Quel est l’intérêt d’une base publique des médicaments ?

Réservé aux abonnés
Publié le 26 octobre 2013
Par Anne-Gaëlle Harlaut
Mettre en favori

La base publique des médicaments a été mise en ligne le 1er octobre 2013, via le site www.medicaments.gouv.fr. Prévue par la loi (voir Repères), cette base de données, administrative et scientifique, est la première pierre du projet de mise en place par le gouvernement d’un service public d’information en santé.

Pourquoi et pour qui cette base de données a-t-elle été créée ?

Mise en place dans le cadre de la loi du 29 décembre 2011 (voir Repères), la base publique des médicaments est vouée à devenir la référence pour l’information des professionnels de santé, des usagers et des administrations compétentes en matière de produits de santé. L’objectif est de permettre à tous l’accès à une même information sur les médicaments.

Par qui est-elle pilotée ?

Sous l’égide de la Direction générale de la santé (DGS), cette base est le fruit d’un partenariat entre l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute autorité de santé (HAS) et l’Union des caisses d’assurance maladie (Uncam). Elle regroupe les données sources complètes et actualisées mensuellement de chaque institution qui intervient dans l’évaluation des médicaments.

Quelles informations y trouve-t-on ?

Tous les médicaments commercialisés ou en arrêt de commercialisation depuis moins de deux ans en France sont référencés, soit environ 12 000 produits à prescription médicale obligatoire ou facultative. Les informations issues de l’AMM et médico-économiques (prix, remboursement, SMR et ASMR…) sont regroupées dans trois onglets distincts pour chaque spécialité : la fiche info (indications, groupes génériques, substances actives présentations…), le résumé des caractéristiques du produit (RCP) présentés dans l’AMM et la notice d’utilisation telle que trouvée dans le conditionnement.

Comment y accède-t-on ?

La base est accessible à tous gratuitement depuis un ordinateur, une version spécifique ayant été développée pour les mobiles et tablettes. Via le site Internet de l’ANSM ou directement par www.medicaments.gouv.fr, portail Internet qui offre en outre plusieurs espaces didactiques sur le médicament (définition, réglementation, circuit de fabrication, conseils de bon usage…) et invite à déclarer en ligne les effets indésirables (renvoi vers l’ANSM).

Quels sont les intérêts et les limites pour les professionnels de santé ?

Sur le fond, la base représente un progrès indéniable quant à l’accès rapide, gratuit et exhaustif aux données officielles sur le médicament, en particulier aux RCP dont la recherche sur le Net était jusque-là laborieuse, voire réservée aux initiés… Dans une tribune(1), la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) souligne que, pour être parfaitement utile, cette version de la base devrait être améliorée sur la forme, notamment l’accès à l’information, aujourd’hui limité au seul mode d’interrogation par DCI ou nom de spécialité. Pour les professionnels, il serait intéressant que les recherches puissent aussi se faire par mot clé, ou, de façon plus clinique, par contre-indication, précaution d’emploi, effet indésirable… Autre bémol, les contacts (CRPV, CEIP…) ne sont pas mis à jour et nécessiteraient une actualisation.

Publicité

Quels sont les intérêts et les limites pour le grand public ?

Dans un contexte de méfiance envers le médicament, faciliter l’accès de tous à l’information ne peut être que salué. L’absence de hiérarchie dans l’information interroge quant à son utilisation – ou non – par le grand public. Malgré un glossaire bien documenté, il est difficile d’imaginer que tous puissent décrypter les informations d’un RCP ou la notion d’ASMR quand un médicament est déremboursé. « L’excès louable de transparence aboutit à rendre accessible une information parfois très volumineuse, très technique, alarmante, et peut-être peu informative, souligne la SFPT, pour qui cette base deviendra vraiment utile si elle est doublée d’outils de formation performants au bon usage du médicament. Pour l’information, comme pour le médicament, le poison c’est la dose, et sans formation adaptée, il ne peut y avoir de bon usage ».

Une formation en amont des Français sur le médicament – lors du cursus scolaire – reste la clé. Sans elle, cette base est une arme à double tranchant. Utilisée avec une totale incompréhension, elle pourrait engendrer un mouvement de rejet du public, y compris envers les professionnels de santé.

(1) Ouverture de la première base de données publique sur le médicament, Antoine Pariente, Mathieu Molimard, Tribune de la SFPT, 4 octobre 2013 (www.pharmacol-fr.org, rubrique actualités).

NOS EXPERTS INTERROGÉS

• Maryse Lapeyre-Mestre, médecin-pharmacologue, responsable du CEIP-Addictovigilance de Toulouse, praticien hospitalier, CHU de Toulouse.

• L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Repères

→ Décembre 2011 : l’article 8 de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, votée sous Xavier Bertrand, évoque la création d’une base de données sur les traitements et le bon usage des produits de santé, disponible gratuitement sur Internet.

→ Septembre 2013 :

• le 23, Marisol Touraine annonce sa création lors de la présentation de la stratégie nationale de santé ;

• le 29, le décret n° 2013-871 « relatif à la base de données administratives et scientifiques publique sur les traitements et le bon usage des produits de santé » est publié au Journal officiel.

→ 1er octobre 2013 : la base de données publique sur les médicaments est mise en ligne sur le site gouvernemental www.medicaments.gouv.fr