Quel intérêt pour les autotests de la maladie de Lyme ?

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Publié le 28 juin 2016
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Deux autotests de la maladie de Lyme, Autotest de Lyme de Medisur et Alere Lyme Home Test, sont disponibles depuis peu en officine, alors que le diagnostic biologique, jugé difficile, fait l’objet d’interrogations en France.

Que sont ces autotests ?

Ces dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, en kits utilisables à domicile, visent à détecter précocement une éventuelle infection à Borrelia, bactérie responsable de la maladie de Lyme transmise par piqûre de tique. Employés depuis plus de dix ans en milieu hospitalier à l’étranger, ils sont disponibles aujourd’hui en France.

Comment ça marche ?

Ces tests immunologiques entendent détecter la présence d’anticorps IgM spécifiques de Borrelia dans le sang après piqûre supposée. Ils contiennent des antigènes des trois principales espèces retrouvées en Europe – Burgdorferi, Afzelii et Garinii –, qui donnent une réaction colorée avec les anticorps spécifiques produits par l’organisme infecté. Le test se fait par prélèvement d’une goutte de sang au bout du doigt, déposée sur une cassette test. La lecture du résultat par bandes colorées intervient dix minutes plus tard (voir p. 20).

Quelles sont les indications ?

Selon les notices, le test doit être fait deux à quatre semaines après la piqûre supposée ou dès l’apparition d’un érythème sur un endroit du corps susceptible d’avoir été piqué. « Le pic d’IgM est constaté au début de la maladie, d’où cette fenêtre de tir très courte entre deux et quatre semaines », explique Vincent Dailloux, cofondateur de la société Medisur.

Est-ce fiable ?

« Le test est marqué CE, ce qui prouve sa qualité. 8 000 tests ont été vendus en France dans les hôpitaux depuis 2012 sans aucune plainte de l’ANSM », précise Vincent Dailloux. Selon la certification CE du fabricant des tests (Vedalab), ils revendiquent une sensibilité (aptitude à diagnostiquer la maladie) de 91,3 % et une spécificité (aptitude à diagnostiquer spécifiquement cette maladie) de 81,3 %. Des faux positifs sont possibles en raison de réactions croisées avec d’autres pathogènes (rickettsies, leptospires…) comme des faux négatifs. Les anticorps recherchés sont ceux des espèces les plus fréquentes mais il en existe une vingtaine. « Les différents antigènes ont une forte proportion d’homologie parmi les espèces de Borrelia. Le test permet de détecter, en plus, les autres souches par réactions croisées », précise Vincent Dailloux. Des revendications optimistes au regard des difficultés actuelles du diagnostic biologique de la maladie. « Les méthodes disponibles manquent de spécificité car elles ne permettent pas de détecter la vingtaine d’espèces rencontrées, et de sensibilité puisqu’elle varie de 20 à 70 % selon les études », déclarait le Pr Perronne dans notre précédent numéro à propos des techniques Elisa et Western-Blot en laboratoire. Autant de raisons de rester méfiant sur les performances d’autotests pour lesquels « on manque de données scientifiques ». Méfiance partagée par le Dr Thomas Vallotton, porte-parole du Syndicat des jeunes biologistes médicaux : « La certification CE est un auto-marquage sous la seule responsabilité du fabricant. Ce n’est en aucun cas un gage de fiabilité, car il ne donne pas lieu à un contrôle des autorités sanitaires sur les performances annoncées du test ».

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Quel positionnement alors de ces tests ?

« C’est un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) qui n’a pas vocation à remplacer un diagnostic mais à orienter une personne exposée. Typiquement, celle qui montre une piqûre de tique à l’officine ou achète un tire-tique », rappelle Vincent Dailloux, pour qui cet outil complémentaire de sensibilisation à la maladie de Lyme ne dispense pas d’une visite chez le médecin en cas de symptômes. « À ceux qui n’iraient pas voir le médecin, on peut leur proposer le test en disant de consulter impérativement s’il est positif ». Pour le Dr Vallotton, cet autotest n’apporte rien : « S’il est positif et si la clinique est évocatrice, les tests de laboratoire remboursés seront prescrits de toute façon par le médecin pour confirmation ». Son usage pourrait même « rassurer à tort par des faux négatifs ou passer à côté d’autres infections non détectées ». D’autant plus si la piqûre est difficile à dater. Pour le biologiste, la consultation médicale reste la pierre angulaire de la prise en charge. « Au stade de l’érythème migrant, la sérologie est négative dans 50 % des cas, or c’est le signe pathognomonique (spécifique) qui valide à lui seul le diagnostic. Si on ne consulte pas, on se prive du moment où le diagnostic aurait paradoxalement été le plus simple ! » La sensibilisation à l’officine doit surtout passer par l’information, le rappel des règles de retrait de la tique et de surveillance.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Vincent Dailloux, cofondateur de la société Medisur pour Autotest de Lyme.

→ Dr Thomas Vallotton, porte-parole du Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM).

→ Pr Christian Perronne, chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches (92), président du conseil scientifique de la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT).

Repères

La maladie de Lyme

→ Zoonose vectorielle causée par une bactérie du genre Borrelia transmise par piqûre de tique (Ixodes ricinus) infectée.

→ Incidence : environ 85 000 Européens par an, dont 27 000 Français, sans doute sous-évaluée en raison d’un diagnostic difficile.

→ Évolution possible en trois phases : primaire, localisée avec érythème migrant caractéristique mais inconstant, puis secondaire et tertiaire avec signes cutanées, neurologiques, rhumatologiques, cardiaques, ophtalmologiques… plus ou moins sévères et chroniques.

→ Traitement antibiotique d’autant plus efficace qu’il est initié précocement.