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La dégradation de l’économie pèse sur la demande
Malgré une baisse significative des prix des pharmacies en 2009 et des taux d’intérêt bas, les volumes n’ont pas repris en 2010. L’attentisme des acquéreurs règne en maître sur le marché mais l’heure n’est pas pour autant à l’effondrement des prix.
Les futurs acquéreurs peuvent se réjouir : les prix baissent… après neuf années de hausse ou de stabilité ininterrompues. La dégradation de l’économie de l’officine et la crise ont fini par peser sur le rapport entre l’offre et la demande, entraînant une involution de 3 points du prix de cession moyen des officines à 88 % du CA TTC en 2009.
Les chutes sont particulièrement saisissantes dans les régions traditionnellement les plus chères : de 5 à 8 points en Aquitaine, Bretagne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de Loire. Faisant figure d’exception qui confirme la règle, la PACA est relativement épargnée (- 1 point), restant la seule région de France à se maintenir l’an dernier à 100 % en moyenne. Les pharmacies de taille importante, qui sont également les plus valorisées, connaissent la même déconvenue. Les officines de plus de 2 M€ et de centre commercial ont perdu 5 et 10 points, chutant respectivement à 93 % et 94 %. Malgré tout, la taille des pharmacies reste plus que jamais un critère de valorisation déterminant.
La différence de prix entre les officines de taille moyenne (moins de 1,5 M€ de CA) et les grosses officines est de 9 points, alors qu’elle était de 1 point seulement en 2002.
Autre phénomène constaté : le marché spécifique des cessions à plus de 115 % observé en 2008 disparaît tandis que celui des cessions à moins de 65 % s’affirme. Toutefois, les écarts de prix entre officines restent impressionnants : 1 pharmacie sur 4, en 2009, s’est vendue soit à moins de 75 % du chiffre d’affaires TTC, soit à plus de 105 %.
Paradoxalement, la baisse des prix exprimés en % du CA TTC ne se retrouve que partiellement lorsque l’on convertit ces mêmes prix en multiple de l’EBE (le multiple moyen de l’EBE est retombé de 8,7 à 8,3). Ce qui signifie que les prix de cession en valeur, même après une baisse de 3 points, sont toujours déconnectés de la rentabilité des officines. « Sans faire de procès en sorcellerie, on ne peut pas passer sous silence que l’une des causes principales des difficultés de trésorerie est un prix d’achat trop élevé des pharmacies », souligne Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise. La valeur des fonds propres approche en général 8 fois l’EBE alors qu’il ne devrait représenter environ que 5 à 6 fois celui-ci. Dans un contexte de baisse de l’EBE depuis de nombreuses années, on comprend pourquoi les officines ne peuvent pas supporter des charges d’emprunt trop lourdes et se retrouvent pour certaines dans des situations critiques d’endettement. A l’évidence, les pharmaciens devront faire leur révolution culturelle quant à la valeur de leur patrimoine. »
Les acquéreurs éclairés, et peut-être aussi échaudés par la prudence extrême des banquiers, tombent dans un attentisme entretenu par la morosité ambiante. Résultat : pour la troisième année consécutive, le nombre de mutations a fortement chuté (-10 % à 1070 cessions de fonds). Cette baisse intervient après celle de 2008 où il y avait déjà eu 14 % de transactions de moins. « Au total, sur les trois dernières années, le nombre de transactions d’officines a chuté de 35 % », indique Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo. Seule une nouvelle baisse des prix peut entretenir l’espoir d’une reprise des volumes.
« La baisse des prix de 2009 est confortée en 2010 mais reste insuffisante pour animer à nouveau le marché », analyse-t-il au vu des derniers relevés d’Interfimo. Les niveaux de prix et de volume s’inscrivent dans la continuité de 2009.
Le marché ne se débloque pas
Pour les pharmaciens en quête d’une première installation, l’angoisse du grand saut n’est pas près de se dissiper. Surtout quand la visibilité est très faible. « Les acquéreurs n’admettent que des plans de financement à volume de marge constant, la fiscalité des SEL n’est plus une variable d’ajustement puisque tout le monde y a recours, les stratégies spéculatives qui anticipaient la chute du monopole se sont évaporées et la baisse des taux d’intérêt (à des niveaux historiquement bas en 2010) est derrière nous, poursuit Luc Fialletout. Il serait déraisonnable de nier cette tendance de fond, d’autant que les besoins de trésorerie s’accentuent et alimentent une morosité générale qui n’encourage pas les acquéreurs. »
En attendant de pouvoir évaluer plus précisément l’ampleur et la portée du retournement sur 2010, les vendeurs ont du mal à entendre raison et à se dire qu’après tout, même en baissant un peu leurs prétentions, ils restent bénéficiaires. « Ceux qui refusent de vendre aujourd’hui au prix du marché prennent un risque car le nombre massif de départs en retraite à partir de 2012 va déséquilibrer le marché pour plusieurs années », met en garde Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés.
Laurent Simon, notaire du réseau Pharmétudes, constate cependant que certains vendeurs, voyant l’âge du départ s’éloigner avec la réforme des retraites, arbitrent en faveur d’une cession immédiate, renonçant ainsi à certaines économies fiscales qui leur étaient promises. « Vendre dans quelques années comporte un risque car on ne peut absolument pas aujourd’hui présager de l’état du marché des prix dans le futur. »
Taux bas, un effet amortisseur
L’effondrement des prix n’est cependant pas pour demain. Le poids de la demande insatisfaite préserve le marché des transactions de toute situation chaotique sur la valeur des fonds de pharmacie. La légère baisse des effectifs en section A (– 0,27 % à 28 073 selon l’Ordre des pharmaciens), mais de manière non significative, ne permet pas de conclure en 2009 à une diminution de l’attrait de l’exercice libéral. Si les jeunes titulaires d’officine ne désertent pas l’exercice libéral, leur comportement évolue. Plus de la moitié (51 %) choisit d’exercer en association. Le nombre de SEL est toujours en progression (+ 14,6 %). Lors de la 3e journée de la transaction organisée par Le Moniteur en octobre dernier, un jeune diplômé marseillais a fait part de son malaise car il souhaite s’installer dans un secteur géographique proche de sa ville natale mais le ticket d’entrée à payer l’en empêche. « Lorsqu’on a la malchance de faire ses études à Marseille, il faut savoir faire preuve de mobilité professionnelle », lui a répondu Patrick Bordas, responsable national du réseau professions de santé de KPMG. Le marché est ainsi fait : certaines zones géographiques se révèlent de très bons placements et sont donc surcotées. « Sur l’île de Ré, les paysans propriétaires de simples champs de pommes de terre sont imposés à l’ISF ! », a ajouté le responsable de KPMG. L’attitude prudente des banques, la dégradation de l’économie de l’officine et le nouveau coup de rabot sur la capacité de remboursement des acquéreurs devraient en toute logique continuer à peser sur les prix du marché. « Rien ne milite pour un maintien des prix à un niveau excessif, estime Dominique Leroy, expert-comptable du cabinet Norméco. Le marché est bloqué, certains vendeurs baissent leur prix mais ne parviennent pas à vendre ».
Pourtant, les taux d’intérêt des prêts n’ont jamais été aussi bas. « Le taux n’est plus une variable d’ajustement, explique Luc Fialletout, l’incidence d’une baisse sur des taux déjà extrêmement bas n’a plus d’effet stimulant sur les prix comme auparavant. » « Des taux bas évitent une baisse plus significative des prix », complète Dominique Leroy. « Pour avoir un bon signal de la reprise, il faudrait que les prix reviennent dans une fourchette comprise entre 6 et 7 fois l’EBE », conclut Luc Fialletout rejoignant en cela Philippe Becker. Ne dit-on pas que les périodes de crise sont révélatrices de vraies valeurs.
Un marché qui a besoin de stabilité
Quand on veut s’installer aujourd’hui, il faut composer avec les aléas économiques. Mais, « acquérir une officine avec des perspectives de croissance nulle relève de l’inconscience, sauf à acheter le fonds à un vrai prix économique qui tient compte aussi des incertitudes sur sa rentabilité future », pense Philippe Becker (Fiducial Expertise).
« Les pharmaciens qui s’installent pour la première fois ou qui changent d’officine doivent avoir des perspectives stables, réclame Luc Fialletout (Interfimo). L’évolution du cadre d’exploitation n’est pas encore réglée et cela crée un climat qui n’est pas sain et propice à l’esprit d’entreprise. C’est pourtant une des clés importantes pour débloquer le marché ! Que deviendront les SELAS ? Comment évoluera la participation des pharmaciens dans le capital d’une SEL dans laquelle ils n’exercent pas ? Il faut pouvoir le graver dans le marbre sur un nombre d’années suffisant, correspondant à peu près à la période de remboursement du prêt d’acquisition. »
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