56 officines en difficulté : La petite santé de l’officine parisienne

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Publié le 16 novembre 2002
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Rien qu’en 2002, les liquidations ou redressements judiciaires de pharmacies ont été multipliés par trois par rapport à 2001. Forte concurrence des parapharmacies, et des pharmacies entre elles, loyers élevés, les conditions d’exercice sont parfois trop difficiles.

Répartition par formes juridiques

Actuellement, 56 officines parisiennes sont dans le rouge. C’est le bilan que vient d’effectuer le greffe du tribunal de commerce de Paris qui a publié, début octobre, une analyse sectorielle sur la situation des 1 114 pharmacies de la capitale actuellement immatriculées au Registre du commerce : quarante d’entre elles sont en redressement judiciaire, souvent depuis plusieurs années, et remboursent leurs dettes de façon échelonnée ; seize, soit 28 %, se trouvaient dans une situation financière trop dégradée pour poursuivre leur activité et ont fait l’objet d’une liquidation judiciaire immédiate.

L’officine n’est pas la seule. Le constat ne s’arrête pas là : 10,3 % des officines ont des difficultés à régler leurs cotisations sociales et fiscales obligatoires. 7,8 % sont endettées vis-à-vis de la Sécurité sociale pour un montant moyen de 10 359 Euro(s), soit 20 % de plus que la moyenne enregistrée par le greffe en septembre 2002. En outre, 2,5 % des officines n’ont pu régler leurs cotisations fiscales. Elles doivent en moyenne au moins 87 292 Euro(s). Les chiffres n’étonnent guère Jean-Pierre Lamothe, de la FPSF : « Cela fait cinq ans que je tire la sonnette d’alarme et que je dis que la situation s’aggrave. » Pour Bruno Lamaurt, de l’Union des pharmaciens de la région parisienne, « les officines parisiennes sont trop nombreuses et trop souvent de petite taille ».

La pharmacie n’est pas la seule activité touchée, comme le souligne Pascal Beder, du tribunal de commerce de Paris. Tous secteurs confondus, 470 entreprises parisiennes ont fait l’objet d’une procédure collective sur le seul mois de septembre, ce qui porte à 3 336 le nombre de jugements d’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire prononcées par le tribunal en 2002 (+ 17,3 % par rapport à la même période en 2001). Pour les officines, ces procédures ont triplé en 2002 par rapport à 2001. Sur les neuf premiers mois de l’année, le tribunal de commerce de Paris a déjà prononcé six liquidations et six redressements.

Des loyers trop chers. Mais attention, préviennent cependant les deux responsables syndicaux, il ne faut pas non plus établir que tout Paris est en difficulté ou qu’il est trop difficile de s’y installer ! « Le chiffre d’affaires parisien est en moyenne un peu inférieur à la moyenne nationale mais il existe une grande diversité de situations. A Paris se côtoient petites et grosses affaires. Simplement, la pharmacie a subi un certain nombre de contrecoups dans un temps assez court, souligne Jean-Pierre Lamothe. En 1989, il y a eu l’instauration de la marge dégressive lissée. Certains titulaires ont acheté des officines à un prix très élevé d’où un important niveau de surendettement. Parallèlement, le développement de parapharmacies particulièrement important à Paris dans le début des années 90 a entraîné une baisse de marge significative. »

Autre spécificité de la capitale : l’importance des loyers. Les charges locatives sont 10 à 20 % supérieures à celles du reste de la France. « Mais c’est aussi le cas, précise Bruno Lamaurt, de l’Ile-de-France et des grandes métropoles comme Lyon et Marseille. »

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Aujourd’hui, l’augmentation de la marge en valeur absolue d’un certain nombre d’officines n’est plus suffisante pour pouvoir tout absorber : l’augmentation de la masse salariale, et des loyers, à laquelle Jean-Pierre Lamothe ajoute celle des « besoins en fonds de roulement. Les crédits clients se sont accrus notamment avec SESAM-Vitale et l’accroissement significatif du prix des spécialités. A Paris, le tiers payant avait pris du retard. SESAM-Vitale l’a fait bondir en deux-trois ans, sans doute trop rapidement ». Résultat : les pharmacies fragilisées par un surendettement sont particulièrement sensibles au moindre aléa : retard de paiement des caisses, baisse de la marge…

Pour cette analyse sectorielle, le greffe du tribunal a également recueilli le point de vue d’une pharmacienne, Florence Battesti : « La pénurie de personnel (engendrant une inflation de la masse salariale) et SESAM-Vitale sont des facteurs aggravants. » Elle craint maintenant les conséquences du nouveau plan générique annoncé par le gouvernement. « Il devrait être accompagné de mesures fiscales adaptées à cette nouvelle perte de marge, sauf à admettre la disparition de la pharmacie de type traditionnel. »

A retenir

3 336 entreprises parisiennes, tous secteurs confondus, ont fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire en 2002. Parmi elles, 56 officines.

– 10,3 % au moins des officines parisiennes rencontrent des difficultés pour régler leurs cotisations sociales et fiscales obligatoires.

– 7,8 % sont endettées vis-à-vis de la Sécurité sociale.

Comment se faire aider

Savez-vous si votre entreprise est en bonne santé ? Pour le vérifier, vous pouvez vous rendre sur le site Internet du greffe du tribunal de commerce de Paris, qui vous propose un test. Fondé sur les indicateurs concernant la gestion courante, les relations avec les banques, le Trésor public et l’URSSAF, il vous permettra de faire le point.

En cas de difficultés, plusieurs organismes sont là pour vous venir en aide :

– Le greffe du tribunal de commerce a mis en place une délégation de la prévention, composée de magistrats en exercice du tribunal de commerce. Soit la démarche vient du greffe qui constate, au vu de certains critères (non-paiement de cotisations, endettement important…), les difficultés et contacte l’entrepreneur, soit ce dernier contacte lui-même les magistrats.

– Centre d’information et de prévention des difficultés des entreprises de Paris/Ile-de-France : créé à l’initiative de l’ordre des experts-comptables, du tribunal de commerce de Paris et de la compagnie des commissaires aux comptes. Contact à l’Ordre des experts-comptables.

– Le SAJECE (Structure d’accueil juridique et comptable) : sous l’égide de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, du tribunal de commerce, de l’ordre des avocats, de la cour d’appel de Paris, du conseil régional de Paris/Ile-de-France, de l’ordre des experts-comptables et la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.

Contacts

– greffe du tribunal de commerce de Paris : http://www.greffe-tc-paris.fr.

– ordre des experts comptables

Tél. : 01 55 04 31 24.

– sajece

Tél. : 01 53 40 48 11.