Neuf médicaments qui posent problème

Réservé aux abonnés
Publié le 5 juin 2010
Mettre en favori

Voici une sélection de médicaments actuellement surveillés en raison de leurs effets indésirables ou de leur toxicité. Pour limiter les risques, les autorités de santé et certains industriels ont pris des mesures qui incitent à une plus grande vigilance à leur égard.

Antivitamines K

Pourquoi posent-ils des problèmes ?

– Risque d’accidents hémorragiques : ils concernent 0,45 % des hospitalisations en général (et 12,3 % des hospitalisations pour effet indésirable en 2007). Ce taux d’incidence est comparable à celui observé en 1998, alors que le nombre de malades sous AVK a doublé. Dix ans après, les AVK sont toujours à la première place des accidents médicamenteux sévères, avec un risque d’effet indésirable augmenté du fait de patients plus nombreux et plus âgés.

Ce qui est fait pour les éviter

– Afssaps : recommandations des groupes experts sur l’utilisation des AVK, campagnes de communication menées auprès des professionnels de santé (en 2000, 2004, 2008), actualisation du livret de recommandations « Mise au point sur le bon usage des médicaments antivitamine K (AVK) » pour le suivi personnalisé et l’éducation thérapeutique des patients afin de minimiser les risques iatrogènes et d’optimiser les conditions d’utilisation (avril 2009).

– HAS : recommandations professionnelles sur la prise en charge des surdosages, des situations à risque et des accidents hémorragiques (avril 2008).

Votre rôle

– Vérifier auprès du patient que l’INR est bien contrôlé, au moins une fois par mois quand l’INR est stabilisé.

– S’assurer que le patient, ou son entourage s’il est âgé, possède son carnet d’information et de suivi (encore trop peu utilisé) rappelant les règles de bon usage et permettant la surveillance du traitement, et l’inciter à le remplir. Ce carnet est disponible auprès du Cespharm (www.cespharm.fr).

– Utiliser une grille d’aide à la délivrance des AVK pour repérer les situations nécessitant d’appeler le médecin avant de poursuivre la délivrance (sur www.WK-Pharma.fr, rubrique « Compléments d’articles du Moniteur », onglet « revue »).

– Attention : les AINS (dont l’ibuprofène) sont déconseillés et ne doivent jamais être pris en automédication !

Publicité

Les nouveaux anticoagulants (rivaroxaban, dabigatran, etc.) posent les mêmes problèmes que les AVK en termes de risque hémorragique.

Diurétiques

Pourquoi posent-ils des problèmes ?

– La plupart des malades sous diurétiques sont âgés et polymédiqués, ce qui accroît les risques d’effets indésirables liés aux associations médicamenteuses.

– Risque d’hyperkaliémie avec les diurétiques épargneurs de potassium, augmenté en cas d’association aux IEC ou aux AINS et en présence d’une insuffisance rénale. De plus, cette classe de diurétiques n’est pas toujours utilisée à bon escient, notamment dans l’HTA (déconseillée en cas de clairance de la créatinine <30 ml/min, du fait du risque d’hyperkaliémie).

– Risque de déshydratation, de survenue parfois brutale, et de chutes avec la spironolactone (dû au médicament lui-même ou, entre autres, à la prise d’hypnotiques) chez les sujets âgés.

Votre rôle

– S’assurer qu’il n’y a ni interaction médicamenteuse ni contre-indication avec le traitement diurétique.

– Une asthénie inhabituelle, une soif intense, une sécheresse de la bouche doivent alerter sur le risque de déshydratation.

Colchicine

Pourquoi pose-t-elle des problèmes ?

– Risque d’accidents de surdosage (fréquents) dus à la prescription d’une dose de charge – sans tenir compte de l’âge (qui favorise l’accumulation de la molécule donc le surdosage) ou de la présence d’une insuffisance rénale notamment – ou aux interactions médicamenteuses. Les conséquences sont potentiellement graves (hospitalisations, décès), tout particulièrement chez les insuffisants rénaux et les personnes âgées.

– Banalisation de ce médicament ancien dont on ne se méfie plus.

– Le premier signe d’alerte de surdosage que représente la diarrhée est perçu la plupart du temps comme un effet indésirable banal.

Votre rôle

Alerter le médecin si le patient signale la survenue de diarrhées. Dans ce cas, réduire les doses ou suspendre le traitement.

Metformine

Pourquoi pose-t-elle des problèmes ?

– Risque d’acidose lactique : cet accident rare mais aux conséquences graves (hospitalisations, décès) résulte le plus souvent du non-respect des contre-indications de la metformine.

– Multiplication des spécialités contenant de la metformine, seule ou en association, qui favorisent ce risque.

– Une acidose lactique se développe de façon insidieuse, avec des premiers signes (asthénie, troubles digestifs) peu évocateurs.

Votre rôle

S’assurer du respect des contre-indications : insuffisances rénale et hépatique, diabète mal équilibré, jeûne prolongé, alcoolisme, manque d’oxygène (y compris l’insuffisance respiratoire), sujet très âgé.

Fentanyl en dispositif transdermique

Pourquoi pose-t-il des problèmes ?

– Risque d’accidents de surdosage, qui se manifestent par une potentialisation des effets pharmacologiques du fentanyl, l’effet le plus grave étant une dépression respiratoire. Fréquemment en cause : un renouvellement incorrect du dispositif transdermique (patch non décollé au bout de trois jours ou changement trop précoce).

– Banalisation de la présentation en patch, dans laquelle le médicament n’est pas vu par le patient comme potentiellement à risque. L’utilisation chez les sujets âgés contribue à accroître le risque d’accident. Cette forme expose par ailleurs à un risque de détournement potentiel mais aussi d’ingestion accidentelle chez les enfants.

Votre rôle

– Rappeler les conditions de renouvellement du dispositif transdermique : tous les 3 jours en principe. En cas de décollement prématuré du patch, attendre au moins 48 heures avant d’en poser un autre. Il est en outre recommandé de changer de site d’application lors de chaque renouvellement. Il peut être nécessaire de renforcer la fixation du patch par un adhésif.

– Prévenir l’entourage des risques potentiels du fentanyl.

Isotrétinoïne orale

Pourquoi pose-t-elle des problèmes ?

– Fort potentiel tératogène qui a conduit l’Afssaps à mener des enquêtes de pharmacovigilance de manière régulière depuis 1996. La quatrième enquête a montré une incidence de + 30 % des grossesses exposées à l’isotrétinoïne par rapport à l’enquête précédente. Cette incidence est essentiellement liée à l’augmentation importante des grossesses débutant pendant le traitement.

– Disparition du princeps (Roaccutane capsules) et commercialisation des génériques, avec pour conséquence une moindre délivrance d’informations aux patientes.

Ce qui est fait pour les éviter

– Afssaps : rappel sur les conditions de prescription et de délivrance pour les patientes en âge de procréer (Lettre aux professionnels de santé, mars 2010). Renforcement du Programme de prévention des grossesses (juin 2009) avec la mise en place du « carnet-patiente » remis par le prescripteur. Ce carnet est distribué, depuis septembre 2009, par les quatre laboratoires commercialisant l’isotrétinoïne (Bailleul Biorga, Expanscience, Pierre Fabre, Teva) via la visite médicale. Pierre Fabre a de son côté mis en place des outils spécifiques : « Réponses aux questions » pour les prescripteurs, guide rappelant comment la spécialité doit être utilisée, « kit d’accord de soins » et notice d’information pour les patientes, guide du pharmacien. Malgré les rappels réguliers sur les conditions de prescription et de délivrance, les problèmes d’utilisation demeurent.

Votre rôle

– Rappeler les recommandations qui doivent être délivrées par le médecin : informer et s’assurer de la compréhension du caractère tératogène de l’isotrétinoïne et de la nécessité d’éviter toute grossesse.

–  Vérifier que la patiente suit une contraception efficace.

– Contrôler les mentions obligatoires inscrites par le prescripteur dans le carnet-patiente avant de délivrer. S’assurer notamment que le test de grossesse (sérologie négative) a bien été effectué (dans les 3 jours précédant chaque prescription mensuelle).

– Contrôler les délais réglementaires de délivrance (au plus tard 7 jours après la prescription).

– Remplir à votre tour le carnet patiente à chaque délivrance.

– Inciter les patientes à rapporter les capsules non utilisées à la pharmacie.

Kétoprofène gel

Pourquoi pose-t-il des problèmes ?

– Risque de photoallergie (réactions cutanées exagérées et/ou anormales à la lumière), souvent grave, pouvant conduire à des hospitalisations (brûlures) et à des arrêts de travail. Ces réactions se présentent le plus souvent sous la forme d’eczéma et de bulles pouvant s’étendre au-delà de la zone d’application. Des cas ont été rapportés chez des patients traités par des gels contenant du kétoprofène dès leur commercialisation en 1993.

Ce qui est fait pour les éviter

– Afssaps : à partir de 2001, apposition sur les boîtes d’un pictogramme incitant les patients à ne pas exposer les zones traitées au soleil même voilé, ni aux UVA. Malgré une large communication en 2003, cette mesure n’a cependant pas permis de réduire les risques. D’où la décision de suspendre l’AMM (en décembre 2009) de tous les médicaments contenant des gels de kétoprofène destinés à être appliqués sur la peau.

– Agence européenne du médicament : procédure de réévaluation des effets indésirables liés à l’utilisation des gels contenant du kétoprofène suite à la décision de l’Afssaps.

Le laboratoire Ménarini, qui commercialise la spécialité Kétum gel, a déposé une requête en référé-suspension auprès du Conseil d’Etat fin décembre 2009 pour contester la décision de l’Afssaps. Dans l’attente d’une décision définitive du Conseil d’Etat, le juge des référés a suspendu la décision du directeur général de l’Afssaps.

Votre rôle

Rappeler les conditions d’emploi des gels de kétoprofène : pendant le traitement et les deux semaines qui suivent son arrêt, l’exposition au soleil et aux UVA est contre-indiquée. Protéger les zones traitées par le port d’un vêtement durant toute la durée du traitement et les deux semaines suivant son arrêt. En cas d’apparition d’une réaction anormale de la peau pendant le traitement, arrêter immédiatement les applications et avertir le médecin traitant.

Bufexamac

Pourquoi pose-t-il des problèmes ?

– Risque élevé d’allergies de contact, souvent graves et nécessitant une hospitalisation. En France, quatre enquêtes de pharmacovigilance ont été menées depuis 1990. Elles ont conduit à la contre-indication en 1997 du bufexamac dans l’eczéma de contact, la dermatite atopique et les brûlures. Le bufexamac a en outre été inscrit sur la liste II des substances vénéneuses (disponible uniquement sur prescription médicale renouvelable) en 2002. En dépit de ces mesures, les données les plus récentes de pharmacovigilance montrent que le nombre d’effets indésirables cutanés reste important et que subsiste une utilisation hors AMM (eczéma, peau lésée) et sans avis médical.

Ce qui est fait pour les éviter

– Réévaluation du rapport bénéfice/risque du bufexamac par la commission nationale de pharmacovigilance.

– Agence européenne du médicament : recommandation du retrait des AMM (avril 2010) de toutes les spécialités contenant du bufexamac à la suite de la procédure de réévaluation.

– Afssaps : recommandation aux prescripteurs de ne plus instaurer ni renouveler de traitement, dans l’attente de la décision de la Commission européenne.

Votre rôle

Conseiller un autre produit aux patients actuellement traités par bufexamac.

Lamotrigine

Pourquoi pose-t-elle des problèmes ?

– Des signalements de réactions cutanées graves (syndrome de Lyell, syndrome de Stevens-Johnson), pouvant mettre en jeu le pronostic vital, continuent d’être rapportés chez des patients traités par la lamotrigine, malgré les mises en garde mentionnées dans le résumé des caractéristiques du produit.

Ce qui est fait pour les éviter

– Afssaps : rappel des recommandations principales permettant de minimiser le risque de réactions cutanées graves, incluses dans le RCP (Lettre aux professionnels de santé, février 2010).

Information de pharmacovigilance soulevant le risque d’erreurs de délivrance : confusion entre Lamictal (lamotrigine) et Lamisil (terbinafine) à l’origine de réactions cutanées graves ou de crises convulsives (Lettre aux professionnels de santé, mars 2010).

Votre rôle

– Vérifier les posologies initiales de lamotrigine (risque fortement lié aux posologies élevées) et le respect du schéma d’escalade de dose recommandé lors de l’instauration du traitement.

– Attention à l’utilisation concomitante de valproate ou de divalproate de sodium ou valpromide qui doublent la demi-vie de la lamotrigine (un schéma posologique approprié doit être dans ce cas appliqué).

– Nécessité d’informer les patients et leurs familles du risque de survenue de réactions cutanées graves (qui surviennent généralement dans les 8 premières semaines de traitement) et de l’importance de consulter en urgence un médecin en cas de survenue d’une éruption cutanée ou de tout signe évocateur d’une réaction cutanée.

– Vigilance lors de la délivrance de Lamictal ou de Lamisil en vérifiant auprès du médecin, en cas de doute, l’indication pour laquelle le médicament est prescrit.