LES OFFICINES RESTENT UNE CIBLE PRIVILÉGIÉE

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Publié le 27 octobre 2012
Par Francois Pouzaud
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Comme les entreprises qu’elles financent, les banques ne sont pas au mieux et doivent renforcer leurs fonds propres. Cette situation les contraint à resserrer les conditions d’accès des petites entreprises au crédit et à faire preuve de plus de prudence.

Si le temps des crédits faciles est révolu, ce n’est pas pour autant que les banques prêtent moins. « Une analyse récente de la Fédération bancaire française montre que les encours de crédits octroyés par les banques françaises jusqu’en 2011 ont été honorables, se situant à un niveau plus favorable que nos partenaires européens », rapporte Henri-François Roland, responsable de la BNP Entreprise Grand Nord. Mais la crise incite les PME à une attitude de repli. Les pharmaciens ont fait le choix de réduire leurs investissements compte tenu de la faiblesse de l’évolution de leur activité et du manque de visibilité sur l’avenir. La part de l’investissement en 2011 régresse, elle est de 10 368 € en moyenne contre 16 220 € en 2010 (source : Fiducial Expertise). 35 % des officines n’ont effectué aucun investissement et seulement une pharmacie sur 40 s’est équipée pour un montant supérieur à 100 000 euros.

Des banquiers qui deviennent de plus en plus plus exigeants

Sans abandonner les pharmaciens, les banques ne leur déroulent plus le tapis rouge. « Elles sont plus frileuses, ou plutôt plus exigeantes par rapport aux demandes de financement, constate Laurent Cassel, expert-comptable du cabinet ArythmA. Elles ont des difficultés à changer leurs approches traditionnelles, à s’adapter au cas par cas et à mettre en œuvre des solutions innovantes répondant aux besoins des petites et moyennes entreprises, comme le financement du BFR, l’accompagnement des difficultés conjoncturelles, la couverture de découverts récurrents… »

Pour Henri-François Roland, il n’y a pas de crise du crédit dans le secteur de la pharmacie. « Notre volonté est de continuer à faire du crédit car c’est notre cœur de métier. Si nous arrêtons, nous rompons nos relations avec les petites entreprises ! En effet, le crédit est devenu plus cher pour les établissements prêteurs et ne peut être rentabilisé qu’au travers d’une relation gagnant/gagnant avec les clients et des flux qu’ils nous confient. » Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo, confirme l’intérêt porté par les banques aux pharmacies : « Nos encours de financement n’ont pas diminué », affirme-t-il. Il considère aussi que la baisse inévitable du prix des fonds n’altère en rien l’intérêt capitalistique de l’investissement dans un fonds de pharmacie. « La fiscalité privée s’aggrave, alors que la fiscalité professionnelle ne s’alourdit pas. Dans ce contexte, la pharmacie est le placement le moins risqué en termes fiscaux et patrimoniaux. »

Quoi qu’en pensent les pharmaciens en difficulté, les banques s’intéressent encore aux officines et la concurrence entre elles reste intense, les conduisant à ne pas exiger de marge trop importante sur les crédits octroyés. Reste que les problèmes de trésorerie des officines ont laissé des traces. « La conjoncture est plus difficile du fait de la dégradation de la rentabilité et il est normal que, dans ce contexte, l’analyse économique prévale dans la décision d’accompagner un pharmacien, reconnaît Henri-François Roland. Hormis quelques cas particuliers, l’officine reste une cible privilégiée et de première qualité en termes de risque. »

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Des financements plus difficiles à obtenir

Dans les critères de sélection des demandes de crédits, Henri-François Roland s’attache aux aspects « bilanciels » et humains. « Nous devons nous assurer, dans les prévisionnels présentés, de la capacité à durer de l’entreprise. Sur le plan financier, les ratios systématiquement analysés concernent le prix exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires et par rapport à la rentabilité. » Mais comme il l’explique, au-delà des enseignes, ce sont toujours des hommes qui gèrent les relations entre la banque et l’entrepreneur. « Ce dernier doit cerner la personnalité et l’adaptabilité technique de son interlocuteur bancaire. En cas de difficultés, il ne faut pas hésiter à solliciter un autre intervenant et, au besoin, se tourner vers une autre banque », conseille Laurent Cassel.

Néanmoins, les banques se montrent plus regardantes pour les demandes de financements. « Le repreneur doit s’interroger sur la pertinence de son projet, du prix fixé et du montage financier », précise cet expert-comptable. Si un tour de table solidement constitué ne suffit pas à rassurer plusieurs partenaires bancaires, la seule variable d’ajustement reste la valeur convenue de l’entité, que le repreneur négociera à la baisse. « Il n’y a pas d’accord ou de refus de prêt systématique, la banque va demander à l’acquéreur de faire baisser le prix ou d’apporter plus à titre personnel avant de donner sa réponse », remarque Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés.

Le crédit vendeur sur plusieurs années est aussi une voie à explorer. Dans ce cas, le vendeur consent un crédit à l’acquéreur et une partie du prix est versée (comptant) au moment de la signature de l’acte.

Les autres solutions

Dans la préparation du business plan qui sera présenté au banquier, le rôle de l’expert-comptable est essentiel pour apporter une crédibilité et une visibilité financière. Plus le dossier est travaillé et correctement formalisé en amont, plus il est rassurant et se donne toutes les chances d’aboutir. Lorsqu’une société est valorisée fortement par rapport aux possibilités financières du repreneur et que le circuit bancaire traditionnel fait défaut, le bouclage du montage financier devra faire intervenir divers actionnaires et préteurs de fonds. Au niveau de l’entrepreneur, il s’agira de l’épargne personnelle, de prêts familiaux ou amicaux, de prêts auprès d’associations d’aide à la reprise (Réseau Entreprendre, initiatives locales…). Outre un coup de pouce financier, ces structures sont en mesure d’accompagner les porteurs de projets.

Qui peut investir dans les pharmacies ?

• Les titulaires investisseurs au travers de SEL

Pour le moment, et en attendant la parution d’un décret sur les SPF-PL, des pharmaciens investisseurs peuvent investir dans une officine à hauteur de 49 % du capital.

• Les pharmaciens obligataires

La SEL émet des obligations convertibles en actions (OCA) en faveur d’une société de capital-investissement qui, en contrepartie, lui prête de l’argent. Celle-ci peut alors convertir cette OCA en action de la société selon une parité de conversion préfixée. Elle peut aussi se faire rembourser son obligation, dans une période future prédéterminée (donc à tout moment ou au terme, selon les contrats). Cette opération est expérimentée par le réseau Galien Développement et le groupement Univers pharmacie.

Un pharmacien abandonné par son banquier

Pascal Delayen, titulaire à Metz (Moselle), est en procédure de sauvegarde. Suite à son transfert en mars 2011, son chiffre d’affaires évoluait peu. « Je remboursais un prêt à la banque depuis un an, mais, devant mes difficultés financières, elle a refusé de réétaler l’emprunt car je n’avais pas de garanties personnelles à offrir. Je me suis adressé à d’autres banques mais elles ont considéré, elles aussi, que je ne valais plus le coup d’être accompagné. J’ai donc mis mon officine en procédure de sauvegarde, le temps que mon chiffre d’affaires se développe. »