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De nouvelles baisses de prix des génériques risquent d’aggraver les ruptures d’approvisionnement »
Si les deux ans et demi de crise sanitaire ont permis de confirmer le rôle stratégique des médicaments génériques, ce secteur est toujours en attente d’évolutions. Stéphane Joly, président du Gemme (Générique même médicament), l’association des industriels des médicaments génériques, se livre à une analyse de la situation.
Les changements se font attendre pour les génériques en matière de réglementation et de mesures incitatives. Cela permettrait pourtant d’accélérer le développement du marché, malmené par des baisses de prix répétitives et une fiscalité confiscatoire, encore plus douloureuse en période d’inflation. Les souhaits des génériqueurs sont tout aussi pressants concernant les médicaments biosimilaires et la substitution par le pharmacien. Ce marché à fort potentiel est encore émergent en ville… Etat des lieux et perspectives avec Stéphane Joly, président du Gemme (Générique même médicament).
Quel est l’état du marché du générique aujourd’hui ?
Grâce au dynamisme de la substitution par les pharmaciens qui atteint 85 % et l’arrivée de nouvelles spécialités substituables, le développement du marché du générique est dynamique : + 7 % en volume et + 4,5 % en valeur (en cumul mobile 12 mois à juin 2022). Mais moins que celui du marché global. Ainsi, le poids des génériques reste toujours limité à 41 % du marché pharmaceutique remboursable en volume et 18 % en valeur. La progression est ralentie par plusieurs facteurs. Certains sont structurels, à l’exemple du périmètre de la substitution qui limite le développement en volume. D’autres sont liés à l’environnement économique, en particulier à une politique de régulation drastique qui limite l’évolution en valeur.
Quel bilan dressez-vous du générique depuis le début de la pandémie ?
Les laboratoires de médicaments génériques ont été particulièrement mobilisés durant toute la pandémie. Cette dernière a mis en évidence l’importance stratégique des médicaments génériques à trois égards :
– leur rôle de bouclier sanitaire contre les pénuries ;
– le dynamisme du maillage industriel réduisant la dépendance de la France en médicaments essentiels : 70 % d’entre eux sont fabriqués en Europe à travers un réseau très dense de façonniers (60 sites en France et plus de 15 000 collaborateurs) ;
– le rôle d’acteur économique des génériques qui permettent de réaliser jusqu’à 3 milliards d’euros d’économie chaque année.
Dans son rapport « Charges et produits » de 2022, l’Assurance maladie propose de faire 150 millions d’euros d’économies sur les médicaments. Avec l’inflation, le secteur du générique peut-il supporter de nouvelles baisses de prix ?
Des baisses de prix récurrentes ont prévalu dans le cadre d’une régulation économique drastique (3,5 % de baisses de prix par an) depuis 10 ans. A cette situation s’est récemment ajoutée la problématique de l’inflation avec une augmentation du coût de production entre 5 et 10 % et l’effet délétère de la clause de sauvegarde
Une revalorisation des prix des génériques est-elle possible dans l’attente d’un retour à la normale des coûts des matières premières ?
Les demandes de hausses tarifaires sur de nombreux composants s’intensifient fortement et touchent désormais toutes les spécialités. Cette situation met à mal beaucoup d’exploitants ; le Gemme sollicite l’intégration de l’inflation (estimée à 5 % en 2022) dans le prix fabricant hors taxe (PFHT) des médicaments dont le PFHT par boîte est inférieur ou égal à 5 €.
Quelles sont les propositions du Gemme pour réaffirmer la place du générique en France et combler son retard par rapport aux autres pays européens ?
Il est possible et nécessaire de libérer le potentiel d’au moins 2 milliards d’euros d’économies supplémentaires annuelles pour le système de santé à travers des mesures phares : élargissement du périmètre du Répertoire des génériques, prescription effective en dénomination commune internationale (DCI) accompagnée du développement des logiciels d’aide à la prescription… Il faut également s’assurer du maintien et du développement de l’offre générique à travers la cohérence du modèle économique et fiscal : stopper les baisses de prix sur les médicaments matures déjà peu onéreux et renouer avec l’esprit initial de la clause de sauvegarde.
Quelles sont les perspectivesde croissance avec les médicaments hybrides ?
La publication de l’arrêté du 14 avril 2022 fixant les deux premières classes de médicaments pouvant être inscrits au Registre des médicaments hybrides a été une première étape majeure que le Gemme n’a pas manqué de saluer. Toutefois, la substitution effective de ces médicaments nécessite encore la publication de deux autres arrêtés : l’un précisant les situations médicales dans lesquelles l’exclusion de la substitution peut être justifiée et l’autre indiquant les situations médicales dans lesquelles la substitution peut être effectuée par le pharmacien au sein d’un groupe hybride. Si les perspectives de croissance avec ces spécialités sont importantes, notre préoccupation d’aujourd’hui est double : la publication desdits arrêtés et l’ouverture rapide du Registre et de la substitution pour de nouvelles classes.
La substitution par le pharmacien des médicaments biosimilaires vise deux molécules (pegfilgratim et filgrastim) dont les taux de pénétration sont déjà très élevés. Les pharmaciens ne sont pas forcément dans les meilleures conditions pour réussir à installer la substitution. Qu’en pensez-vous ?
Le Gemme s’est félicité de l’entrée en vigueur effective de la substitution des médicaments biosimilaires même si le caractère limitatif de la liste initiale retenue est regrettable. Il importe, désormais, de continuer sur cette dynamique afin de lui donner progressivement une réelle ampleur. Cela suppose de travailler à la publication de nouvelles listes de médicaments substituables les plus larges possibles et leur mise à jour régulière. Ces évolutions permettront aux pharmaciens d’installer plus largement la substitution.
Quelles sont, selon le Gemme, les différentes strates de rémunérations possibles du pharmacien (équivalence des marges entre biomédicament de référence et biosimilaire, honoraire pour l’accompagnement et le suivi du patient, remises commerciales, etc.) ?
Le Gemme se positionne en faveur de la construction d’un écosystème gagnant-gagnant s’appuyant sur un partage des économies entre professionnels de santé et Assurance maladie. Selon une étude du Crédoc
1 Clause de sauvegarde : l’article 138-10 du Code de la Sécurité Sociale prévoit une contribution des entreprises exploitant des médicaments lorsque leur chiffre d’affaires pour les spécialités prises en charge par l’Assurance maladie dépasse un montant fixé par la loi dans l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam).
2 « Etude sur les leviers de développement des médicaments biosimilaires : quelles conditions et quels dispositifs mettre en œuvre ? », Crédoc, juin 2021.
BIO STÉPHANE JOLY
1983
Diplômé de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), titulaire d’un master of business administration (MBA)
1984-1994
Occupe différentes fonctions chez Sanofi aussi bien au Japon qu’en Suisse, en France ou au Maghreb
1994-1997
Dirige l’activité générique de Sanofi
1997-2001
Cofondateur et président de l’Association française du générique (AFG)
1997
Président fondateur de Bayer Classics puis d’Ivax France (2002), entreprises acquises par le laboratoire Teva successivement en 2002 puis en 2005
2006
Président et fondateur de Cristers
Septembre 2018 à aujourd’hui
Président du Gemme
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