Un médicament frais et dispos

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Publié le 22 novembre 2008
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La chaîne du froid du médicament commence dès sa fabrication : un principe actif peut déjà requérir une conservation sous température dirigée. Vaccins, médicaments anticancéreux, antidiabétiques, produits issus de la biotechnologie, produits dérivés du sang…, ils sont de plus en plus nombreux à nécessiter un maintien constant entre + 2 et + 8 °C. Une fois le médicament produit, le laboratoire pharmaceutique – ici Schering-Plough – le conditionne et l’achemine jusqu’au dépositaire ou directement aux clients dans des camions frigorifiques. Le traçage du produit est impératif pour pouvoir prouver que la chaîne du froid est respectée de la fabrication à la livraison.

Le médicament froid ne connaît pas de dérèglement climatique ! Tout au long de sa vie il côtoiera un monde idéal, où la température est maintenue en permanence entre + 2 et + 8 °C, quelle que soit la température extérieure. De l’industriel au patient, la chaîne du froid du médicament est un univers de haute technologie où le droit à l’erreur n’existe pas. Visite guidée et illustrée.

Couvrez-vous !

La chambre froide

Une fois reçues et vérifiées sous toutes leurs températures, les palettes sont stockées dans une chambre froide. Celle du site de Blois, un des quatre sites de Depolabo avec Angers, Arras et Lyon, peut en contenir jusqu’à 900. La température y est enregistrée et sauvegardée en continu. En cas de signalement d’une « excursion de température », le produit est mis en quarantaine dans l’attente d’une décision du laboratoire.

Un accueil glacial

Le dépositaire partage avec le fabricant la responsabilité de la gestion de la chaîne du froid, et ce dès la réception des produits concernés. Chez Depolabo, dont les équipes sont qualifiées par leur président Laurent Verney d’« obsédés du process », les palettes ne transitent pas sur l’aire de réception : elles sont immédiatement entreposées dans une « zone d’attente » maintenue à une température oscillant entre + 2 et + 8 °C. Toutes les opérations quantitatives de réception y sont effectuées. Le monitoring de la température entre l’unité de fabrication et le dépositaire est également vérifié.

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Les chaussettes

Bienvenue dans la zone de préparation des commandes, facilement identifiable à son bruit de fond permanent et aux hommes en doudoune qui l’occupent. La faute aux quatre chaussettes suspendues au plafond ! Elles correspondent à deux réseaux de diffusion du froid totalement indépendants en cas de panne de l’un d’entre eux.

Les sondes veillent

Fixées à différentes hauteurs, des sondes enregistrent en permanence la température de la zone de préparation et, à en croire les indicateurs de température visuels situés à différents points de la pièce, il fait ici + 5 °C… Toutes ces données sont aussi enregistrées et sauvegardées quotidiennement. Un système de détection de dysfonctionnement veille également.

Des colis bichonnés

Les préparations des 150 commandes « froides » quotidiennes sont effectuées par 6 opérateurs spécifiquement formés pendant plusieurs mois. L’opérateur scanne le code à barres de l’étiquette de l’emballage isotherme choisi par le laboratoire puis y place les médicaments. La tablette de préparation vérifie alors, au gramme près, que le poids total correspond bien à la commande. Selon les desiderata du laboratoire, le préparateur peut aussi placer des sondes de température dans le colis. Il appose ensuite sur chaque colis des étiquettes bornant les limites de validité du respect de la chaîne du froid.

Quelques pains

Selon la saison, la nature de l’emballage, les données de stabilité de son contenant et les spécificités requises par le laboratoire, un opérateur ajoute, une fois le colis prêt, des sources de froid à + 5 °C ou – 18 °C, reconnaissables à leur couleur. Elles contiennent simplement des plaques eutectiques, plus communément appelées « pains de glace », et ne sont jamais posées au contact direct du produit pour éviter tout phénomène de condensation et donc une éventuelle altération du médicament.

Une semaine à – 18 °C

Les plaques eutectiques cachées dans les sources de froid sont préparées dans la pièce la plus glaciale des 1 200 m2 qu’occupe la chaîne du froid à Blois : le freezer. Une salle maintenue à – 18°C ! Les plaques sont congelées à l’extérieur de Depolabo par des spécialistes. Elles arrivent chez le dépositaire à une température de – 25°C, puis stationnent une semaine dans le freezer pour redescendre et être stabilisées à – 18°C. Alors seulement les préparateurs de commandes pourront venir les chercher au gré de leurs besoins.

Froid, mais pas trop !

Une exposition unique à une température négative suffit à rendre inefficaces certains vaccins, les érythropoïétines, les insulines… et/ou faire précipiter des solutions ou éclater des ampoules ! Altération de la forme galénique, déstabilisation des mélanges, dégradation irréversible des produits de nature protéique… sont aussi au menu d’un froid excessif. Inversemment, une exposition excessive à la chaleur peut bien sûr aussi dégrader le principe actif, l’excipient ou la forme galénique et, donc, diminuer l’efficacité du médicament, voire le rendre toxique.

Chaud devant !

65 % des livraisons sont des colis isothermes d’une autonomie de 24 heures et sont confiées à des transporteurs expressistes. Les 35 % restants sont confiés à des transporteurs frigorifiques. Direction : le client du client ! Depolabo livre près de 10 grossistes-répartiteurs (soit environ 180 agences) ainsi que les collectivités : hôpital, clinique ou PMI. « Il y a également une toute petite part de vente directe aux officines. Depuis Blois, nous en servons seulement quelques centaines du fait de contraintes logistiques trop importantes, précise Sylvie Plard, directrice du site. Certains médecins nous commandent également des échantillons de produits de chaîne du froid. Nous réalisons environ 150 expéditions par mois vers les praticiens. »

Top chrono !

Les grosses caisses sont destinées à l’export, vers les DOM-TOM ou le Maghreb. Elles ont une autonomie d’au moins quatre jours ! Une fois le quai d’expédition franchi, une course contre la montre s’enclenche, quel que soit l’emballage choisi.

Il faut aussi savoir que « le coût de transport et de consommables d’une boîte de médicament expédiée sous chaîne du froid est au moins 5 à 6 fois plus élevé que la même expédition en ambiant », indique Sylvie Plard.

A l’officine

Dès réception, le pharmacien doit stocker les produits froids dans un réfrigérateur professionnel, ventilé et certifié. Brigitte Cardonnet, titulaire de la Pharmacie de Buzenval à Rueil-Malmaison, a placé au milieu de son réfrigérateur une sonde électronique qui lui permet de vérifier que la température est bien maintenue à + 4 °C. Elle l’alerte aussi à la moindre variation de température, en cas de panne de courant par exemple.

Des outils testés lors de la canicule

Le grossiste-répartiteur reçoit à son tour les produits livrés par le dépositaire et les stocke immédiatement dans des armoires thermorégulatrices maintenues à + 4°C. Pour envoyer aux officinaux leurs commandes de produits froids, la CERP Rouen s’est dotée d’un bac Neopor, un nouvel emballage en polystyrène à base de graphite qui possède un coefficient d’isolation thermique très supérieur à celui d’autres matériaux habituellement utilisés. Il se glisse dans la caisse de livraison et, grâce à une cloison mobile, peut côtoyer des produits non sensibles à la chaleur. Sur la partie haute du bac en Neopor sont déposées des plaques eutectiques qui n’entrent pas en contact avec les conditionnements des médicaments afin de préserver, là encore, l’intégrité du produit. Le fait d’être placée sur la partie haute du bac permet également une meilleure restitution du froid, puisque le froid « descend ». La CERP Rouen s’est aussi équipée d’un distributeur de plaques eutectiques permettant de congeler 300 plaques à coeur à – 18 °C en trois heures. Des moyens techniques testés durant la canicule de l’été 2003 !

Dernière ligne froide

Le pharmacien remet au patient le produit froid dans une pochette isotherme qui lui permettra de maintenir le produit à bonne température le temps de son transport jusqu’à son domicile. Au patient ensuite de placer son produit dans son réfrigérateur en attendant son utilisation, mais à l’officinal de bien le lui rappeler lors de la délivrance. Et de lui indiquer que le médicament ne doit être stocké ni dans la porte, ni dans le bac à légumes du réfrigérateur : la température n’y est pas régulée. Pas trop près non plus de la paroi du fond pour éviter tout risque de gel.