Gare aux escroqueries !

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Publié le 9 octobre 2010
Par Francois Pouzaud
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Il n’y a pas que des pharmaciens philanthropes aidant des jeunes diplômés à s’installer en prenant des participations dans une SEL. Certains sont aussi de véritables escrocs. Un jeune pharmacien a failli en être victime. Voici comment.

Un jeune adjoint, ne disposant que de 60 000 € d’apport personnel, se voit proposer par son titulaire d’entrer dans sa SELARL, coexploitée avec son conjoint associé, par augmentation de capital. Le titulaire peut ainsi libérer son diplôme et l’engager dans une autre affaire, tout en conservant un tiers de participation dans le capital de la première société. Un second tiers est détenu par son conjoint, qui, restant exploitant dans la SELARL, souhaite réduire son temps de travail. En entrant dans le capital à hauteur d’un tiers, le jeune apportera du sang neuf et, surtout, du temps de présence derrière le comptoir.

Fonds survalorisé et achat de dettes

Certes, la pharmacie ne manque pas d’atouts : idéalement située dans un quartier très recherché d’une grande métropole, elle draine un flux important de clientèle et la parapharmacie représente une part alléchante du chiffre d’affaires. Compte tenu de la charge de travail et des responsabilités qui seront confiées au nouvel associé, le pharmacien lui promet une coquette rémunération, sans lui apporter pourtant toutes les garanties. Le jeune est néanmoins séduit, espérant récupérer rapidement le fruit de son travail pour pouvoir envisager par la suite un second achat.

Mais certains éléments sont surprenants. Tout d’abord, la valorisation des parts est choquante : le fonds est survalorisé de manière irraisonnable par rapport à sa rentabilité (à plus de 100 % du CA TTC). Surtout, un montant important, correspondant à un emprunt pour travaux, est ajouté dans la valorisation du fonds, alors qu’il doit être inscrit au passif et fait partie des dettes reprises.

De plus, le calcul ne tient pas compte d’une décote liée à la fiscalité latente sur la vente des parts. « A moins que le chiffre d’affaires explose, cette pharmacie est au bord du dépôt de bilan », observe un spécialiste du marché après l’analyse du dernier bilan. En fait, le jeune n’aurait acheté que des dettes. Par ailleurs, la prise de valeur des parts estimée à fin 2011 et 2012 correspondant au remboursement de la quote-part capital des emprunts est surréaliste.

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Un pacte d’associés inacceptable

Ce n’est pas tout. Le pacte d’associés prévoit que le jeune adjoint soit caution solidaire. En outre, la répartition des tâches et des horaires, autant que le volume des congés, sont déséquilibrés entre les deux associés, alors que les rémunérations sont identiques.

En réalité, selon les calculs du titulaire, le prix de cession des parts sociales sera égal, en cas de revente, au montant des capitaux propres de la société au prorata de la participation cédée. Or, pour l’autre associé, une autre méthode de valorisation est prévue.

Enfin, dans le pacte d’associés, il est mentionné qu’« aucune distribution de dividendes ne pourra intervenir avant le remboursement total des comptes courants ouverts au nom des associés ». Le jeune associé aurait, dès lors, pu financer les parts rachetées à ses associés très difficilement. Grâce aux conseils de spécialistes du marché, le jeune adjoint a pu prendre conscience de la supercherie et a fini par renoncer à s’engager dans cette association.