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Quels sont les intérêts et les limites à dépister les angines à l’officine ?
Les tests d’orientation diagnostique des angines à streptocoque â-hémolytique du groupe A (SGA) sont proposés dans certaines pharmacies. Contestée par les membres du Conseil national professionnel d’ORL (CNPORL), cette mesure a finalement été maintenue (voir repères). Mais leurs réticences et mises en garde demeurent.
Quels sont ces tests ?
Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, marqués CE, les tests de diagnostic rapide (TDR) permettent une orientation diagnostique en faveur ou non d’une angine à SGA. Ils détectent un antigène streptococcique A par réaction avec des anticorps anti-streptococciques. En pratique, un prélèvement par écouvillon au niveau des amygdales est placé dans un tube de réactif où est immergée une bandelette-test. La couleur de la bandelette renseigne sur la présence de l’antigène avec une spécificité d’environ 95 % et une sensibilité avoisinant 90 %.
Pourquoi détecter les angines à SGA ?
Même si ces angines évoluent le plus souvent favorablement en trois-quatre jours sans traitement, elles peuvent, dans de rares cas, donner lieu à des complications potentiellement graves : rhumatisme articulaire aigu (RAA), glomérulonéphrite aiguë, complications septiques loco-régionales. En raison de ces risques, seules les angines à SGA relèvent d’un traitement antibiotique, exception faite des très exceptionnelles angines diphtériques, gonococciques et nécrotiques à germes anaérobies (angines de Vincent ou de Ludwig).
Pourquoi faire un TDR ?
Les test de diagnostic rapide entrent dans le cadre de l’action nationale de préservation de l’efficacité des antibiotiques. En l’absence de signes cliniques suffisamment typiques des angines à SGA, et devant les difficultés des cultures de prélèvements pharyngés (délai d’un à deux jours en laboratoire), ces TDR permettent d’identifier rapidement les angines à SGA et ainsi de réduire les coûts, la prescription inutile d’antibiotiques, donc les résistances.
Dans quels cas est-il indiqué ?
Selon les recommandations(1), devant une angine érythémateuse (rouge) ou érythémato-pultacée (avec points blancs), le TDR est pratiqué chez tous les enfants dès 3 ans (avant cet âge, les angines à SGA sont très rares et aucun RAA n’a été décrit à cet âge) et chez les adultes avec antécédents de RAA ou un score clinique de Mac Isaac ≥ 2.(2)
Comment réaliser un TDR à l’officine ?
Un arrêté (voir repères) prévoit que ces tests soient effectués par les pharmaciens formés à cette pratique (modalités non spécifiées), dans un emplacement de confidentialité et le respect d’une procédure qualité
Combien ça coûte ?
Il revient au pharmacien de se fournir via le fabricant, les grossistes ou son groupement. Aucune rémunération n’étant prévue pour le moment, l’officinal peut décider d’offrir ce service ou de le facturer. Exemple, le Streptatest (laboratoire Dectra Pharm) a un prix unitaire de 3 € HT.
Pourquoi les ORL ont-ils des réticences ?
Le CNPORL met en garde contre l’idée fausse que toute angine non à SGA serait virale. Dans moins de 10 % des cas, il peut s’agir d’autres angines bactériennes relevant d’une antibiothérapie spécifique ou de manifestations de maladies non infectieuses (tumeurs, hémopathies). Pour le CNPORL, le pharmacien qui n’a que le résultat du TDR sans examen clinique « pourrait prendre le risque de rassurer le patient sans avis médical, entraînant de fait un retard au traitement ». Par ailleurs, les ORL constatent une progression préoccupante des complications des angines (phlegmons amygdaliens, voire cellulites cervicales et médiastinales mettant en jeu le pronostic vital), dont l’apparition serait reliée à une augmentation isolée (sans antibiotique associé) d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non.
Quelles précautions retenir ?
Les TDR réalisés à l’officine et positifs sont intéressants car ils conduisent à une consultation médicale systématique. Un test négatif sans examen médical de la gorge (pour lequel le pharmacien français n’est pas formé) impose la prudence et de ne pas en déduire forcément une origine virale. Des symptômes persistants, une fièvre élevée, des douleurs intenses, des ganglions, une dysphagie, un antécédent de RAA devraient conduire systématiquement à une consultation. De même, le conseil d’un AINS hors prescription d’antibiotiques doit tenir compte du rôle probable des AINS dans l’évolution possible vers des complications.
(1) Antibiothérapie par voie générale en pratique courante dans les infections respiratoires, Afssaps, 2005.
(2) Score de Mac Isaac à utiliser chez l’adulte :
– fièvre > 38 °C = 1
– absence de toux = 1
– adénopathies cervicales sensibles = 1
– atteinte amygdalienne (volume ou exsudat) = 1
– âge : 15 à 44 ans = 0 ; ≥ 45 ans = – 1
La probabilité d’infection à SGA est au maximum de 5 % si score < 2.
NOTRE EXPERT INTERROGÉ
• Pr Émile Reyt, président du Collège national professionnel d’oto-rhino laryngologie, chirurgien ORL, CHU de Grenoble (38).
Repères
→ 2005 : mise à disposition en médecine générale des tests de diagnostic rapide (TDR) dans le cadre de l’action nationale de préservation de l’efficacité des antibiotiques.
→ 11 juin 2013 : un arrêté permet aux pharmaciens d’utiliser certains tests d’orientation diagnostique, dont le test oropharyngé des angines à streptocoque du groupe A.
→ 3 août 2013 : le Conseil national professionnel d’ORL demande à Marisol Touraine d’exclure le TDR du champ de l’arrêté du 11 juin, « eu égard aux conséquences et risques pour le patient ».
→ 30 septembre 2013 : la Direction générale de la santé refuse, rappelant que ces tests « ne constituent que des moyens d’orientation diagnostique, nécessitant donc une confirmation médicale et/ou biologique ».
→ 25 à 40 % des angines infantiles et 10 à 25 % des angines de l’adulte sont dues au SGA.
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