Ça bourgeonne dans le rayon

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Publié le 1 décembre 2023
Par Charlotte Nattier
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Boosté par le « maskné », terme inventé par les dermatologues pour décrire les irritations de la peau liées au port du masque, le marché des produits anti-acné continue de fidéliser et de recruter des patients, grâce à une innovation rythmée et de nouveaux prescripteurs qui voleraient presque la vedette aux dermatologues.

Le port du masque pendant le Covid a souligné les imperfections de la peau chez les adultes avec une prédominance chez les femmes, souligne Hanane Chedani, directrice marketing développement produit au sein des laboratoires dermatologiques d’Uriage. Depuis, l’innovation est dynamique avec notamment une amélioration continue des grands piliers du marché. » « La pharmacie a recruté plus de 600 000 nouveaux consommateurs depuis 2021 », renchérit Santiago Flipo, directeur général La Roche-Posay et CeraVe (L’Oréal Beauté Dermatologique). Et, chiffre à l’appui, elle a su les fidéliser. L’anti-acné est devenu le sixième marché de la dermocosmétique (derrière les soins visage, les solaires, les soins du corps, l’hygiène…), en croissance de 10,6 % en valeur*. Une croissance portée par les cosmétiques (+ 20,6 %) qui représentent 85,7 % des ventes en valeur en officines*. Les médicaments et dispositifs médicaux, comme les traitements isotrétinoïnes, cèdent du terrain en raison du manque de disponibilité des dermatologues. Les laboratoires ne désinvestissent pourtant pas l’accompagnement dermocosmétique de ces produits prescrits. « Nous nous devons d’apporter des solutions à tous les patients », estime Roxane de Munter, cheffe de produit Eau thermale Avène (groupe Pierre Fabre), car l’acné, qui a des causes multiples (hygiène de vie, facteurs environnementaux ou héritage génétique), est une source de mal-être et de stress. « Les imperfections de la peau ont un véritable impact sur la qualité de vie », rappelle Santiago Flipo. Avec 74,3 % de parts de marché en valeur*, le soin en application locale domine le marché. « L’hygiène, encore sous dimensionnée, nécessite de la pédagogie de la part de toutes les parties prenantes, souligne-t-il. Il offre donc de belles perspectives. »

La course à la nouveauté

« Le marché est clairement drivé par les soins experts, l’efficacité et la rapidité », analyse Delphine Terribilini, directrice marketing chez Garancia. En témoignent les best-sellers de la catégorie : Cleanance Comedomed d’Avène et son action dès 7 jours et Effaclar duo+M de La Roche-Posay et sa triple action sur les points noirs, les boutons et les marques d’acné. « L’impact de l’acné sur la confiance en soi stimule la demande de résultats rapides, fiables et durables. Les consommateurs sont aussi à l’affût de méthodes scientifiquement prouvées », constate Hanane Chedani. Uriage s’appuie d’ailleurs sur quatre brevets pour la nouvelle génération de son soin Hyséac 3-Régul+, lancé cette année, qui promet une efficacité en 4 heures ! La démonstration de l’efficacité parle au consommateur et les laboratoires sont de plus en plus nombreux à montrer les résultats de leurs tests in vivo dans leur communication à travers des photos avant/après et à annoncer les résultats sur les packagings. « On ose désormais afficher les véritables imperfections, les boutons, les marques… avec des mannequins incarnés », se félicite Sidonie Marvalin Simon, responsable marketing Bioderma France (Groupe Naos). Les laboratoires jouent donc la carte de la réalité et de l’authenticité pour faire preuve de crédibilité. L’immédiateté des résultats est aussi palpable avec l’introduction de nouveaux produits qui viennent challenger les crèmes et autres gels à application topique. « Les patchs font fureur aux États-Unis », argumente Santiago Flipo. C’est sur cette tendance que s’est lancée la marque américaine Hero en France avec ses patchs anti-boutons et ses 370 millions de vues sur les réseaux sociaux ! « Nous avons véritablement créé une catégorie qui n’existait pas, se félicite Laurène Carlier, cheffe de marque pharmacie et e-commerce chez Hero. Déjà 2000 pharmacies référencent la marque en France depuis septembre 2023 »]. Politique d’amélioration continue, dépôts de brevets… le rythme des lancements ne faiblit pas. « Le poids de l’innovation sur ce marché est de 12 % », relève Roxane de Munter (Avène).

Les sérums, en pleine poussée

Si historiquement l’offre de l’anti-acné est très segmentée, avec des références pour adolescents d’un côté et pour adultes de l’autre, les promesses s’élargissent à travers des approches plus globales dans la prise en charge des imperfections, qu’elles soient superficielles ou pathologiques. « Si la frontière entre les deux cibles tend à s’effacer, on observe une sur-segmentation de l’offre en termes de galéniques, relève Sidonie Marvalin Simon (Bioderma). Le traitement des imperfections se doit d’être plus agréable et plus fun. » Et Hanane Chedani (Uriage) d’ajouter : « d’autres préoccupations liées aux soins de la peau sont souvent prioritaires ce qui signifie que la demande de produits anti-acné multifonctionnels est forte ». Ainsi, le sérum, cette galénique inspirée par l’anti-âge, fait aussi des adeptes au rayon anti-imperfections pour séduire des femmes adultes qui souhaitent intégrer ce traitement dans leur routine beauté. Les laboratoires sont nombreux ces derniers mois à s’être engouffrés dans la brèche : Bioderma avec Sébium sérum, Avène avec son sérum exfoliant aux A.H.A Cleanance, La Roche-Posay avec Effaclar sérum à l’acide salicylique, Uriage avec le sérum Hyséac peau neuve ou encore Caudalie avec le sérum salicylique Vinopure. « Notre sérum s’est rapidement hissé parmi nos trois meilleures ventes, car il s’intégrer dans la routine beauté de la femme adultepour mieux la compléter », se félicite Santiago Flipo (La Roche-Posay). Une étude menée par Eucerin, présentée en octobre 2023 à l’European academy of dermatology and venerology (EADV), montre que l’acné peut continuer de complexer les personnes même après sa disparition. « En plus d’une prise en charge globale des problématiques liées à l’acné comme le traitement des imperfections, la brillance de la peau, l’hydratation en cas de traitement médicamenteux…, il y a une demande pour la diminution des marques post-acné résiduelles », annonce Magali Durant, directrice marketing chez Eucerin (Beiersdorf). Le best-seller de la marque, le sérum triple action DermoPure, propose une solution globale permettant de réduire les imperfections de la peau, sa brillance mais également les hyperpigmentations post-acné.

Les nouveaux prescripteurs pullulent

La prescription médicale autour de l’acné est historique. « On dit souvent qu’une prescription vaut sept ventes », lance Santiago Flipo (La Roche-Posay). Tous prescripteurs confondus, la prescription médicale est le troisième segment en volume et représente 10 % des volumes des produits prescrits (source : fabricant). Néanmoins, en France, il faut attendre en moyenne six mois pour obtenir un rendez-vous chez un dermatologue. « Les médecins généralistes prennent clairement le relais », annonce Sidonie Marvalin Simon (Bioderma). « Il est même devenu le premier prescripteur en matière de traitement contre l’acné », ajoute Roxane de Munter (Avène). En parallèle, l’information sur Internet est abondante. L’acné est un segment qui devient multi-prescrit. « Aujourd’hui, la prescription médicale est concurrencée par la prescription digitale via les réseaux sociaux et les influenceurs, relève Charlotte Cabel, responsable marketing France SVR (groupe Kresk). TikTok est devenu l’un des plus gros prescripteurs de produits contre l’acné via des vidéos et du contenu réalisés autour du sujet. » « Ces skinfluenceurs [cf encadré : « Qui sont les skinfluenceurs ? »] poussent les jeunes à se familiariser aux gestes d’hygiène et cela se ressent sur les ventes », constate également Hanane Chedani (Uriage). Si bien que de plus en plus de marques activent ce levier. « Il faut continuer à les éduquer afin que les skinfluenceurs délivrent une information au plus proche de la réalité scientifique », souligne Santiago Flipo. D’ailleurs, L’Oréal a lancé Spotscan, une application qui utilise la reconnaissance faciale. Elle a été téléchargée 350 000 fois ce qui montre la curiosité et l’intérêt des consommateurs mais aussi une frontière de plus en plus fine entre la technologie et la dermocosmétique.

Le guerre des boutons, mais à quel prix ?

Les problèmes d’acné touchent majoritairement un jeune public qui dispose d’un budget serré, c’est pourquoi « ce marché est sensible à la promotion. Les duos fonctionnent bien », reconnaît Roxane de Munter (Avène). Pour Santiago Flipo, le succès de CeraVe Anti-imperfections est dû à une gamme courte (deux produits d’hygiène et deux de soins), facile à comprendre et accessible en terme de prix.

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Les remèdes naturels explosent

Aux côtés des mastodontes que sont dans l’ordre La Roche-Posay, Avène, Ducray, SVR et Bioderma*, des marques de cosmétiques se sont fait une place sur le marché de l’anti-acné en misant sur la naturalité. « Nous nous sommes fait connaître en misant sur le mélange naturalité et efficacité, déclare Delphine Terribilini chez Garancia. Notre gamme Marabout, composée de six produits qui luttent contre les imperfections, joue la carte de l’efficacité avec des tests visibles pour preuve et aussi de la naturalité avec des formules contenant un minimum de 95 % d’ingrédients d’origine naturelle. » Même son de cloche chez Caudalie : « Notre gamme Vinopure à base d’acide salicylique naturel est associé à un actif breveté à base de polyphénols de pépins de raisins », explique Angélique Mahot, directrice générale France. Quant à Indemne, la marque aux huiles essentielles, elle dédramatise avec humour la chasse aux imperfections avec une lotion au nom accrocheur « Déboutonnez-moi ! »

*Source : Gers data, en cumul annuel mobile à septembre 2023.

+ 2,5 %

7,4 M d’unités vendues

L’impulsion initiée pendant le Covid-19, en raison du « maskné », ne s’essouffle pas. Les produits pour lutter contre les imperfections sont aussi bien achetés par les adolescents que leurs parents.

+ 10,6 %

95 M€ de CA

Le boom des sérums et des soins tout-en-un contribuent fortement à la performance du marché de l’anti-acné, déjà bien supérieur aux autres secteurs de la dermocosmétique.

Source : Gers data, en cumul annuel mobile à septembre 2023.

85,7 %

C’est la part de marché en valeur* que représente la cosmétique dans le marché de l’anti-acné, contre 13 % pour les médicaments et 1,1 % pour les compléments alimentaires.

Qui sont les skinfluenceurs ?

Ces créateurs de contenu qui montent en puissance sur les réseaux sociaux, notamment grâce au format vidéo de TikTok, sont aussi bien des dermatologues, que des esthéticiennes voire même des amateurs de cosmétiques. Ces professionnels ou passionnés testent les produits et dispensent leurs conseils avisés. Le #acne est d’ailleurs l’un des principaux sujets recherchés par les adolescents sur TikTok.

La grande distribution pousse les gels lavants

Si la pharmacie reste le circuit de prédilection pour traiter des imperfections de la peau et l’acné avec 80,7 % de parts de marché en valeur*, la grande distribution n’en demeure pas moins dynamique avec une hausse de 16,6 %*. Cette croissance est essentiellement liée à la performance des gels lavants (21,9 % en valeur), tandis que les crèmes et gels traitants ont stagné, selon des données Circana, en cumul annuel mobile à fin octobre 2023. « Alors que les marques présentes en grande distribution reprenaient les mêmes codes qu’en pharmacie, elles ont su, ces dernières années, clarifier leur offre et proposer des gammes plus décomplexées », constate Charlotte Cabel, responsable marketing France SVR (groupe Kresk).

Source : Gers data, en cumul annuel mobile à septembre 2023.

Action, réaction. Les soins tout-en-un font la chasse à tous types d’imperfection en promettant d’agir le plus rapidement possible.

Le geste d’hygiène. Incontournables dans un traitement contre les imperfections de la peau, les lavants ont enregistré une progression de 33 % en valeur*.

La naturalité fait recette. Garancia, Caudalie ou encore Indemne offrent une alternative plus naturelle pour soigner sa peau et dont les résultats sont prouvés.

Le savon masque fait un carton. Pin up secret hisse son savon iconique au lait de chèvre – antibactérien et anti-inflammatoire – dans le Top 5 des ventes et intègre d’office le Top 10 des marques de la catégorie*.