S’inscrire dans une synergie locale

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Publié le 30 septembre 2015
Par Fabienne Colin
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Réussir en rural loin des gros cabinets de médecins. Pari réussi pour la pharmacie de Luitré grâce au soutien du maire, de la ténacité du titulaire, mais aussi et surtout grâce à l’esprit de coopération de toute l’équipe.

Quand le maire de la commune de Luitré (en Ille-et-Vilaine) appelle Alexandra Lesueur, alors pharmacienne adjointe dans un bourg voisin, il a un vrai projet à lui proposer. On est en 2008, son village de 1 300 âmes compte un cabinet d’infirmières, un généraliste, une maison d’accueil rural pour personnes âgées (MARPA) de 24 lits, un lotissement en construction à l’entrée de la localité…, mais l’officine vient d’être placée en liquidation judiciaire. Mal gérée, elle a surtout subi la perte d’importants marchés vétérinaires.

L’édile a cependant des arguments pour attirer un nouveau pharmacien : la mairie projette de regrouper les professionnels de santé dans des locaux réhabilités et de construire un pole commercial, qui accueillera le coiffeur et un futur charcutier traiteur. Il promet aussi de construire une nouvelle pharmacie sur la place. Alexandra Lesueur découvre une commune dynamique et rencontre les quatre infirmières associées et le médecin généraliste, toutes cinq prêtes à s’implanter dans le futur local.

La jeune pharmacienne se lance mais le parcours n’est pas un long fleuve tranquille. Il lui faut d’abord présenter son projet à la barre du tribunal de Rennes. « C’est un peu comme un examen. Pendant une quinzaine de minutes, assise autour d’une table avec le juge, l’avocat de la banque, l’ancien pharmacien et sa femme, le représentant de l’Ordre et le maire, on m’a demandé mes motivations, pourquoi je pensais réussir, etc. » Plusieurs points ont pesé en sa faveur. Tout d’abord son dossier comprenait un accord de la banque. Aussi, elle reprenait deux salariées : la femme de ménage et la préparatrice non diplômée. Son expérience dans une multitude de pharmacies, acquise au fil des déménagements occasionnés par la carrière de son mari, a fini de convaincre.

Elle remporte ainsi la première bataille et achète 250 000 € une officine au chiffre d’affaires de 450 000 €. Et comme on lui avait promis de rapidement quitter la veille boutique de 20 m2 de surface de vente, elle revient à la charge auprès du maire à chaque occasion. La jeune femme doit mener ce combat en même temps qu’elle s’installe et découvre la gestion d’une entreprise. Finalement, la construction du nouveau bâtiment démarre fin 2011. « J’allais à toutes les réunions de chantier », se souvient la titulaire. Elle ne veut rien laisser au hasard même si la commune lui a proposé une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), pour 145 000 € de gros œuvre auxquels elle ajoute 142 000 € de travaux.

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TISSER des liens

En parallèle, l’officine tisse des relations constructives avec les autres professionnelles de santé. Tous les lundis midi, la titulaire, les infirmières et la médecin se réunissent pour discuter des patients… En 2014, les infirmières investissent leurs nouveaux locaux jouxtant la nouvelle officine. Les échanges informels deviennent quotidiens, de visu ou au téléphone. Toutefois, depuis le début de l’année la médecin assiste de moins en moins souvent aux réunions. Alors qu’elle devait rejoindre le local près des infirmières, elle a finalement renoncé et s’est installée dans une commune à 8 kilomètres de là.

Le maire a déjà repris son bâton de pèlerin : il cherche un médecin et un charcutier traiteur. Déjà un ostéopathe et un kinésithérapeute viennent de rejoindre le cabinet médical. Quant à la pharmacienne, comme les infirmières, elle se mobilise aux côtés des élus pour trouver un médecin par bouche-à-oreille, petites annonces… L’enjeu est de taille car le généraliste pesait environ un tiers des ventes de médicaments remboursés.

Interdisciplinarité

Au cœur de réseaux

La Pharmacie Lesueur a investi divers réseaux favorisant les échanges interdisciplinaires. Elle est membre d’Hospipharm du pays de Fougères. La procédure de ce collectif permet, d’un simple fax de l’hôpital à l’officine, d’équiper le domicile d’un patient après une intervention. L’officine a aussi rejoint l’association Soigner ensemble en pays de Fougères, qui organise des formations (addictologie, tendances suicidaires…) où se côtoient professionnels de santé et du médico-social. Plus récemment, l’équipe a intégré un protocole expérimental mené par l’association spécialiste de la qualité de l’air Capt’air. En quelques semaines, dix patients ont rempli un questionnaire et ont été coachés en fonction des pollutions auxquelles ils sont confrontés.

Audit culture client EN PARTENARIAT AVEC CÔTÉ CLIENTS

Méthodologie

D’une part, Côté Clients a mené un entretien individuel avec le titulaire et un membre de l’équipe. D’autre part, chaque membre de l’équipe, titulaire compris, a répondu à un questionnaire en ligne concernant la culture client partagée dans la pharmacie. L’analyse de ces réponses fait ressortir plusieurs scores, qui oscillent entre – 100 (très mauvais) et + 100 (très bon).

L’AVIS DE L’EXPERT Guillaume Antonietti GÉRANT DE CÔTÉ CLIENTS

→ Points forts. Une « préoccupation client » vit au sein de l’officine via la titulaire qui communique régulièrement sur le sujet. L’équipe est à l’écoute et sait se rendre disponible quand nécessaire. Face aux réclamations, la pharmacie sait aussi réagir et s’adapter. La titulaire laisse une grande marge de liberté à son équipe (gestion des stocks…).

→ A améliorer. La pharmacie récolte trop peu d’informations clients de manière organisée et cela peut être préjudiciable. Y remédier peut passer par l’organisation d’enquête de satisfaction, de visites mystère, etc. Les informations sur les clients collectées sont trop peu analysées et partagées. Le cahier de liaisons gagnerait à être informatisé. Enfin, l’équipe n’a pas d’objectifs en termes de satisfaction clients.