des points de vente dans les villes, même avec un espace de vente plus réduit.

Les banques sont-elles devenues plus regardantes ?

Oui, le banquier est tenté de baisser les niveaux d’autorisation des découverts et se montre plus prudent en verrouillant les dossiers. Dans ce contexte, le prix de cession d’une officine est déterminant car un banquier ne prêtera pas à un futur dirigeant qui surpaye son fonds de commerce. Aujourd’hui, les financeurs sont devenus prudents et regardent de beaucoup plus près la capacité de l’entrepreneur à rembourser son emprunt (ainsi que les intérêts) tout en subvenant à ses besoins et à ceux de sa famille. Jusque-là, ils se montraient plus conciliants car l’économie était en phase de croissance.

Cette prudence peut-elle se répercuter sur l’obtention d’un crédit pour lancer son affaire ?

Les banquiers sont plus attentifs aux budgets prévisionnels. Surtout, ils exigent, au moment de constituer le dossier de financement, le tampon d’un expert-comptable afin d’éviter que les budgets prévisionnels soient embellis par le dirigeant. Cette pratique, très rare jusqu’ici, est devenue quasi systématique. D’ailleurs, certains experts-comptables ont été attaqués par des banques pour avoir présenté des prévisions qui ne correspondaient pas à la réalité. Cette prudence des banquiers incite les experts-comptables à se protéger en temporisant davantage les budgets prévisionnels.

Au cours de leurs études, les pharmaciens n’acquièrent pas la culture en gestion nécessaire pour piloter une activité commerciale. Quels conseils leur donneriez-vous pour y parvenir ?

Il y a une vraie faille dans la formation initiale des pharmaciens. Dans les centres de gestion agréés, nous formons nos adhérents afin de compléter leur cursus initial. Des groupes de réflexion existent également dans certaines régions pour permettre aux dirigeants d’une même profession d’échanger leurs expériences et de demander une formation sur une thématique qu’ils auront choisie. Cette formation sur le tas à la gestion est indispensable pour tout pharmacien titulaire.

La crise frappe les TPE

Les dirigeants des entreprises de moins de 10 salariés n’ont pas le coeur à sourire. Lors de son observatoire annuel de la petite entreprise, la FCGA révèle une hausse de l’activité de seulement 0,6 % l’an dernier, soit – 2,4 % par rapport à 2007. Dans ce contexte, six secteurs (sur douze analysés par l’étude) accusent une chute de leur activité, en particulier la parfumerie (- 3,2 %) et l’optique-lunetterie (- 1,6 %). La pharmacie parvient encore à tirer son épingle du jeu avec + 1,3%.