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INFIRMIERS ET OFFICINAUX SE DISPUTENT LA PDA
Un représentant de la FSPF provoque la discorde avec les syndicats infirmiers. En anticipant des textes à venir, il affirme que les officinaux sont seuls compétents pour préparer les piluliers des patients en ville. Les infirmiers ne partagent pas cet avis.
La préparation des piluliers fait des remous. Les syndicats infirmiers ont vivement réagi à la remise en cause de la compétence des infirmières libérales qui préparent les piluliers à domicile, exigeant qu’une rencontre soit organisée par l’UNPS (Union nationale des professionnels de santé) pour éclaircir ce point. Mais la réunion qui s’est tenue le 31 janvier n’a fait qu’aggraver le différend. Claude Baroukh, secrétaire général de la FSPF, allant jusqu’à qualifier d’« illégale » la préparation par les infirmières. Face à cette allégation qu’ils ont prise comme une provocation, un représentant syndical a quitté la réunion et Annick Touba, présidente du SNIIL (Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux), a écrit au ministère de la Santé pour rappeler les textes qui fondent la compétence infirmière(1). C’est pourtant l’imprécision même du Code de la santé publique (CSP) qui ouvre la porte au débat.
Un texte de loi différemment interprété par les protagonistes
L’article R. 4311-5 du CSP prévoit que l’infirmière aide à la prise des médicaments, vérifie leur prise effective et surveille leurs effets, et participe à l’éducation du patient. Rien n’évoque la préparation des doses à administrer (PDA), autrement dit des piluliers. « Ce point du droit a toujours été litigieux, et j’ai souvent demandé au ministère de statuer sur la préparation des piluliers. Ce texte mérite un éclaircissement », concède Marcel Affergan, vice-président de Convergence Infirmière. Tout en partageant cet avis sur l’imprécision de la loi, Annick Touba estime que « l’aide à la prise des médicaments s’entend comme la mise à disposition des outils indispensables selon l’appréciation de l’infirmière qui agit dans le cadre de ses compétences. Cela inclut la préparation des doses si c’est nécessaire au patient ». Marcel Affergan ajoute que « même si l’on considère qu’il y a un vide juridique concernant la préparation des piluliers, il est comblé dans la pratique. Les infirmières interviennent sur prescription médicale pour un acte qui est prévu dans leur nomenclature ». Claude Baroukh, secrétaire général de la FSPF, fait une autre interprétation du texte : « L’aide à la prise des médicaments doit être entendue comme une aide à l’administration pour les personnes dépendantes de type aide à compter les gouttes ou instillation d’un collyre dans les yeux. Cette aide ne concerne pas la préparation des doses à administrer qui est un acte strictement pharmaceutique. »
Les mêmes garanties pour tous
« Entendre dire que les infirmières sont dans l’illégalité est irrecevable ! », s’insurge Annick Touba, qui, à l’instar de l’ensemble des représentants infirmiers, considère que les pharmaciens cherchent à récupérer un acte pour leur seul profit. Avec, au fond, l’idée de rentabiliser de nouveaux automates de préparation des piluliers. En ce qui concerne ces automates, Claude Baroukh, qui collabore à la rédaction des textes relatifs à la PDA, précise que « les syndicats refusent que la PDA soit faite exclusivement par une automatisation afin que tous les pharmaciens puissent appliquer les futures recommandations de bonnes pratiques ». Quant à la question de l’ « illégalité », le pharmacien explique qu’il s’agit en fait de se mettre en conformité avec deux textes toujours bloqués à l’état de projet, un décret relatif à la PDA et un arrêté fixant les bonnes pratiques de dispensation (voir encadré ci-dessus). « La sortie de ces textes sera retardée jusqu’à ce que soit mise en place une rémunération pour une activité très chronophage à l’officine. » Une activité que les officinaux exercent déjà en préparant les piluliers pour environ 20 ?% des EHPAD. Une fois la question de la rémunération réglée, « si le législateur décide que la PDA n’est pas du ressort exclusif du pharmacien comme le stipule le futur décret, il n’y aura pas lieu de maintenir un arrêté des bonnes pratiques », admet le représentant de la FSPF. A l’inverse, si les textes sont retenus en l’état, « il ne pourra pas y avoir d’un côté une bonne pratique avec des protocoles rigoureux quand la PDA est effectuée par les pharmaciens, et, d’un autre côté, une PDA non encadrée [et donc illégale, NdlR] par les infirmières ». Dès lors, il faut envisager de séparer la préparation du pilulier de l’aide à l’administration proprement dite, car les pharmaciens ne prendront pas en charge cette aide à domicile.
Une dispensation en trois actes
Claude Baroukh distingue trois niveaux de compétences dans la chaîne « prescription-dispensation-administration » : « La prescription relève du domaine du médecin, la dispensation et la préparation éventuelle des doses sont des activités purement pharmaceutiques, et l’administration des traitements est du ressort de l’infirmière. » Il ajoute que « si la préparation est inscrite dans la dispensation [en référence aux textes à venir], elle revient aux pharmaciens ». Une nouvelle fois, les infirmiers ont un point de vue différent. La séparation de la préparation des médicaments et de l’aide à l’administration interfère dans la pratique infirmière. En rappelant un principe constant des soins infirmiers, Marcel Affergan affirme qu’il n’administrera « jamais un traitement préparé par quelqu’un d’autre. Si les pharmaciens veulent préparer, ils devront aussi administrer ». Or, si les textes en projet devaient être validés, il est peu probable que les infirmières puissent satisfaire aux critères retenus pour les bonnes pratiques, ce qui leur imposerait d’accepter les piluliers préparés par les pharmaciens.
Le 31 janvier dernier, Claude Baroukh a envisagé la possibilité d’un transfert de tâches entre pharmaciens et infirmières au sens de l’article 51 de la loi HPST (2), mais l’idée a immédiatement été rejetée par les représentants infirmiers. Ces derniers, plus habitués à envisager les transferts de tâches entre médecin et infirmières, n’envisagent pas de préparer les piluliers « sous délégation des pharmaciens ». La question pourrait alors vite concerner l’Assurance maladie qui devrait rémunérer les pharmaciens pour la PDA et les infirmières pour les aides à l’administration.
(1) La question de la compétence pour la préparation des doses à administrer fut exprimée la première fois lors d’un groupe de travail à propos du comité de pilotage sur le parcours de soins de la personne âgée en risque de perte d’autonomie (Copil PAERPA).
(2) L’article 51 de la loi HPST permet la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels concernés, des transferts d’actes ou d’activités de soins.
Les futurs textes de la PDA
Deux textes, maintenus à l’état de projet, prévoient des règles de bonnes pratiques pour la PDA. Le projet de décret intègre la PDA à la section « Délivrance, livraison, dispensation à domicile des médicaments » du Code de la santé publique. Le projet d’« Arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments » énumère les mesures nécessaires pour satisfaire aux bonnes pratiques. Seuls les pharmaciens et les préparateurs en pharmacie, sous le contrôle effectif du pharmacien, sont cités comme personnes autorisées à effectuer la PDA. De plus, les conditions de locaux et les règles de traçabilité limitent encore en pratique l’accès à la PDA. Ainsi, toutes les mentions nécessaires à l’identification de la personne et des médicaments (date de la préparation et dénomination) doivent apparaître sur l’étiquetage des piluliers, et le pharmacien doit s’assurer de la mise en œuvre d’un système permettant le traitement des réclamations et, si nécessaire, le rappel des lots.
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