OFFICINE BIENVENUE !

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Publié le 26 janvier 2013
Par Francois Pouzaud
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Bien que la tendance soit à la concentration du réseau et à la fermeture d’officines, certaines communes en accueillent de nouvelles, résultant de transferts. Pour les élus locaux et les populations, l’ouverture d’une officine de proximité est vécue comme une bénédiction en raison de la rareté de l’événement.

Les temps ont bien changé. Aux plus belles heures des créations par dérogation, les ouvertures d’officines se comptaient par dizaine et les maires arboraient un large sourire. Aujourd’hui, les transferts intercommunaux sont l’exception (seulement deux en 2011), de même que les créations par voie normale que l’on pensait même être disparues (selon les données de l’Ordre des pharmaciens, cinq en 2011 sur quatre départements : Seine-et-Marne, Morbihan, Gers et Charente, ce dernier en enregistrant deux). Ce tarissement est naturel compte tenu des contraintes législatives et réglementaires. Il est ainsi quasi impossible aujourd’hui de s’installer par création.

Dans ces conditions, on comprend que le mot « ouverture » soit pratiquement banni du vocabulaire pharmaceutique. Le tissu officinal se raréfie, le nombre d’officines diminue à nouveau en 2011 (- 0,5 %) et les transferts (292 en 2011 ; 1,28 % des officines implantées en métropole + DOM) s’opèrent dans la quasi-totalité des cas au sein de la même commune, agissant ainsi sur la recomposition de la desserte pharmaceutique. De plus, l’ouverture d’une officine dans un quartier ou une zone qui en était dépourvue est aujourd’hui devenue une opportunité rare réservée à quelques chanceux ou aux plus audacieux, selon les circonstances.

Transferts plutôt que création de nouvelles officines

Enfin, dans le cas où l’évolution de la population permet d’accéder à un quota d’habitants autorisant l’arrivée d’une nouvelle officine, les demandes de transfert sont en pratique suffisamment nombreuses pour interdire toute création, et ce parce que les transferts sont prioritaires sur les créations, selon l’article L. 5125-5 du Code de la santé publique.

« Le fait qu’une commune dépourvue d’officine dépasse tout juste le quota des 2 500 habitants requis pour une création ou un transfert n’est pas nécessairement suffisant pour que l’opération, au demeurant spéculative et risquée, se concrétise, souligne par ailleurs Assunta Sapone, avocate à Paris. L’emplacement doit être attractif : une galerie de centre commercial ou un lieu proche d’un pôle de santé suscitent la convoitise. Si la commune ou le secteur ne présentent pas un attrait commercial, les pharmaciens ne viendront pas s’y installer. » Autre facteur freinant les ardeurs : le rythme maintenant triennal des recensements officiels de la population. « Un tiers des communes sont recensées par an, il faut donc parfois attendre trois ans pour que toutes les communes soient recensées et pouvoir déposer un dossier de demande de création ou de transfert », fait remarquer Assunta Sapone.

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Malgré ces freins, les demandes de transfert restent actives. Notamment au travers des petites officines de centre-ville qui se meurent. Elles trouvent encore des repreneurs à un prix décoté parce que derrière ce type d’acquisition est prévu un projet de transfert en périphérie de la ville ou dans une autre commune. « Pour créer une situation de monopole dans leur commune, des titulaires sont à l’initiative de ces transferts à proximité de leur officine, explique Assunta Sapone. Ils rachètent le fonds de commerce par l’intermédiaire d’une SEL dans laquelle un ex-adjoint occupe le poste de dirigeant puis transfèrent l’officine. Cela permet d’éviter l’arrivée d’un concurrent agressif dans leur commune tout en permettant à un jeune diplômé, qui n’a pas d’apport personnel, d’accéder à la propriété. »

Des règles strictes d’ouverture

Dans la nouvelle loi de répartition des officines, la création d’une officine est devenue une procédure exceptionnelle.

Une création n’est possible que dans des communes dépourvues d’officine ou situées dans des zones franches urbaines, des zones urbaines sensibles et des zones de redynamisation urbaine retenues dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, ou encore situées dans les zones de revitalisation rurale.

La création ne peut être accordée que si la commune d’accueil, sans officine, comporte un nombre d’habitants au moins égal à 2 500 (ou 3 500 en Guyane, en Moselle et en Alsace). Si la commune abrite plus de 2 500 habitants et qu’il existe déjà au moins une officine, la création n’est possible que par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants (le quota de 3 500 habitants a été relevé par la loi n° 2011-1906 de financement de la Sécurité sociale pour 2012). Toutefois, lorsque la dernière officine présente dans une commune de moins de 2 500 habitants a cessé définitivement son activité et qu’elle desservait jusqu’alors une population au moins égale à 2 500 habitants, une nouvelle licence peut être délivrée pour l’installation d’une officine dans cette commune.

Dernière condition : la création n’est possible que si au cours d’une période de deux ans à compter d’un recensement de la population de la commune concernée aucune décision d’ouverture par voie de transfert ou de regroupement n’a été prise.

Le transfert peut s’effectuer au sein de la même commune, ou dans une autre commune du même département, voire vers toute autre commune de tout autre département.

L’arrivée par transfert sur une nouvelle commune impose le respect des quotas prévus par la législation (2 500 personnes pour une première officine, puis 4 500 par officine supplémentaire) et la « place » pour une nouvelle officine. Cela dit, s’implanter ailleurs suppose le départ du lieu initial. Ce départ doit être sécurisé en prouvant qu’il n’y a pas abandon de clientèle. Pour un pharmacien quittant sa commune d’implantation initiale, le droit de partir est acquis si la population est inférieure à 2 500 habitants. Mais si elle dépasse ce quota, il faut démontrer que la commune de départ est excédentaire en pharmacie. Dans un second temps, le titulaire doit vérifier qu’il a le droit d’arriver dans le nouveau local. Si le transfert projeté est intracommunal, il doit seulement justifier de la nécessité d’une nouvelle officine dans le quartier qu’il revendique mais aucun quota n’est opposable. En revanche, s’il est sollicité pour une autre commune, outre la démonstration que son projet d’ouverture d’une officine va optimiser les conditions d’approvisionnement en médicaments de la population des quartiers d’accueil, le respect des règles de quotas s’impose : il faut qu’il y ait impérativement une sous-densité dans la commune d’arrivée.