UNE MARGE EN NETTE AMÉLIORATION

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Publié le 29 mars 2014
Par Francois Pouzaud
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Les difficultés des officines seraient-elles présentées de façon anormalement exagérée ? C’est la question que se pose KPMG à l’issue de son analysedes comptes 2013. En effet, si le chiffre d’affaires a baissé de 1,3 % en moyenne,la marge en valeur augmente de 2,8 %.

Pour la première fois dans ses moyennes professionnelles, KPMG enregistre une baisse du CA des officines*. L’activité est globalement en perte de vitesse de 1,3 %, avec un CA (HT) moyen de 1,592 M €. Pour rappel, en 2012, cette évolution avait été quasi nulle (+ 0,2 %). Une inversion de tendance qui illustre la profonde modification du modèle économique qui prévalait jusque-là. Plus des deux tiers des officines de l’échantillon sont dans le rouge (contre 52 % en 2012). Pour un quart d’entre elles, la baisse se situe au-delà de – 4,8 %. Pire : ils sont 10 % à enregistrer une chute du CA de plus de 7,5 %. La taille de l’officine permet d’échapper à ce phénomène d’essoufflement de l’activité : les pharmacies dont le CA est supérieur à 2,2 M € et celles de centre commercial sont les seules à progresser, respectivement de 0,5 % et de 1,7 %.

En outre, l’analyse et l’évolution du CA par taux de TVA montrent une fracture entre l’activité à 2,1 % (76,1 % du CA), en nette involution (- 3,2 %), et celles à 5,5 % et 7 % (13,9 % du CA) et à 19,60 % (10 % du CA) qui progressent sensiblement de 5,6 % et de 5,2 %.

Une marge à 30,6 % sur le remboursable !

Pour autant, les pharmaciens ne doivent pas s’alarmer. « Le chiffre d’affaires n’est plus un indicateur entièrement pertinent de mesure de l’activité des officines, rassure Joël Vellozzi, expert-comptable, responsable de l’étude KPMG. Avec le glissement progressif vers une rémunération aux multiples visages (marge et honoraires de dispensation, nouvelles missions, prime à la performance sur le générique, remises, coopérations commerciales…), c’est la marge commerciale qui porte maintenant la mesure de l’activité de la pharmacie et c’est elle qui constitue la rémunération du pharmacien. » En 2013, la marge en valeur de l’officine progresse en moyenne de 2,8 %, soit de 13 600 € par officine, contre + 1,3 % seulement en 2012. C’est donc bien la preuve qu’il y a déconnexion entre activité et marge.

Compte tenu de l’effet générique, les pharmacies voient également leur taux de marge (en  % du CA) grimper de 29,7 % en 2012 à 31 % en 2013. Malgré un environnement officinal devenu difficile, les résultats sont donc au rendez-vous, avec à la clé une amélioration significative de la marge et de la rentabilité. Il convient toutefois de souligner de fortes disparités d’évolution entre les officines puisque environ un tiers connaissent une évolution négative de la marge en valeur et 10 % enregistrent même une chute au-delà des 4,7 %. A l’inverse, elles sont 10 % à afficher une marge en valeur en hausse de plus de 10,6 %. La même proportion a un taux de marge supérieur à 32,7 %.

L’étude de KPMG montre donc que le taux de marge est peu influencé par les niveaux de CA et que les officines rurales ont tendance à avoir un taux légèrement supérieur (31,6 %) par rapport aux officines urbaines (30,6 %) et de centre commercial (31,2 %). « Globalement, la situation des pharmacies s’est bien rétablie. En 2012, au contraire, l’étude avait dégagé des chiffres préoccupants », analyse Patrick Bordas, responsable national du réseau professions de santé de KPMG. Ce qui lui fait dire que le point clé à surveiller aujourd’hui est le niveau et l’évolution de la marge, qui conditionnent les résultats et les perspectives des officines.

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Le générique, c’est 36 %de la rémunération

Effet générique oblige, la hausse du taux de marge moyen s’explique par l’appréciation de cet indicateur sur les médicaments remboursables qui progresse de 28,8 % en 2012 à 30,6 % en 2013. Un taux jusqu’ici jamais atteint. Si ce taux est aussi élevé, c’est parce qu’il intègre les points complémentaires de taux de marge obtenus avec les ventes de génériques, sans compter l’ensemble des remises liées aux achats multicanaux (direct, grossiste, short liner…). En effet, hors rémunérations complémentaires, le taux de marge ressort en moyenne à 22,8 % par application du barème de la MDL.

Un découpage fin du CA par KPMG montre que, sur les 76,1 % réalisés avec le 2,1 %, 37,9 % proviennent de la première tranche de MDL avec un taux de marge moyen de 23 %. Egalement, 11,5 % proviennent de la seconde tranche de la MDL avec un taux de marge moyen de 12 % et 9,2 % proviennent de la troisième tranche de la MDL avec un taux de marge moyen de 8 %.

Dans un CA 2013 en baisse, le générique prend plus de place : il représente 17,5 % du CA total et 23 % des spécialités pharmaceutiques. Sa contribution à la marge tirée de la MDL est de 103 230 € grâce à un taux de marge moyen de 37 %.

A titre de comparaison, le taux de marge sur les activités à 5,5 % et 7 % est en légère inflexion en 2013 à 33,3 % (- 1 point), de même que celui sur les activités à 19,6 % (- 0,3 point à 31,8 %), ce qui témoigne d’une réelle concurrence entre les officines et de la nécessité de maîtriser les prix sur les activités non réglementées. Ainsi, sur une marge moyenne de 493 948 € par officine, les activités à TVA 19,6 % y participent à hauteur de 10 % environ (50 562 €), celles à TVA 5,5 % et 7 % à hauteur de 15 % (73 926 €) et les ventes vignetées pour 75 % (369 460 €). Sur ces 369 460 €, 93 900 € (25,4 %) relèvent des rémunérations complémentaires. Celles-ci se décomposent en : 38 600 € de coopérations commerciales ; 4 000 € de rémunération sur objectif de santé publique (prime générique) ; 28 500 € au titre des 17 % de remises sur les génériques ;

3 000 € liés aux achats directs de génériques avec récupération de la marge grossiste ; 1 800 € liés aux achats directs de princeps avec récupération de la marge grossiste ; 18 000 € de remises grossistes.

Avec le développement des génériques, les coopérations commerciales ont, en effet, continué à progresser en 2013. Ainsi, la marge sur les ventes de génériques, à laquelle on ajoute les coopérations commerciales, la prime générique, les 17 % de remises ainsi que la récupération de la marge grossiste sur certains achats de génériques est de 177 330 €. Ce montant représente 36 % des revenus des pharmaciens libéraux.

La marge des officines n’a donc jamais été aussi dépendante du modèle économique « générique ». La situation restera sous contrôle tant que ce modèle ne sera pas remis en cause. « L’équilibre financier de la réforme introduisant des honoraires et la survie de très nombreuses officines dépendent de l’issue favorable donnée à la réforme des conditions d’achat des génériques », rappelle Philippe Gaertner, président de la FSPF. Par conséquent, le nouveau plafond des remises génériques devra permettre de maintenir des ressources équivalentes pour le réseau des officines en toute sécurité juridique.

* Analyse réalisée à partir de 509 bilans d’officines ayant clôturé en cours d’année 2013, dont quelques-uns au 31 décembre.

Les autres ratios en bref

• Les charges externes ont été très bien maîtrisées (+ 1,3 %).

• Les frais de personnel ont progressé de 2,3 %, ce qui est lié à l’augmentation du point de 1,6 % en 2013. Mais cette hausse reste en cohérence avec l’évolution de la marge en valeur.

• La rentabilité mesurée par la performance commerciale et de gestion ou PCG ([marge – charges externes – impôts et taxes – frais de personnel]/CA HT x 100) progresse fortement (4,1 %), mais « les disparités de PCG entre officines restent très importantes, probablement en raison de la plus ou moins grande maîtrise de la négociation et des processus d’achats », commente Joël Vellozi (KPMG).

• Le résultat des officines à l’IR (moyenne à 115,2 k€) a progressé de 1,1 % et celui de celles à l’IS (82,8 k€) de 5 %. Les titulaires de sociétés à l’IS ont prélevéun montant moyen de 68,6 k€ (rémunération et charges sociales personnelles incluses).

• La trésorerie s’est légèrement consolidée (80,2 k€ à la date de clôturedes comptes). La proportion d’officines en trésorerie négative est stable à 12 %.