UN VRAI DÉCOLLAGE
Plusieurs indices montrent que le recours à l’automédication s’installe durablement dans la mentalité des Français.
La progression de 4,7 % en valeur observée à fin septembre 2012 touche l’ensemble des segments du marché.
Les chiffres publiés par IMS Health sur l’évolution du marché français de l’automédication, arrêtés à fin septembre sur douze mois cumulés, montrent des changements radicaux. En dépit d’un climat économique morose et d’un marché général du médicament en berne (-1,5 % en chiffres d’affaires), ce segment, composé des médicaments non remboursables de vente libre (OTC strict) et des médicaments remboursables de prescription médicale facultative (PMF) non présentés au remboursement (semi-éthiques achetés sans ordonnance), est en forte croissance avec +4,7 % en 2012. « C’est la progression la plus forte que le marché de l’automédication ait jamais connue », souligne Pascal Voisin, directeur OTC chez IMS Health. A l’intérieur de cet ensemble, le marché de l’OTC strict non prescrit progresse de 4,6 % et celui du semi-éthique non prescrit non remboursé de 4,9 %.
Un faisceau d’arguments permet d’affirmer que l’on est en présence d’une dynamique nouvelle du marché de l’automédication, portée par l’ensemble des domaines thérapeutiques du top-10 du marché. « Exception faite de l’ophtalmologie avec – 3,1 %, les marchés connaissent de fortes progressions », signale Pascal Voisin. Les segments leaders sont en verve avec notamment + 5,9 % pour les voies respiratoires, + 9,2 % pour l’antalgie, + 4,7 % pour la dermatologie et + 7,6 % pour les médicaments de la circulation.
Si jusqu’ici les poussées du marché s’expliquaient par les vagues de déremboursement, Pascal Voisin estime que ces derniers sont une composante du marché de l’automédication mais qu’ils n’en sont pas l’unique moteur, car même les marchés dans lesquels il n’y a pas de déremboursements progressent. Sans les déremboursements, le marché global croît de l’ordre de 3,5 % à 3,7 %.
En constante progression, la part de l’automédication dans le chiffre d’affaires d’une officine est en moyenne de 6 % en 2012. Elle passe à 10 % dans les pharmacies de zones touristiques et 15 % dans les pharmacies de passage. Seules les officines rurales se situent sous la moyenne avec 5 % contre 8 % en centre-ville. Si les différences de poids et d’évolution de l’automédication sont importantes en fonction du profil des officines et de leur modèle économique, elles s’atténuent au niveau des prix moyens pratiqués sur ce segment. « Les disparités de prix et d’approche commerciale entre ces quatre typologies d’officines ne sont pas aussi importantes qu’on peut le penser », commente Pascal Voisin. Pour preuve, le prix public moyen d’un médicament d’automédication en centre-ville et à la campagne colle à la moyenne nationale, soit 4,70 €. Quant aux pharmacies réputées plus chères, elles ne s’en écartent pas tellement avec 4,80 € en zone touristique et 5 € dans les zones très passantes.
La gratuité n’est plus un culte pour les Français
« Dans un contexte de crise et de faible inflation, la discipline des laboratoires et des officinaux sur les prix est plus forte, leur évolution est bien maîtrisée », rapporte Pascal Voisin. La dynamique est également induite par l’attitude positive des médecins qui, par leurs ordonnances de médicaments de PMF non remboursables en hausse (+ 2,1 %), participent au développement du marché.
Claude Le Pen, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et consultant pour IMS Health, s’accorde également à dire que l’évolution constatée est solide et profonde et que les Français n’entretiennent plus le culte de la gratuité pour tous les médicaments. Selon lui, les nouvelles missions mises en place par la convention vont consolider le marché de l’automédication. « Le nouveau modèle économique mis en place en 2012 n’obère pas, voire stimule le marché OTC », soutient-il. Le contexte d’exercice du pharmacien évolue et « l’automédication est un moyen pour lui de se faire reconnaître comme un professionnel de santé », ajoute Pascal Voisin.
Le fait qu’il soit de plus en plus difficile au médecin de consacrer une partie de ses consultations à prescrire des traitements pour des symptômes de la vie quotidienne donne au pharmacien une place fondamentale dans le développement du conseil pharmaceutique adapté aux médicaments d’automédication. « En même temps, l’image de ces produits est en train de changer ; elle est maintenant corrélée avec une valeur d’efficacité et de garantie de santé publique », observe Pascal Voisin. Ce changement de perception se vérifie dès le premier semestre 2012. Les ventes hors prescriptions de médicaments non remboursables ont progressé de 4,5 % en valeur, alors que le remboursable non prescrit recule de 0,3 %.
« Le marché de l’automédication commence à entrer dans la culture française et la culture santé de notre pays, poursuit Pascal Voisin. Cette évolution tient à la fois au travail du pharmacien sur le patient, au développement du libre accès, au dynamisme des lancements de produits et à la communication des laboratoires. »
Dans le top-10 des marques figurent majoritairement des marques grand public (Humex, Nurofen, Oscillococcinum…), avec un positionnement fort auprès des consommateurs. L’effort industriel ne se limite pas à mettre à disposition des produits innovants pour le conseil du pharmacien. « L’offre des laboratoires se situe aussi au niveau des marques ombrelles, de la formation des équipes officinales et d’une approche structurée sur le plan marketing et commercial ; tout cela porte ses fruits », souligne Pascal Voisin. « L’action des laboratoires s’inscrit dans une logique de mass market, de vente et de services », complète Robert Chu, président d’IMS Health France.
Une offre qui répond aux besoins des patients
Les comparaisons européennes montrent que l’offre en médicaments OTC en France est suffisante et bien structurée. En nombre de références, elle est plus importante qu’en Italie (3 400 contre 2 600), mais moins étoffée qu’en Allemagne qui en compte 12 000. On observe également que le prix public moyen français est le plus faible, mais la dépense par an et par habitant est plus élevée qu’en Italie et en Allemagne: 76 € en France contre 62 € en Allemagne et 35 € en Italie. « Ce signe d’évolution est caractéristique d’un marché qui répond aux besoins d’automédication des Français », conclut Pascal Voisin.
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